Prospective
Si l´on semait la betterave en automne ?
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Des betteraves semées à l´automne, récoltées en été, voilà un moyen d´allonger le temps d´ouverture des sucreries. C´est possible mais pas encore pour demain.
Des betteraves semées à l´automne et récoltées en été, cela existe déjà en Espagne, au Maroc, en Égypte. Pourquoi pas en France ? Parce que le froid provoque la montée à graines. Et une betterave qui monte à graines ne produit pas assez de sucre !
« L´intérêt principal d´une betterave dite `d´hiver´ est d´augmenter le rendement avec une date de récolte avancée en juillet-août. Cela permettrait une ouverture plus longue des sucreries. Un usage plus large des équipements représenterait une économie pour la profession, tant pour les planteurs que pour les industriels », explique Marc Richard-Mollard, directeur de l´Institut technique de la betterave.
Betteraves semées à l´autone 2004 en végétation en février 2005. ©ITB |
Résister au froid et éviter les montées à graines
Cette démarche s´inscrit dans la recherche d´une meilleure compétitivité de la filière, rendue indispensable par la réforme du régime du sucre dans l´Union européenne.
On sait qu´un des points forts de la compétitivité de la canne à sucre face à la betterave sucrière vient de la durée d´ouverture des usines : 200 jours par an contre moins de 100 jours pour les sucreries françaises.
Pour transformer les betteraves actuelles en betteraves susceptibles d´être semées à l´automne, il faut résoudre deux problèmes, la résistance au froid et la montée à graines. La sélection variétale en est une solution.
« Hilleshög, marque commerciale pour les semences de betterave sucrière appartenant au groupe Syngenta, contribue pleinement au développement du marché de la betterave sucrière en Europe, annonce Philippe Rousseau, directeur mondial marché betteraves. L´avenir de ce marché et son positionnement au niveau européen sont étroitement liés aux recherches en génétique conduites par Syngenta. » A ce titre, Hilleshög développe des solutions cultures innovantes parmi lesquelles la betterave d´hiver.
« La tolérance au gel n´est pas un problème majeur. Des gènes de tolérance ont été identifiés en laboratoire », explique Philippe Rousseau.
Des essais au champ ont mis en évidence différents niveaux de tolérance au froid parmi les hybrides testés. Le semis devrait cependant être assez précoce pour que la betterave soit assez développée avant le froid.
« L´absence de montée à graines pour les betteraves d´hiver passe par le marquage moléculaire qui permet d´identifier les gènes responsables de la floraison », précise Philippe Rousseau. Les variétés commerciales envisagées sont des hybrides qui ne montent pas à graines mais dont les parents peuvent, bien évidemment, produire des graines.
La conduite culturale d´une betterave d´hiver serait semblable à celle d´une betterave de printemps, « sans problème particulier de maladies » estime Marc Richard-Mollard.
Grâce à son savoir-faire reconnu, Hilleshög se positionne en précurseur de la betterave d´hiver. Un « hybride modèle » issu de la connaissance du marquage moléculaire pourra être validé après deux années de recherche. Les essais au champ pourraient commencer courant 2007-2008 pour une éventuelle mise sur le marché d´ici huit à neuf ans.
Perspectives : vers 20 tonnes de sucre/hectare
Récolter à l´automne des betteraves semées l´automne précédent est un moyen d´augmenter la durée de végétation, donc le rendement racine et d´aller vers les 20 tonnes de sucre/hectare. Mais pour Marc Richard-Mollard, directeur de l´ITB, on perd tout l´intérêt des betteraves d´hiver d´autant que l´on peut arriver autrement à
ce résultat. L´équation est simple : 100 000 betteraves de 1 kg soit 100 tonnes de racines à l´hectare avec une richesse de 20 %. Ce n´est pas une utopie. Cette richesse a fréquemment été constatée cette année ; 12,4 tonnes de sucre/hectare, c´est la moyenne française 2005. La moyenne de certaines usines va dépasser les 13 tonnes. Et des planteurs vont atteindre les 16 tonnes. Quant aux 20 tonnes, cela s´est déjà vu dans des essais, mais aussi dans des parcelles.
Le directeur de l´ITB estime que le progrès génétique ne faiblit pas, que la progression du rendement est régulière. Selon lui, un rendement national de 20 tonnes de sucre à l´hectare est donc du domaine du possible et pourrait être atteint d´ici cinq à dix ans.