Agriculture verticale
Jungle, un des modèles d’agriculture du futur ?
FLD a visité la start-up Jungle, basée à Château-Thierry (Aisne), le 10 janvier. A cette occasion, son président et cofondateur Gilles Dreyfus a rappelé les enjeux de l’agriculture verticale, expliqué son business model autour du “FAAS” et annoncé quelques projets et ambitions. Il a aussi donné sa vision 2030 de l’agriculture et de la consommation.
FLD a visité la start-up Jungle, basée à Château-Thierry (Aisne), le 10 janvier. A cette occasion, son président et cofondateur Gilles Dreyfus a rappelé les enjeux de l’agriculture verticale, expliqué son business model autour du “FAAS” et annoncé quelques projets et ambitions. Il a aussi donné sa vision 2030 de l’agriculture et de la consommation.
Jungle, c’est la start-up d’agriculture verticale qui s’est donnée pour mission non seulement de produire commercialement en hydroponie dans un système de tours herbes aromatiques et plantes à parfum et médicinales, mais aussi de fournir le modèle et la technologie aux acteurs producteurs. « C’est ce qu’on appelle le FAAS -farming as a service-, explique Gilles Dreyfus, cofondateur et président de Jungle, lors de la visite de FLD le 10 janvier 2023, à Château-Thierry (Aisne). On fournit aux acteurs déjà dans le business une ferme clé en main, adaptée à leurs besoins, mais aussi les services associés : la maintenance, la formation des salariés, l’évolution en R&D, etc. »
Aujourd’hui, l’enjeu dans l’alimentaire mais aussi en pharmaco-cosmétique, est de sécuriser l’approvisionnement, dans un contexte de changement climatique, de durcissement des normes et exigences socio-environnementales et de contraintes logistiques (exemple pendant la pandémie). Jungle commerciale aujourd’hui ses herbes aromatiques et jeunes/micro- pousses (basilic vert et citron, coriandre, persil plat, ciboulette, shiso, moutarde wazabi…) aux enseignes Monoprix, Grand Frais, Carrefour et Intermarché et aux grossistes et food service via Rungis. Quant à l’activité FAAS, elle devrait rapidement se développer. Gilles Dreyfus a confié à FLD que trois premiers contrats avaient été signés fin 2022 pour l’installation en France d’ici l’été, de fermes clé en main.
LA question à Gilles Dreyfus, cofondateur et président de Jungle : Comment voyez-vous l’alimentation et la distribution en 2030 ? « D’ici 2030, beaucoup de choses vont changer. L’import va devoir être réduit, on n’a pas le choix, face aux contraintes logistiques, de coûts des énergies, de la problématique de l’eau… A l’inverse, la production locale va devoir se développer. De nouvelles agricultures, dont l’agriculture verticales, toutes complémentaires à ce qui existent, vont rentrer dans l’équation. Mais aussi de nouvelles façons de consommer : la nutrition végétale et vegan, les insectes, le One Health… La technologie est là, elle se développe. Quant à l’acceptance des distributeurs et des consommateurs ? Ce n’est pas encore ça mais il n’y aura vite plus le choix ; et d’ailleurs je pense qu’une partie des consommateurs est déjà bien informée et prête. »
Visite de Jungle : du substrat au pot d'herbes aromatiques
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Chaîne puis chambre de germination.
Jungle développe ses propres substrats : de la tourbe, mais d’autres plus écologiques sont en test, ainsi que la mycorhization des substrats. Pour chaque espèce cultivée, un tambour troué va permettre de semer les graines avec une densité précise et adaptée. Une fois les graines soufflées sur le substrat à travers le tambour, celui-ci va être recouvert de vermiculite, de copeaux de bois…, puis déposé dans la chambre de germination pour 3 à 7 jours, à 26°C et 95 % d’humidité. Ici sur la photo, des pois, des radis, de la coriandre, sont en germination.
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Production.
Pour passer à la zone de production, il faut traverser un sas à pression positive, afin d’éliminer toute contamination extérieure potentielle. Jungle produit dans 6 tours de production -l’ambition à termes est de 14 tours. Chaque tour mesure au sol 7 m sur 6 m pour une hauteur de 9 m et totalise chacune 25 plateaux de plantes de chaque côté.
Dans chaque tour, un robot permet de gérer la charge et la décharge des plateaux, l’irrigation et la prise photos par caméra afin de suivre l’évolution de la plante. L’environnement est contrôlé : la nutrition par l’eau et les sels minéraux qui dosés strictement et distribués automatiquement par l’irrigation ; la photosynthèse par des LED horticoles, dont l’éclairage est l’intensité est propre à chaque plateau ; le climat par la maîtrise dans chaque tour de la température, de l’humidité, de l’humidité relative, de la concentration en CO2, de la circulation de l’aire et de la simulation de vent.
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Récolte.
Lorsque les plantes atteignent leur maturité, les plateaux sont déchargés et sortis des chambres pour être récoltés et empaquetés. Jungle propose ses herbes aromatiques soit en pot (plante vivante avec racines), soit en coupées en barquette (barquette kraft avec une feuille de cellulose et thermoscellée).
Les produits sont placés en frigo à 5-8°C en attendant leur départ en camion réfrigéré vers les centrales des enseignes clientes. Jungle dispose de ses propres camions et livre 6 fois par semaine.
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Chambres de R&D.
Dans ces chambres conteneurs, plus petites que les tours et sans niveaux, Jungle continue sa mission de R&D. Les projets portent sur l’amélioration de l’outil industriel, sur l’amélioration des rendements, et sur les espèces compatibles. Une centaine de variétés pour l’alimentaire ont été/sont en test (tomate, fraise, fruits rouges par exemple) et une cinquantaine pour les plantes à parfum et cosmétique. Gilles Dreyfus estime que « le conteneur n’a pas de rentabilité économique mais c’est un super outil de R&D ».
Rendements élevés et sans pesticides, les points forts de l’agriculture verticale
Les rendements tournent entre 45 et 55 kg/m2/an en moyenne pour les aromates. « Sur les autres cultures testées comme tomate cerise, fraise et plantes PAPAM, on est supérieur à 40 kg/m2 », affirme Gilles Dreyfus. Des niveaux de rendement qui sont notamment rendus possible par le nombre de cycles de culture dans l’année : 14 pour le basilic commercial « là où on est à 3-4 dans le sud de la France », et jusqu’à 8 récoltes de tomates cerise sur les tests.
La culture hydroponique (à bien différencier de la culture en serre ou d’autres pratiques en indoor) permet en environnement contrôlé (tours verticales et substrats neutres) d’apporter de façon millimétrée aux plantes l’eau, la photosynthèse, la vitesse du vent etc. tous les éléments dont elles pour s’épanouir du mieux possible. La start-up produit donc sans pesticides, ce qu’elle indique sur ses emballages (garantis sans plastique) et annonce 98 % d’économie d’eau.
Le muguet, un partenariat succès. L’entreprise fournit aussi muguet, freesia, violette, camomille, mélisse, souci, etc. aux industriels de la parfumerie, cosmétique et pharma qui extrairont des huiles essentielles des fleurs et plantes de Jungle. Ainsi, en 2019, le suisse Firmenich, leader mondial dans la création de fragrances et d'arômes, s’est rapproché de Jungle pour sécuriser son approvisionnement en muguet, ce qui s’est concrétisé commercialement fin 2021, après que Jungle a fixé la génétique, l’agronomie et le process.
Jungle en chiffres-clés
- Co-fondée en 2016 par Gilles Dreyfus & Nicolas Seguy à Lisbonne au Portugal ;
- Jungle s’est installé dans la zone logistique d’Epaux-Bézu à Château-Thierry (Aisne) en septembre 2019 et très vite les premiers modules de production ont été installés afin de pouvoir fournir Monoprix. La R&D a été rapatriée de Lisbonne en 2021.
- 31 collaborateurs dont une bonne moitié dédiée à la production ;
- Plus de 150 tonnes par an de végétaux livrés à la grande distribution et aux acteurs de la cosmétique et parfumerie ;
- 4 000 m2 de surface, des tours verticales de 9 m de hauteur.