Céréales
Pyriculariose : la menace fantôme !
La maladie fongique, jusqu’ici cantonnée à l’Amérique du Sud, pourrait affecter les parcelles de céréales françaises, craint le Cirad.
La maladie fongique, jusqu’ici cantonnée à l’Amérique du Sud, pourrait affecter les parcelles de céréales françaises, craint le Cirad.
Et si demain une nouvelle maladie fongique s’attaquait au blé tendre européen ? C’est la question que pose Didier Tharreau, chercheur au Cirad, lors d’une conférence organisée par l’Anses sur l’impact du changement global sur l’émergence des maladies et des ravageurs des plantes en Europe, le 23 avril à Paris. «À l’origine, la pyriculariose (maladie fongique) était cantonnée au Brésil. Mais sa présence s’est étendue à d’autres continents ces dernières années, avec d’importants dégâts rapportés au Bangladesh.»
La pyriculariose, provoquée par le champignon Magnaporthe oryzae, endommage les parties aériennes des plantes hôtes (blé tendre, maïs, riz, millet, orge…), réduisant donc les rendements. Découverte au Brésil, la maladie s’est ensuite s’installée en 2015 au Bangladesh, et même en Inde, rapporte Didier Tharreau. Et ses effets sont dévastateurs. «Sur la saison 2009/2010, 3 Mha de blé tendre ont été touchés au Brésil. Nous avons enregistré des pertes de rendement de 30 %, voire de 100 % dans certains cas !»
Le Rtw3 : gène résistant à la pyriculariose
Les variétés de blé tendre doté du gène Rtw3 sont résistantes à la pyriculariose, selon Didier Tharreau. «Le gène existe déjà dans l’UE. La question est de savoir dans quelle mesure.» Mais le champignon à l’origine de la maladie peut s’adapter. «Le Brésil utilisait des variétés non dotées du gène en question, raison pour laquelle l’organisme y a fait des ravages. Les producteurs locaux ont ensuite importé massivement des variétés résistantes, mais le parasite était tellement présent qu’il a muté et s’est adapté !», alerte le scientifique. Des fongicides peuvent être appliqués, «mais ils ne sont pas toujours efficaces».
Présence détectée du champignon… dans des stades de football !
Plus inquiétant encore, un des hôtes de la pyriculariose servant de vecteur est le ray-grass anglais, à la fois cultivé et traité comme une mauvaise herbe dans l’UE. Le Cirad a détecté la présence du champignon dans du ray-grass utilisé pour le gazon… dans un terrain de football ! «Nous avons, en 2017, prélevé des échantillons sur la pelouse du stade de la Mosson de Montpellier et détecté la présence de la maladie», témoigne-t-il. Et de préciser que le stade de la Praille à Genève est aussi touché. Les questions de savoir comment le champignon est arrivé en Europe et comment il peut évoluer n’ont pas encore trouvé de réponses. «Une hypothèse du passage de la maladie de l’Amérique du Sud au Bangladesh est le commerce de semences contaminées. […] Pour le cas du stade de Montpellier, le dernier Euro est un suspect potentiel.»
Si le risque de contamination depuis un terrain de football vers des champs est réduit, le chercheur prône la prudence. Le gouvernement ne pourrait-il pas agir pour lutter contre ce potentiel fléau ? «Les stades de football sont exploités par des clubs. Il est compliqué pour le ministère d’interférer dans les activités du privé», déplore Didier Tharreau. Ce que veut surtout vérifier le Cirad, c’est de savoir si le parasite est présent en milieu rural. «Il nous faut des moyens financiers, des réseaux.» Ainsi, le loup est déjà dans la bergerie. Mais il dort pour l’instant, aucun dégât sur des parcelles cultivées n’ayant été rapporté en Europe.