Récolte du tournesol : accepter de récolter humide dès qu'une opportunité se présente
Matthieu Abella, qui suit les conditions de récolte du tournesol chez Terres Inovia, conseille de récolter dès qu’une opportunité se présente pour sauver les tournesols qui présentent de bons potentiels de rendement. Les cours en hausse devraient permettre de compenser des frais de séchage et de nettoyage plus élevés.
Matthieu Abella, qui suit les conditions de récolte du tournesol chez Terres Inovia, conseille de récolter dès qu’une opportunité se présente pour sauver les tournesols qui présentent de bons potentiels de rendement. Les cours en hausse devraient permettre de compenser des frais de séchage et de nettoyage plus élevés.
La récolte du tournesol tourne au vinaigre pour les agriculteurs. Que faire aujourd'hui face à des parcelles qui paraissent trop humides pour être récoltées ? Beaucoup d'agriculteurs hésitent sur la conduite à tenir alors que d'autres prennent le risque de les récolter, dans la crainte de conditions météo toujours plus défavorables.
Tournesol, je te dis peut-être adieu trop tôt, jai pris certainement peur des sombres eaux.
Chéri malgré le vent, protégé de mon âme, tes fleurs offrirent aux vivants ta beauté sans drame.
Si tu pars je demeure fier, même sous des larmes amères.
Au revoir champ à dorer. pic.twitter.com/MbNhAsayB0— GarsdH (@garsdherault) October 7, 2024
Le bon potentiel de rendement du tournesol 2024 permet de récolter humide
« Nous nous sommes risqués à un calcul économique qui montre que l’agriculteur a intérêt à récolter son tournesol malgré une humidité élevée, si techniquement il n’a pas besoin de s’arrêter tous les 100 mètres pour débourrer la machine », révèle Matthieu Abella, ingénieur développement chez Terres Inovia. Il justifie cette position en raison du bon potentiel de rendement attendu cette année et d'un prix du tournesol plutôt élevé (510 €/t le tournesol oléique rendu Saint-Nazaire au 9 octobre).
Dans ce contexte, Terres Inovia considère que l’agriculteur peut s’en sortir économiquement, même en intégrant des frais de séchage et de nettoyage importants. Matthieu Abella précise que cela ne concerne pas les parcelles à faibles potentiels de rendement à cause d’accidents de cultures (semis très tardifs, dégâts d’oiseaux, excès d’eau…). Dans ces cas, il vaut mieux ne pas récolter.
Chiffrage de l'intérêt économique à récolter le tournesol malgré les conditions humides
Pourcentage d'humidité des graines (%H) | 9 | 10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 | 16 | 17 | 18 | 19 | 20 |
% h+I | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 | 16 | 17 | 18 | 19 | 20 | 21 | 22 |
Frais de séchage (2) (€/q) | 0 | 0,9 | 1,8 | 2,6 | 3,4 | 4,1 | 4,9 | 5,5 | 6,2 | 6,7 | 7,3 | 7,8 |
Frais de séchage (€/ha) | 0 | 24 | 45 | 66 | 85 | 104 | 121 | 138 | 154 | 169 | 183 | 196 |
Rendement aux normes (q/ha) | 25 | 24,7 | 24,4 | 24,2 | 23,9 | 23,6 | 23,3 | 23,0 | 22,8 | 22,5 | 22,2 | 21,9 |
Produit brut - coûts de récolte et de séchage (€/ha) | 968 | 952 | 918 | 885 | 853 | 822 | 791 | 762 | 734 | 706 | 680 | 654 |
Gain net à récolter le tournesol par rapport à un broyage sans récolte (3) (€/ha) | 1041 | 1005 | 971 | 938 | 906 | 874 | 844 | 815 | 786 | 759 | 732 | 707 |
Hypothèses | |
% Impuretés (I) | 2 |
Prix de vente des graines (€/t aux normes) | 450 |
Rendement brut (q/ha) | 25 |
Coût total du chantier de récolte (1) (€/ha) | 137 |
Coût total du broyage (1) (€/ha) | 53 |
(1) Source Coûts des opérations culturales, Chambre d'agriculture de France, novembre 2023
(2) Base indicative 2023
(3) Gain net à récolter le tournesol = Produit brut - coût de récolte - coût de séchage + coût de broyage [€/ha]
« Le point de blocage pour l’agriculteur est souvent d’ordre technique, lié au risque de bourrage de la machine, qui impose de s’arrêter très souvent pour nettoyer. Au-delà de l’aspect technique, l’autre crainte des producteurs est liée aux frais de séchage et aux pénalités qui vont s'appliquer sur une récolte trop humide ». Mais cette année, insiste Matthieu Abella, « attendre, c’est prendre un risque important ».
Vérifier la faisabilité technique de la récolte du tournesol
Il faut donc trouver « le moins mauvais compromis » entre une humidité fatalement plus élevée que d’habitude et sauver une récolte dont le potentiel est, dans la plupart des situations, intéressant. L’ingénieur explique que la difficulté est qu’il n’existe pas de moyens fiables pour vérifier l’humidité d’un tournesol.
Il convient donc de vérifier la faisabilité technique de la récolte sur les cent premiers mètres, tout en gardant en tête que dans une même parcelle, il peut y avoir des zones à 12 ou 14 % d’humidité qui seront récoltables, et d’autres à 20 % qui poseront des problèmes techniques.
À peine 50 % des surfaces de tournesol récoltées au 9 octobre
Matthieu Abella estime qu’à peine 50 % des surfaces de tournesol sont récoltées aujourd’hui en France. « Toutes les régions étaient logées à la même enseigne jusqu’au 30 septembre, mais désormais de grosses différences existent entre le nord et le sud d’une ligne Bordeaux - Marseille ». L’ingénieur explique que le Sud-Ouest a bien avancé dans les récoltes la première semaine d’octobre, alors que ce n’est pas du tout le cas dans le Centre et l’Est où 70 à 80 % des tournesols ne sont pas récoltés. Aux craintes liées à l’humidité, s’ajoute désormais celle d’avoir des tournesols couchés après le passage de la tempête Kirk.