DÉSHERBAGE COLZA
PROFITER DE LA TRIFLURALINE JUSQU’À LA DERNIÈRE GOUTTE
Dans les grandes régions à colza, la trifluraline est la base du désherbage. Mais l’utilisation de ce produit efficace et peu coûteux sera interdite à compter de 2009.
C’est un pilier de la culture du colza qui va disparaître le 31 décembre 2008 : la trifluraline (Tréflan…). L’interdiction de ce produit utilisé au moment du semis rappelle celle de l’atrazine sur maïs intervenue il y a quelques années. Les conséquences seront identiques, notamment avec une augmentation du coût du désherbage à prévoir. « Je table sur une augmentation de 50 % de ce coût, soit 40 à 50 euros de plus à l’hectare, établit Julien Charbonnaud, ingénieur région Centre au Cetiom. Nous pouvons imaginer par exemple le remplacement du Treflan par la napropamide (Devrinol…) au moment du semis, mais nous passons d’un coût de 10 à 15 euros/hectare pour la trifluraline à 35 à 50 euros pour la napropamide. Sans compter que cette dernière n’affiche pas la même performance contre certaines mauvaises herbes. Autre solution, passer les produits de post-semis prélevée à pleine dose comme Butisan qui serait amené de 1,5 à 2,5 litres/hectare dans le cadre d’un programme herbicide. Mais ce dernier à pleine dose vaut dans les 80 euros/hectare et, encore une fois, nous ne retrouvons pas l’efficacité du Tréflan. »
DERNIÈRE LIGNE DROITE
Pour sa dernière campagne, la trifluraline sera encore largement utilisée par les producteurs de colza. On parle de 60 % des surfaces pour les prochains semis.Cette proportion devrait atteindre les 90 % dans les grandes régions à colza (Lorraine, Bourgogne, Centre, Poitou-Charentes). Julien Charbonnaud le sousentend: avec la disparition de la trifluraline, on va regretter son efficacité sur plusieurs adventices. « La trifluraline est une réelle base des programmes herbicides dans les grandes régions à colza avec son spectre large d’efficacité, sa sélectivité, son efficacité sur des adventices majeures comme le coquelicot, le gaillet, les géraniums, la pensée, le séneçon, les véroniques ou encore sur des graminées comme le ray-grass… précise Frank Duroueix, spécialiste désherbage au Cetiom. Après son retrait, on va avoir du mal à obtenir le même contrôle notamment du coquelicot, des gaillets et des graminées. »
LE COQUELICOT INQUIÉTE
Le coquelicot est un grand sujet d’inquiétude pour Frank Duroueix: « on n’a pas de véritable possibilité de rattrapage contre cette adventice. » Il est moins soucieux pour les géraniums : « la napropamide en présemis est une bonne base anti-géranium. » Pour le spécialiste du Cetiom, il faudra rester sur deux traitements pour le désherbage de prélevée et de post-levée.Un exemple parmi d’autres : « Le produit Novall pourra être fractionné en deux passages avec 1,5 litre/hectare en prélevée et 1 litre/hectare en post-levée précoce, surtout dans le but de lutter contre les coquelicots et gaillets. »
DESTRUCTION DES GRAMINÉES
Les graminées restent un problème épineux pour plus d’une culture. Julien Charbonnaud craint le retour en force du ray-grass après le retrait de la trifluraline. « Pour endiguer les graminées résistantes aux herbicides des céréales, la trifluraline sur colza apporte une solution efficace pour laquelle des cas de résistance ne sont pas connus, explique Frank Duroueix. Sans ce produit, le colza apparaîtra moins une opportunité pour détruire les graminées. Car celles-ci sont tout à fait supportables dans notre culture et surtout, les anti-graminées autres que la trifluraline sont très onéreux.À cause du coût des produits, bon nombre d’agriculteurs choisiront de ne pas détruire ces graminées, même si l’investissement est payant sur la longueur de la rotation culturale », insiste Frank Duroueix. Le Cetiom, avec d’autres organismes prescripteurs, est dans l’expectative. « L’utilisation généralisée de la trifluraline comme base de désherbage a masqué un peu les caractéristiques des autres produits », remarque Frank Duroueix. Avec divers partenaires, le Cetiom s’attache à évaluer l’efficacité des herbicides à disposition dans des programmes où la trifluraline est absente. Les organismes prescripteurs vont également surveiller l’évolution de la flore adventice après la disparition de la trifluraline. Rendez-vous est donné dans moins d’un an pour connaître les résultats. Gageons que les solutions alternatives à la lutte chimique contre les adventices seront à l’ordre du jour comme l’allongement des rotations dans les situations blé-orge-colza, la gestion des mauvaises herbes à l’interculture, les techniques de faux-semis, le désherbage mécanique… Ce sera le prix à payer pour ne pas voir enfler sa facture herbicide.
C. G.
DEMAIN
- Pour 2009, Syngenta prépare un produit contenant du diméthachlore seul. La matière active est déjà associée à d’autres molécules dans des produits comme Colzor Trio, Axter… Le produit avec le diméthachlore en solo sera mélangeable à d’autres herbicides pour des programmes de désherbage à la carte.
- BASF Agro prépare un herbicide qui associera le métazachlore (Butisan S…) au DMTAP, une molécule qui n’est homologuée que sur maïs et sorgho actuellement. Le produit ne sera pas commercialisé avant 2010.