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Lors d'un projet d'élevage, comment éviter les conflits

Agrandissement, création... Les projets en élevage génèrent parfois des inquiétudes, voire des oppositions brutales. Les échecs et les réussites nous livrent les points clés pour éviter des conflits. 

« Anticiper et dialoguer sont deux maîtres mots pour mettre les chances de son côté et faire accepter un projet d'extension ou de création d'élevage, ou de méthanisation », résume Marie-Laurence Grannec, de la chambre d'agriculture de Bretagne. Elle s'appuie sur une étude pilotée par la chambre d'agriculture de Bretagne sur seize élevages dont six avec du bovin(1).

Certaines zones géographiques sont plus sensibles que d'autres, comme les territoires à enjeu environnemental. Ou quand il y a une concurrence entre les zones résidentielles, d'autres activités économiques (tourisme par exemple) et l'activité de l'élevage. Mais même dans des zones à priori peu sensibles, des oppositions peuvent apparaître.

La nature du projet joue peu. « Nous avons vu des projets de taille conséquente (600 vaches allaitantes, unité de méthanisation de 325 kWe) éviter les conflits. Et d'autres de taille plus modestes ont été confrontés à des oppositions. De même, les systèmes alternatifs (bio par exemple) ne suffisent parfois pas à s'affranchir de tensions », indique Marie-Laurence Grannec. En bovin, les oppositions viennent de rivalités pour l'accès au foncier, ou du rejet du modèle de gros élevages intensifs. « Pour lever les tensions, l'insertion sociale de l'éleveur dans son territoire joue un rôle majeur. »

Ce que montre un projet de 600 vaches allaitantes qui avait suscité des inquiétudes en raison de sa grande dimension. « De plus, les propriétaires et le gérant étaient perçus comme « des étrangers ». Mais le conflit a été évité. Le porteur de projet a tout fait pour combattre l'image d'un élevage industriel, avec une race bovine à petit effectif, un engagement dans une filière de qualité, des abords de ferme fleuris, une extension progressive... Et surtout, il a fait montre de réelles qualités de communicant, en établissant le dialogue avec différents acteurs locaux. Et il a fait travailler les entreprises du coin », raconte Marie-Laurence Grannec.

Lire aussi le témoignage "Devancer les critiques plutôt que les subir"

S'insérer socialement au quotidien

L'insertion sociale est essentielle aujourd'hui, puisque les autres acteurs du territoire sont désormais majoritaires en nombre par rapport aux agriculteurs. Le porteur de projet communique-t-il avec ses voisins ? Ouvre-t-il sa ferme ? Participe-t-il à la vie locale ? Cela participe à l'image que l'éleveur aura auprès de ses voisins et de son territoire, et c'est déjà de l'anticipation pour présenter dans de bonnes conditions son projet.

De même, être soucieux au quotidien de son voisinage établit un climat de confiance. Si déjà on le prévient des jours d'épandage, si on a déjà fait évoluer certaines pratiques par rapport à des remarques faites par les riverains - épandage par enfouissement par exemple - ce sera déjà un bon point de départ pour un futur projet. 

Isoler les opposants emblématiques

« Nous avons vu un beau projet, qui a été combattu par un opposant emblématique anti-élevage. Heureusement, grâce à la bonne image de l'éleveur et de sa ferme, il n'a pas réussi à embarquer beaucoup de monde avec lui », raconte Marie-Laurence Grannec. Cet exemple montre que l'insertion sociale permet d'éviter qu'une contestation ne fasse tâche d'huile auprès des autres riverains.

Parler suffisamment tôt est essentiel, quand le projet est encore en réflexion. Cela permet de répondre à des interrogations et des inquiétudes. « Il ne faut pas que celles-ci soient mal perçues par l'éleveur. Il faut pouvoir y répondre sereinement. On peut proposer de visiter sa ferme, ou un projet similaire, ou diffuser quelques photos. Cela prend du temps, mais ce n'est rien à côté du coût social et psychologique d'un conflit. » On peut aussi ouvrir l'échange - « Qu'en pensez-vous ? » - pour instaurer un climat de confiance. On peut ainsi s'affranchir de la mauvaise image qu'a laissée un prédécesseur ou des craintes suscitées par une histoire ancienne.

Tenir compte des remarques

Échanger tôt permet de prendre en compte des remarques. Car s'il faut prévoir des aménagements des abords, une autre route d'accès, ou un léger déplacement du futur bâtiment, autant le prévoir avant le dépôt du projet. « Dans un exemple, l'éleveur a reconnu que son projet était mieux maintenant, après un conflit et des échanges avec les riverains. Mais il a dû déposer une deuxième fois son projet : une perte de temps et d'énergie qu'il aurait préféré éviter. »

En parler à ses voisins

Le rôle du maire est souvent essentiel, et il est important de bien présenter son projet aux élus. Pour autant, il ne faut pas oublier ses voisins. « Sinon ceux-ci se sentent méprisés. » Et ce peut être le début d'un engrenage. « J'ai l'exemple d'un éleveur qui, pour son premier projet, a rencontré l'opposition d'un groupe de la commune. Il a eu beau aller les voir par la suite, c'était trop tard. Ils se méfiaient et se renseignaient ailleurs, auprès d'associations miliantes. Du coup, pour son deuxième projet, il est d'abord allé voir les riverains un à un pour le présenter bien en amont », expose Marie-Laurence Grannec.

Quand on organise une réunion de présentation, il n'est pas utile d'inviter tout le canton. Il faut cibler les gens concernés et pas uniquement les voisins.

Ne pas partir du principe que tout va bien

« Nous avons rencontré un cas où l'éleveur, ayant plutôt de bonnes relations avec ses voisins, a été très surpris de rencontrer une opposition à son projet. Dans ce cas, les voisins étaient gênés par des nuisances liées à un premier projet, mais ils n'ont rien dit, pensant que l'agriculteur se fichait des conséquences de ses pratiques. Cela nous fait dire qu'il ne faut pas avoir d'a priori et penser que tout va bien. Il faut se poser des questions sur la perception qu'ont les gens de la ferme. Même en dehors d'un projet, interroger ses voisins sur la perception qu'ils ont de vos pratiques, et chercher l'échange avec eux en amont d'un projet, permet de désamorcer de futurs conflits », insite Marie-Laurence Grannec.

(1) Étude réalisée en 2016 avec l'université de Rennes, l'UMR CNRS Espaces et sociétés, l'Agrocampus de Rennes, Trame et l'Idele
 

À retenir

Dialoguer plutôt que communiquer, pour avant tout écouter, expliquer et tenir compte des remarques.

Diagnostiquer l'acceptabilité de son projet

Sur le site internet des chambres d'agriculture de Bretagne, vous trouverez en téléchargement libre Accept'Elevage, un outil d'autodiagnostic pour évaluer l'acceptabilité de son projet d'élevage. Mis au point par l'équipe « porc », il se prête à tout projet d'élevage. Il rappelle dix conseils utiles sur les bonnes pratiques au quotidien et les relations locales, pour garder de bonnes relations de voisinage.

Passer en force, un mauvais calcul

« On trouvera toujours des cas où le porteur de projet a fait aboutir son projet malgré les oppositions, sans aménagements particuliers. Mais le passage en force a des conséquences humaines. Il peut laisser des traces sur le porteur de projet ou sur sa famille. Cette histoire peut diviser la commune entre les pour et les contre. Elle peut constituer un passif et alimenter des oppositions à d'autres projets », prévient Marie-Laurence Grannec. À l'inverse, un projet qui se passe bien rassure les gens. C'est un passif positif, pour soi et ses projets futurs.

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