Tour de plaine
Une récolte française 2020 de blé tendre à 29-31 Mt ?
Le chiffre de 32-33 Mt de blé tendre récolté en France en 2020 n’est plus d’actualité. Les surfaces sont revues à la baisse, et les rendements dans l’Ouest ont déçu.
Le chiffre de 32-33 Mt de blé tendre récolté en France en 2020 n’est plus d’actualité. Les surfaces sont revues à la baisse, et les rendements dans l’Ouest ont déçu.
Il y a une quinzaine de jours, bon nombre d’opérateurs et d’analystes attendaient la récolte hexagonale de blé tendre 2020 autour de 32-33 Mt. L’estimation d’Agreste au 7 juillet était d’ailleurs jugée pessimiste, à seulement 31,313 Mt, compte tenu d’une surface étonnamment basse, à 4,406 Mha. Des analystes privés évoquaient à l’époque une possible sous-estimation de la sole, justifiée par le fait que toutes les déclarations Pac des agriculteurs n’avaient pas encore été enregistrées par le ministère. Les rendements affichés par Agreste étaient en revanche plutôt dans les attentes du marché, à 7,11 t/ha. Mais depuis, la récolte a bien avancé, et bon nombre d’opérateurs ont revu leurs prévisions à la baisse. Jean-François Lépy, directeur général de Soufflet Négoce, table pour le moment sur une récolte française comprise entre 29 Mt et 31 Mt cette année. « Il faudra surveiller ce qui se passe dans le nord de la France », où la récolte n’est pas terminée. Ce dernier confirme la surprise quant à la superficie française publiée par Agreste début juillet 2020 : « on passe de 4,6 Mha à 4,4 Mha juste avant les récoltes, c'est beaucoup ! Ce sera un élément important à suivre. On verra si Agreste révisera ou non ce chiffre de 4,4 Mha dans les prochaines publications ».
Des courtiers tablent sur 30 Mt de blé tendre en 2020
Plusieurs courtiers en céréales avancent aujourd’hui le chiffre de 30 Mt. Alors que les craintes se tournaient au printemps vers l'Est, très touché par la sécheresse à l’époque, c’est finalement la façade Atlantique qui affiche les plus mauvais résultats. « Les résultats sur la façade Atlantique sont moins bons qu’attendu. En Bretagne, c’est également mauvais », affirme un courtier. Jean-François Lépy, confirme les faibles rendements dans le secteur: « il y a des résultats très variables mais les résultats dans l'ouest/Atlantique sont les moins bons par rapport aux autres zones en termes de volume. Il y a également un vrai décrochage dans le Centre, la Beauce ». L'expert rappelle que ce sont les petites terres (ou terres superficielles) qui ont le plus souffert. François Berson, directeur collecte de Soufflet, indiquait le 16 juillet une baisse de la collecte de 0,5 Mt entre 2019/2020 et 2020/2021, passant de 4,3 Mt à 3,8 Mt, tous produits confondus (blé tendre, blé dur, orges etc.).
Côté coopératives, les retours ne sont pas des plus optimistes cette semaine. Axéréal, dont la zone d'activité principale est le Centre/Val-de-Loire (quelques zones en ile de France et Normandie), confirme une récolte de céréales à paille plutôt qualitative mais très décevante en rendement. « Les rendements, très hétérogènes suivant les zones de collecte, affichent une diminution moyenne de 18 à 20%. Ce recul peut atteindre 40% dans les zones les plus touchées », explique la coopérative dans un communiqué du 27 juillet. Le document précise tout de même qu'en blé dur, le rendement semble correct globalement. « Les résultats sont variables sur tout le territoire. Dans une même zone, à quelques kilomètres de distance, nous pouvons par exemple aller de 4 à 9 T/ha en orge d’hiver. Dans les zones nord et est de notre territoire, les rendements semblent toutefois un peu meilleurs en blé tendre» indique le groupe Axéréal. Concernant la qualité, "Les taux de protéines des blé globalement sont bons, les habgerg, et PS également. La qualité sanitaire est excellente. Les calibrages des orges d’hiver sont un peu en dessous de la moyenne, et dans quelques cas, nous avons des protéines un peu élevées. Les blé dur sont de très bonne qualité, sans défaut majeur », précise t-il.
Chez Dijon Céréales (Bourgogne/Franche-Comté), « le bilan est très constaté, avec des différentiels de rendements jamais atteints selon les secteurs en Côte-d'Or, mais aussi une belle qualité d'ensemble en céréales, et notamment en blé », constate la coopérative dans un communiqué du 28 juillet. La coopérative, qui évoque un «bilan global très médiocre", note que le blé, affiche un « rendement moyen en baisse de 5% à 6t/ha », et une qualité « au rendez-vous » avec « un PS à 80 et une protéine à 12.5% en moyenne ». En orges d'hiver, les rendements sont également très hétérogènes, et apparaissent faibles en variété de printemps, «à 5t/ha en moyenne».
Baisse annuelle des rendements de 19,9% en Bretagne, selon Agritel
Agritel en rajoute une couche : « en Bretagne, la situation est presque aussi mauvaise qu’en nouvelle Aquitaine et dans les Pays de la Loire, avec des rendements en baisse de 19,9% ! », détaille Arthur Portier, analyste-expert du cabinet d’analyse. Les pluies tombées dans certains secteurs dans le Nord du pays et la région Grand-Est ont été salvatrices. Mais les bons résultats dans ces régions ne compenseront pas les déceptions dans le reste du pays et surtout la façade Ouest.
Un assolement français de blé tendre en débat
Agritel voit désormais la récolte française à 29,22 Mt, chiffre publié le 27 juillet. Ceci en raison d’un recul des rendements de 13,65% par rapport à 2019 (repli de 7,95% par rapport à la moyenne olympique quinquennale), qui tombent à 6,83 t/ha mais aussi et surtout de l'effritement des surfaces, qui tombent à 4,28 Mha, en baisse de 14,38% par rapport à l’an dernier! « Ce chiffre est provisoire et pourrait être ajusté. Notre enquête terrain révèle un chiffre encore plus pessimiste que celui d’Agreste concernant les assolements nationaux de blé tendre », explique Arthur Portier. Un retard dans l’enregistrement des déclarations Pac par le ministère est toujours évoqué par les opérateurs pour justifier le chiffre étonnant d’Agreste quant à la sole nationale de blé tendre début juillet. La pandémie de Covid-19 a en effet potentiellement retarder le travail des pouvoirs publics. Mais il se pourrait en réalité que cela joue en défaveur de ces mêmes surfaces. Ainsi, Agreste pourrait de nouveau les réviser à la baisse lors de publications ultérieures et augmenter celles des cultures de printemps (orge, maïs, tournesol…).
Récolte 2020 au sein de l’UE plus le Royaume-Uni à 130 Mt, selon Stratégie Grains
De son côté, Stratégie Grains déclare, par la voix de Vincent Braak, analyste, que leurs chiffres allaient être revus à la baisse dans les prochains jours: « nous travaillons désormais sur un chiffre autour des 30 Mt, contre près de 32 Mt précédemment ». Le cabinet d’analyse table d’ailleurs sur une récolte de blé tendre 2020 au sein de l’UE plus le Royaume-Uni de 130 Mt, contre 147 Mt l’an dernier.
Si les rendements hexagonaux sont décevants et surtout très hétérogènes, il se confirme que la qualité est au rendez-vous, malgré là aussi une certaine variabilité. Les taux de protéines, les PS (poids spécifique) et les poids de mille grains (PMG) sont donc bons dans l’ensemble, rapportent les analystes. « La qualité jugée satisfaisante est conforme aux normes exigées par les principaux débouchés,à l’export notamment », souligne Agritel.
0,8 Mha d’orge de printemps, selon Agritel
Du côté des autres cultures, les volumes d’orges atteindraient 11-12 Mt selon Agritel. « Nous sommes plus optimistes qu’Agreste concernant la sole française 2020 d’orge de printemps, que nous voyons à 0,8 Mha », indique Arthur Portier, contre 0,782 Mha selon les services statistiques du ministère de l’agriculture début juillet. Si les rendements déçoivent, il se confirme que la qualité est bonne. Il reste cependant à surveiller les coupes d’orges de printemps. Mais alors que la récolte semble de qualité, la demande est au point mort, du fait de la pandémie de Covid-19. « Heureusement que la Chine est là », déclare Arthur Portier.
Récolte de colza 2020 à 3,2-3,3 Mt ?
En colza, comme pour les autres cultures, la forte hétérogénéité est également de mise, et les volumes pourraient tomber à 3,2-3,3 Mt (3,36 Mt selon Agreste début juillet). « Nous sommes très proches des estimations de l’observatoire des cultures européennes de la Commission (Mars) », précise Arthur Portier. L’organisme européen estime le rendement moyen français à 3,05 t/ha au 27 juillet.
Du côté du blé dur, comme pour le blé tendre, les volumes sont réduits, mais la qualité globalement bonne, malgré une certaine hétérogénéité.
En maïs, « on ne tire pas encore la sonnette d’alarme mais le temps chaud et sec commence à inquiéter », souligne Arthur Portier. Ce dernier rappelle que la semaine 31 est témoin de fortes températures, alors que les plantes sont à un stade sensible de développement : la floraison. Et la concurrence internationale risque une nouvelle fois de s’avérer très pressante, avec notamment une récolte ukrainienne « qui pourrait atteindre les 39-40 Mt, les parcelles ayant reçu des pluies juste au bon moment », alerte Arthur Portier.