Semences de ferme : soigner l’étape du tri pour une production de qualité
Lors du tri des semences de ferme après la moisson, quelques précautions sont à prendre pour assurer un travail de qualité et sécuriser la production de l’année suivante.
Les semences de ferme se sont démocratisées en céréales depuis quelques années. En blé tendre, Semae (interprofession semencière) estime qu’elles représentent aujourd’hui un peu plus d’un hectare semé sur deux. D’après le Syndicat des trieurs à façon de France (Staff), 60 % des agriculteurs utilisateurs de semences de ferme font appel à une entreprise spécialisée pour préparer leurs semences, 10 à 20 % passent par des Cuma, 10 à 20 % par les négoces et les coopératives et le reste est fait par les agriculteurs eux-mêmes. « Le coût ainsi que l’autonomie sont les principales raisons qui poussent les agriculteurs à utiliser leurs propres semences », estime Sylvain Ducroquet, président du Staff et trieur dans le Pas-de-Calais.
Le tri est une étape importante puisqu’elle va permettre d’obtenir une semence garantissant un bon niveau de production l’année suivante.
Agriculteur à Nécy, dans l’Orne, Clément Thomine (1) produit ses semences de ferme pour ses cultures de céréales (blé, orge et avoine) depuis son installation il y a 10 ans. Comme pour bon nombre d’utilisateurs de semences fermières, il achète chaque année une petite quantité de semences certifiées afin de renouveler ce qu’il va utiliser pour semer ses céréales et essayer de nouvelles variétés : il investit ainsi dans 400 kg de blé (quatre variétés non mélangées), 200 kg d’orge et 100 kg d’avoine. Il les sème au milieu d’une parcelle de plaine en bandes bien distinctes pour les récolter facilement.
Quelle qualité de récolte pour les semences de ferme ?
Lors de la moisson, il est important de soigner les réglages de la moissonneuse-batteuse pour obtenir les grains les plus propres possibles. « Je termine toujours par la récolte des céréales qui vont servir à la production de mes semences », indique Clément Thomine. « Lorsque les agriculteurs possèdent leur propre machine et font leurs réglages, on voit la différence au moment du tri et on gagne du temps », souligne Christopher Garcia, responsable du triage chez Hoste, entreprise basée à Bourguébus, dans le Calvados. Les conditions de récolte ont aussi leur importance avec un taux d’humidité du grain qui ne doit pas, dans l’idéal, dépasser 16 %, conseille le trieur.
Les céréales destinées à être triées peuvent être stockées en big bags ou en bennes, les machines étant capables de réceptionner les deux. Les tris de semences ont généralement lieu entre fin août et fin octobre en amont des semis d’automne.
Le développement du triage à façon s’appuie sur les progrès technologiques des machines de tri. « Elles sont devenues de véritables stations de semences mobiles, estime Sylvain Ducroquet. Les machines permettent de calculer le PMG, de remettre les lots de semences en big bags et d’obtenir un triage très fin. » Elles sont aussi équipées de plusieurs grilles pour séparer les bons grains des déchets sans faire trop de gaspillage.
Trouver le bon rythme de tri pour ne pas générer trop de déchets
Le trieur de Christopher Garcia, installé sur un semi-remorque, présente un débit de travail d’environ huit tonnes par heure. « Ce serait possible d’aller plus vite, note-t-il. Mais ce n’est pas forcément souhaitable pour obtenir une bonne qualité de triage des graines sans en laisser trop de côté. » Il évalue de 15 à 20 % la quantité de déchets générée par le tri lorsqu’il intervient avec sa machine. Dans le cas où les agriculteurs possèdent leur propre machine, le débit est généralement moindre. C’est le cas de la machine détenue par trois Cuma dans le Pas-de-Calais et qu’utilise chaque année Hervé Boutin (3), agriculteur à Hermaville. « Notre machine est capable de trier une tonne par heure, explique-t-il. C’est suffisant par rapport au besoin des agriculteurs qui utilisent la trieuse. » Il considère que l’importance de cette étape justifie de « prendre son temps » pour soigner le travail.
Pour l’agriculteur soucieux d’être précis lors de ses semis, il faudra se pencher sur le calcul de la densité de semis (grains par m2) et la quantité de semences par hectare (kg de graines par hectare). Lorsqu’il est effectué par un prestataire équipé, le tri peut commencer par une évaluation des lots pour établir le PMG (poids pour mille grains). Comme l’indique Arvalis, la qualité germinative du lot devra aussi être prise en compte pour faire son calcul. Le type de semences n’est cependant pas le seul paramètre important. Il faudra aussi tenir compte du type de sol, de la date de semis, des conditions de l’année ou encore du précédent.
Une cotisation pour donner les moyens à la recherche et à l’innovation variétale
Depuis 2001, l’accord interprofessionnel de la filière semences autorise l’utilisation de semences de fermes de céréales à paille, moyennant le versement d’une cotisation prélevée sur la collecte du grain (Contribution recherche et innovation variétale).
En mars 2022, un nouvel accord triennal a été conclu. Il prévoit d’une part le prélèvement par les organismes collecteurs d’un montant de 1,05 euro sur chaque tonne de céréales collectée auprès des agriculteurs ; et d’autre part, que les agriculteurs bénéficient d’un avoir de 1,12 euro par dose de 500 000 graines de semences certifiées de céréales acheté. Les sommes restantes issues de l’utilisation des semences de ferme sont notamment destinées aux obtenteurs.