Développement durable
La Conf’ contre l’irrigation à tout prix
Sans en rejeter le principe, la Confédération paysanne a fustigé l’irrigation systématique lors de son colloque sur l’eau, organisé à Niort
LOIN DES DISCOURS anti ou pro-irrigation prônés par certains, le colloque consacré à l’eau, organisé en Poitou-Charente à Niort les 23 et 24 août, a été l’occasion d’aborder le thème de cette ressource primordiale pour l’agriculture et pour l’humanité en général, de manière pragmatique et sans langue de bois. La première journée était davantage tournée vers le réchauffement climatique et ses conséquences, tandis que la seconde se consacrait exclusivement à la ressource hydrique. Même si les deux journées n’étaient pas focalisées sur les conséquences françaises de l’irrigation, utilisée en été pour la production de maïs, le sujet planait sur l’ensemble du colloque.
La Conf’ favorable à l’irrigation… si nécessaire
La Confédération paysanne a manifesté sur ce dossier une attitude pragmatique, mais toutefois très critique, vis-à-vis de cette pratique « lorsqu’elle devient systématique ». Pour débuter son intervention, Jacques Pasquier, producteur de blé dans la Vienne et spécialiste de la question hydrique à la Conf’, a tenu à dénoncer l’amalgame entre la sécheresse et les producteurs de maïs, arguant qu’en Poitou- Charente « seuls 20 % des producteurs irriguent, les 80 % restant utilisent, eux, les eaux pluviales ». Et de regretter qu’en cas de sécheresse, « seuls les agriculteurs irrigants soient entendus dans les médias ». « Mais cela n’empêche pas de s’intéresser au procédé de l’irrigation. » De nombreuses cultures nécessitent d’importants besoins en eau comme les cultures maraîchères ou la « reproduction de semences qui est tout à fait dépendante de l’eau ».
Le productivisme est vite pointé du doigt. « Une certaine agriculture est complètement dépendante de la ressource hydrique et donc l’irrigation est importante. Le problème, c’est qu’on a construit un modèle agricole bâti autour de la toute puissance technologique et du rendement. On a largement incité les agriculteurs à adopter ce mode de développement. Quand on propose une prime d’irrigation maïs, est-ce le responsable politique qui encourage certaine pratique ou est-ce l’agriculteur ? », lance Jaques Pasquier. Ce dernier regrette que le débat « tourne à la contestation de l’irrigation, qui a un sens au travers de la sécurité qu’elle peut apporter sur une exploitation », et rappelle que les deux porte-parole de la Confédération paysanne sont eux-mêmes des irrigants.
Le dossier des bassins de substitution a évidemment été abordé et est loin de faire l’unanimité au sein du syndicat. Jaques Pasquier s’est interrogé sur l’utilité de financer une réserve de substitution quand « cela revient plus cher que de racheter les terrains à irriguer ». Autre critique de l’irrigation systématique, une rentabilité pas toujours au rendez-vous. « Globalement, on ne peut pas dire que l’irrigation génère un meilleur revenu, ça n’est ni durable ni pérenne », assure le spécialiste de la Confédération paysanne. Alors pourquoi y avoir recours ? « Certains préfèrent de bons rendements, quoi qu’il en coûte », explique-t-il.
« Relocaliser » et « désintensifier » la production
Le discours de clôture de Régis Hochard, porte-parole national du deuxième syndicat agricole français, n’a épargné ni le gouvernement, ni son homologue majoritaire, la FNSEA. Le dossier des bioénergies l’a montré. Pour la Confédération paysanne, la production alimentaire doit rester prioritaire sur toutes les autres destinations, « car elle concourt à répondre à un besoin vital ». Les productions énergétiques, textiles ou de matériaux ne doivent pas être délaissées, mais ne peuvent « être que complémentaires, autrement dit, elles ne peuvent amputer des surfaces nécessaires à l’alimentation ».
Concernant la ressource en eau, la Confédération paysanne estime légitime le recours à l’irrigation « comme secours ou comme assurance », et non « comme facteur de production en pensant s’affranchir de ce qui a toujours fait l’agriculture : le sol, le climat et la plante ». « Ce n’est pas le principe de l’irrigation qui est aberrant, mais l’utilisation de l’irrigation comme facteur de production d’une agriculture intensive », insiste Régis Hochard.
En conclusion, la Confédération paysanne entend défendre une agriculture s’appuyant « d’une part sur la relocalisation des productions, des transformations et des échanges, et d’autre part, sur la désintensifiation de la production, seule solution permettant d’économiser les ressources ». Une stratégie radicalement opposée à celle de la FNSEA et de son organe Grandes cultures, Orama, qui « se revendique depuis peu de la souveraineté alimentaire– ironise le porte-parole de la Confédération paysanne – mais qui veut développer à marche forcée les carburants d’origine agricole, et revendique une levée des contraintes environnementales ».