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Commerce international
L’envolée des coûts du fret maritime pourrait perturber les flux de matières premières agricoles

L’indice des prix pour le transport maritime de vrac sec ne cesse de croître atteignant des sommets en ce début de campagne 2021/2022, avec de potentielles conséquences sur les exportations de grains français.

© Haropa Port

Le Baltic Dry Index, l’indice des prix pour le transport maritime de vrac sec (notamment de céréales), a atteint son plus bas niveau en février 2020 pour mieux rebondir en juin 2020 et aujourd’hui atteindre des sommets (cf. graphique). De 411 le 10 février 2020, il s’est établi à 4201 le 24 août 2021, soit une multiplication par plus de dix de l’indice en dix-huit mois.

Une multiplication par dix de l’indice de coût du fret maritime en dix-huit mois…

Comment expliquer la flambée des coûts de fret maritime ? Si la maladie infectieuse de la Covid-19 - qui s’est manifestée dès novembre 2019 en Chine (le principal importateur de matières premières) et transformée en pandémie au début de l’année 2020 - explique la chute des prix du transport maritime, par le ralentissement de l’économie mondiale et la baisse de la demande internationale en matières premières, la progression de la vaccination - en enrayant la pénurie de main d’œuvre - a permis une reprise de l’activité industrielle et, par ricochet, de la consommation de commodités.

« Le fret maritime fonctionnant sur l'offre et la demande, l'augmentation des prix est dû à la forte augmentation des demandes de transports de matières premières, notamment au départ de la chine », explique Joël Ratel, directeur général de Nord Céréales. « Ainsi le redémarrage de l’économie chinoise est-il intervenu alors que le monde occidental subissait ses deuxièmes et troisièmes vagues » de contamination par la Covid-19, qui « a, de façon générale, contribué à désorganiser les chaînes logistiques (embouteillage portuaire car chargement/déchargement perturbé, en raison d’équipages fatigués et non relevés) », une situation qui a été « entretenue par la reprise économique en Europe et aux Etats-Unis », complète Jean-François Lépy, directeur général de Soufflet Négoce. Et Simon Aimar, directeur de la coopérative Saint-Pierre de Juillers et ancien responsable Développement et Marketing de Sica Atlantique, d’ajouter que l’« augmentation des cours du pétrole » et la « réduction du nombre de navires en opération (moins de mises en chantier depuis le début de la pandémie) » n’ont fait qu’amplifier la tendance haussière des coût du fret maritime. 

Il est vrai que « la réduction de capacité de construction de navires depuis 2008, la pression environnementale sur l’empreinte carbone des navires et les carburants utilisés (low sulfur), les futures normes environnementales encore incertaines font que le carnet de commande de nouveaux navires est au plus bas, et ce, dans un contexte de volumes transportés toujours en hausse pour les 3 grandes familles de vrac (grains, minerais et charbon) », souligne Jean-François Lépy.

… qui induit par ricochet un renchérissement des céréales importées

« Le fret étant un des paramètres qui permet de calculer le prix Rendu des matières premières dans le pays importateur, leur prix augmente », indique Jöel Ratel. A titre d’exemple, « il y a un an (août 2020), l’Algérie achetait des blés autour de 230-235 $/t, incluant un fret "sortie France" d’environ 20 $/t et, aujourd’hui, les meilleures offres seraient à plus de 350 $/t avec un fret "sortie France" avoisinant les 50 $/t », illustre Jean-François Lépy. Ces niveaux de prix n’ont pas été vus depuis la crise de 2007/2008, qui avait engendré d’importants mouvements de contestation dans certains pays d’Afrique et du Moyen-Orient, précurseurs des « printemps Arabes », rappelle directeur général de Soufflet Négoce.

La flambée du fret maritime entraîne, de fait, une « perte de compétitivité pour les pays exportateurs les plus éloignés des pays importateurs », complète Simon Aimar. Ainsi la France pourrait, cette campagne, exporter moins de grains vers l’Asie, et notamment la Chine qui a représenté une destination de choix en 2020/2021, mais plus sur l’Afrique, principalement les pays du Maghreb, dont certains ont engrangé de médiocres récoltes cette année. « Les écarts de prix de transport entre les différentes origines augmentent et contribuent à une "régionalisation" des flux », résume Jean-François Lépy.

Cependant, tempère Simon Aimar, les flux de céréales ne pourraient être modifiés qu’à la marge « si les pays exportateurs baissent leurs prix FOB pour compenser la perte de compétitivité liée à l’augmentation du fret maritime ».

Reste que les prix des céréales sont devenus si chers que certains importateurs ont dû « annuler leurs achats faute de moyens » financiers, affirme Jöel Ratel.

Quid d’une prochaine baisse de l’indice de coût du fret maritime ?

Pour diminuer le coût du fret maritime, il faudrait une baisse du prix du pétrole, un recul des échanges commerciaux ou encore davantage de navires disponibles. « Les armateurs, qui souffraient de bas niveaux d’activité depuis 2008, ne pouvaient guère investir dans de nouveaux navires. Aujourd'hui, les chantiers navals ont leurs carnets de commande pleins (cf. encadré), ce qui devrait d'ici deux à trois ans conduire à une augmentation du nombre de navires disponibles et donc faire baisser les taux de fret », espère Joël Ratel.

Ainsi, selon Jean-François Lépy, « s’il est difficile de faire des pronostics, les tensions [sur la disponibilité des navires] vont perdurer, la reprise économique restant forte, et le fret maritime restera tendu ». Un avis partagé par Joël Ratel, qui estime que « les coûts du fret maritime devraient rester les mêmes pour les deux années à venir ».

Les armateurs profitent de bons résultats financiers pour accroître leur flotte

L’armateur AP Møller-Maersk, le géant danois du transport maritime, a annoncé, le 24 août, accélérer la décarbonisation de sa flotte avec une commande de huit navires fonctionnant au bio-méthanol, qui seront lancés en 2024. L’entreprise avait publié, le 6 août, des résultats en nette hausse sur avril-juin, portés par l’envolée de la demande (+15 %) et des taux de fret moyens (+59 %) sur la période. Son chiffre d’affaires a progressé de 58 % sur un an, à 14,2 Md$.
De son côté, l’armateur français CMA CGM a également profité du fort rebond du commerce mondial et de la hausse des volumes transportés, en enregistrant au deuxième trimestre une hausse de 77 % de son chiffre d’affaires, à 12,4 Md$, selon un communiqué en date du 27 août. « Le contexte actuel devrait (...) permettre au groupe de continuer à améliorer ses résultats au deuxième semestre 2021 », a souligné la direction de l’entreprise, qui indique poursuivre l'acquisition de nouveaux navires.

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