Fertilisation PK
Pour une impasse sans risque d´impact
Fertilisation PK
Le raisonnement de la fertilisation phospho-potassique passe par le calcul des besoins selon la méthode Comifer. Il peut se traduire par une stratégie d´impasse. Mais il faut éviter le défaut de fertilité de ses sols.
Pour les producteurs de grandes cultures, la fertilisation en éléments phosphore (P) et potassium (K) n´est pas systématique tous les ans. Une impasse n´a pas de conséquences sur la nutrition des cultures à court terme. La question se pose de l´impact d´une impasse longue sur les cultures et sur la fertilité des sols.
Un essai fertilisation longue durée est mené à Mesnil-en-Thelle dans l´Oise depuis 1989. « Les résultats depuis treize ans d´essais ne montrent pas d´effet statistiquement significatif sur le rendement des cultures, que l´on parle de la stratégie d´impasse sur toute la durée ou des apports renforcés en fertilisants PK. Ce constat vaut aussi bien pour les cultures très exigeantes (betterave, pomme de terre) que pour les moins exigeantes », constate Christian Dersigny, conseiller agricole du pôle agronomie environnement de la Chambre d´agriculture de l´Oise. Mais en aucun cas, le conseiller préconise l´impasse totale de la fertilisation PK sur les cultures.
Sur l´essai, les teneurs de départ en P2O5 et K2O étaient élevées : de l´ordre de 230 ppm (parties par million) pour le premier (analyse Joret-Hébert), supérieur à 250 ppm pour le K2O. Ces teneurs sont très courantes dans l´Oise. L´essai est bien représentatif de la situation agricole du département. Avec l´impasse, la teneur en P2O5 avoisinait les 150 ppm au bout de dix ans.
Où se situe la limite plancher à ne pas dépasser ? Cela dépend... Le type de sol et les exigences des cultures sont à prendre en compte. Pour divers sols limoneux de l´Oise, une teneur de 160 ppm de P205 (analyse Joret-Hébert) caractérise une terre bien pourvue et autorise une impasse. En dessous d´une teneur de 100 ppm, les apports devront être renforcés, a fortiori pour des cultures exigeantes.
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©D. R. |
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Une impasse ça passe, plusieurs : il faut voir...
« Pour les éléments P et K, la vitesse d´évolution des teneurs est relativement faible. » La conclusion d´Arvalis-Institut du Végétal se base sur des résultats d´essais de longue durée. Pas d´inquiétude de voir s´écrouler la teneur en P2O5 ou K2O du sol quand l´on fait une impasse. « Celle-ci se traduit généralement par une baisse de 5 mg par kilo et par an (ppm) Joret-Hébert de P2O5 et de K2O à l´analyse de terre, précise Christine Le Souder, spécialiste fertilisation à Arvalis. La baisse est plus rapide quand les teneurs de départ sont élevées. »
Ces conclusions optimistes sur la stratégie d´impasse n´empêche pas l´Unifa de tirer la sonnette d´alarme. Pour l´Union des industries productrices d´engrais, « la baisse d´utilisation des engrais phosphatés et potassiques depuis de nombreuses années pose le problème à court et moyen terme de l´épuisement de nos sols. »
« Pour le P2O5, nous sommes arrivés à un niveau de 28 kilos par hectare et par an contre 70 en 1973 et pour le K2O, 37 kilos par hectare par an contre 66 en 1990-1991. Pour les deux éléments, nous enregistrons 40 % de baisse depuis les années 90 dans les livraisons d´engrais, précise Philippe Éveillard, expert en agronomie et environnement à l´Unifa. Nous avons rapproché cette tendance à l´évolution des exportations des cultures - teneurs PK dans les produits de récolte - en utilisant le calcul du Bilan Corpen entre apports et exportations des éléments PK. En Picardie, les exportations augmentent légèrement au fil des ans et c´est à corréler à l´augmentation des rendements. Dans le même temps, l´apport en P2O5 diminue et atteint même un niveau inférieur aux exportations depuis 1994-1995. L´écart est de plus en plus grand entre exportations et apports, que l´on considère les pailles restituées ou exportées. »
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Les sols ne sont pas riches de façon uniforme
Ce constat un brin alarmiste ne se retrouve pas dans toutes les régions. En Champagne-Ardenne, même si les évolutions suivent les mêmes tendances, l´apport en éléments PK reste assez élevé. Le Poitou-Charente et le Sud-Ouest restent également excédentaires mais le Centre est déficitaire, selon les données de l´Unifa. « Avec l´écart grandissant entre apport et exportations, cela ne signifie pas que les sols sont pauvres mais cela veut dire que l´on tire sur les réserves du sol dans des régions de grandes cultures qui exportent beaucoup d´éléments minéraux par leurs récoltes », traduit Philippe Éveillard.
Pour justifier d´une nutrition PK pas toujours maîtrisée, Philippe Éveillard montre des cartes des régions françaises avec les résultats d´analyses de terre. « Dans une même région, nous avons des différences importantes en richesse en P et K, ce qui démontre la grande diversité des pratiques agricoles. Les situations sont très contrastées en matière de réserve. Les sols ne sont pas riches de façon uniforme. Si dans certaines exploitations agricoles, il n´y a pas de problème, dans d´autres, il peut y avoir un déficit en P et K. »
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Chez plusieurs exploitations, l´Unifa a réalisé entre 2001 et 2003 des essais de comparaison entre stratégie d´impasse et apports de 50 kilos à l´hectare de P2O5 et de K2O. Les rendements sur blé ont montré que dans un tiers des cas, l´apport d´un fertilisant PK améliorait de façon significative la production. Philippe Éveillard fait également le constat que des plantes en situation de stress, comme cette année avec la sécheresse, se comportent mieux sur les terres les mieux pourvues en éléments PK.
Le spécialiste de l´Unifa n´est pas contre la stratégie des impasses. « La diminution des ventes d´engrais PK se manifeste plus par une baisse des doses d´apports que par des impasses de plus en plus longues. Si l´agriculteur a un sol correctement pourvu, il a tout intérêt à le maintenir tel quel avec un apport régulier de PK, annuel ou tous les deux ans. Il faut en plus un bon équilibre entre les différents éléments nutritifs pour qu´il y ait une bonne assimilation, en particulier de l´azote. » Pour ce dernier élément au moins, les livraisons d´engrais ne diminuent pas.
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Les livraisons de P2O5 et K20 baissent depuis des lustres. |