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Pollution accidentelle agricole : que devez-vous faire en cas d'accident avec des produits polluants ?

Un accident avec un pulvé plein sur la route, une poche de solution azotée lacérée pendant la nuit… Les accidents avec des produits phytosanitaires ou de l’azote n’arrivent pas qu’aux autres et sont sources d’ennuis. Voici des pistes pour s’en prémunir et pour réagir.

Les cas de pollution par des exploitations agricoles concernent surtout des pollutions de l'eau et entraînent des réclamations de la part des associations de pêche.
Les cas de pollution par des exploitations agricoles concernent surtout des pollutions de l'eau et entraînent des réclamations de la part des associations de pêche.
© Arvalis

Avez-vous la bonne assurance ?

Les accidents liés à une pollution ponctuelle sont souvent - mais pas toujours - pris en charge dans le cadre de la responsabilité civile (RC) de l’exploitant. Cette garantie n’est pas obligatoire et est parfois distincte du contrat en responsabilité civile. Chez Groupama, leader du marché, la garantie Atteintes à l’environnement et préjudice écologique de la responsabilité civile de l’exploitant est systématiquement incluse dans la RC.

« Cette garantie couvre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que l’assuré peut encourir dans le cadre de son activité professionnelle suite à des dommages (corporels, matériels et immatériels consécutifs ou non) causés à autrui du fait d’une atteinte à l’environnement (imprévue et involontaire) », détaille Olivier Pardessus, responsable offres et services agricoles de Groupama. Les 'dommages environnementaux' (les dommages qui affectent les sols, les eaux, ainsi que ceux causés aux espèces et habitats naturels protégés) et le 'préjudice écologique' (atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement) sont également intégrés à cette garantie. » Par contre, si l’accident a lieu sur la route, c’est probablement l’assurance du tracteur (TMA) qui s’appliquera.

Attention : les garanties ne s’appliquent généralement pas lorsque les installations ne sont pas aux normes et que la réglementation n’a pas été respectée. Par exemple, les conséquences d’une fuite de solution azotée ne seront pas prises en charge par la RC environnement si le bac de rétention n’est pas aux normes. Même chose si le pulvé n’a pas subi de contrôle périodique (tous les trois ans). L’intégralité des frais serait alors à votre charge. « L’assureur n’intervient généralement pas davantage si la carence relève de l’incurie, c’est-à-dire d’une négligence ou d’un manque de soin », précise Fabrice Levesque, fondateur de Terreum, cabinet de conseil spécialisé dans les dommages à l’environnement.

Que faire quand un accident arrive ?

La première chose à faire est d’appeler le maire, lequel prendra ou non la décision de contacter la préfecture (selon l’ampleur et les mesures prises), et, selon les cas, les pompiers, la gendarmerie, la DDTM, la DDPP, la Dreal, l’Agence régionale de santé et/ou l’Onema si ces derniers sont concernés. Les ennuis commencent mais mieux vaut appeler la municipalité avant qu’elle ne vous appelle. Si c’est le cas, c’est que la situation est déjà difficilement contrôlable. « L’anticipation doit toujours être le maître mot », affirme Fabrice Levesque.

Deuxième personne à prévenir : votre assureur, qui - si besoin - orientera rapidement vers des structures d’accompagnement comme Terreum. Le job de ces cabinets d’experts ? Dresser un état des lieux, proposer les mesures à mettre en œuvre pour limiter ou stopper les pollutions, mettre en place un plan d’actions et échanger avec les autorités compétentes, voir les tiers pouvant subir un préjudice résultant de l’atteinte à l’environnement. Le tout le plus rapidement possible.

La tentation pourrait être de ne rien dire, sur le principe du « ni vu, ni connu », mais, aux yeux du législateur, le fait de ne pas déclarer une pollution peut faire passer l’évènement d’une procédure contentieuse civile à du pénal. Vouloir cacher ou régler le problème soi-même expose potentiellement à une peine d’une autre dimension. « La déclaration en mairie est une obligation absolue, insiste Fabrice Levesque. Ce n’est jamais agréable mais mieux vaut appliquer les règles. »

Que risque-t-on en cas de pollution ponctuelle ?

Les indemnisations et les frais de « retour à l’état initial » peuvent coûter cher : « les dossiers où les coûts de dépollution dépassent les 100 000 euros ne sont pas des cas isolés et cela n’est jamais sans conséquences sur les exploitations agricoles concernées », prévient Fabrice Levesque. Les cas les plus graves donnent lieu à une procédure de réparation enclenchée par le préfet. La notion de gravité, encore floue et subjective, inclut les cas de contamination des sols, les dégradations de l’état des eaux et les atteintes aux habitats naturels. Vu les sommes en jeu, une mise aux normes prévenant ces situations relève de la bonne gestion.

Qui réclame des réparations ?

Sur la base du principe pollueur-payeur, consacré en 2009 par la loi sur la Responsabilité environnementale, toute victime d’un dommage environnemental peut réclamer une indemnisation pour le préjudice subi. Cette victime peut être un riverain, une entreprise, une société de pêche… « Il est fréquent que des associations, généralement de pêche, engagent une réclamation pour donner lieu à une indemnisation », commente Fabrice Levesque. Les frais de réparation comprennent le rempoissonnement d’une rivière ou d’un plan d’eau, les analyses de l’eau, la dépollution.

« Si la pollution est faible, la nature peut réparer elle-même les problèmes mais il faut justifier d’un retour à l’état initial par des prélèvements et analyses, note Fabrice Levesque. Lorsque le schéma d’analyse a été mis en place et que l’exploitant montre sa volonté de réparer le préjudice, les choses s’apaisent généralement en quelques semaines. » Les analyses permettent aussi de résoudre des litiges. « Parfois, des riverains se plaignent d’une pollution par un agriculteur et l’analyse montre qu’il n’en est rien. » En France, l’agriculture n’est pas la seule activité polluante. En cas de pollution plus importante, impliquant par exemple une dépollution du domaine public, les analyses d’impact permettent de circonscrire le périmètre de la pollution. Vu les tarifs de dépollution, cela permet de limiter les frais de manière substantielle.

« Les dossiers où les coûts de dépollution dépassent les 100 000 euros ne sont pas des cas isolés » Fabrice Levesque, Terreum

Comment communiquer ?

« Dans l’urgence, il faut s’en tenir aux obligations légales, c’est-à-dire informer l’autorité administrative », recommande Fabrice Levesque. Surtout ne pas trop en faire, par exemple en organisant une réunion publique. Souvent, le maire jouera un vrai rôle de relais de l’information vers ses administrés. Lorsque tout est rentré dans l’ordre, rien n’empêche de communiquer sur son métier et ses activités, par exemple en organisant une visite de la ferme.

Quelles mesures de sécurité sur la ferme ?

Le stockage de la solution azotée est assuré par des poches souples et des cuves verticales. Ces installations doivent être, comme le local phyto, distantes de 5 mètres d’un voisin et de 35 mètres d’un point d’eau. Protéger l’installation avec un cadenas sur la vanne et un grillage évitera toute ouverture de vanne ou coup de cutter malveillant. « Évitez la proximité des routes et des lieux de passage fréquentés », précise Julien Dubois, technicien réglementaire au GRCeta de l’Evreucin.

Les poches souples doivent être doublées d’un dispositif de rétention étanche. La pose d’un film plastique non biodégradable, lui-même posé sur un lit de sable de 5 à 10 cm, assurera cette étanchéité à peu de frais. « Pour les côtés, constituer des merlons de sable qui relèveront la bâche et empêcheront les débordements, conseille Julien Dubois. Il est utile de prévoir sous la citerne, à l’aplomb de l’évent, un dôme de sable pour éviter un débordement lors du remplissage ». Autre astuce : prévoir une légère pente pour permettre une vidange la plus complète possible de la poche. Le top reste d’installer la poche souple sur une dalle en béton hydrofuge entourée de murs en parpaings pleins, mais il faut compter au minimum 30 à 40 €/m2.

Les cuves verticales doivent reposer sur une dalle en béton armé de classe 5b, dont l’épaisseur varie selon la hauteur de la cuve et les indications du constructeur. La dalle doit être entourée d’un muret en béton armé, hydrofugé et étanche. Prévoir également une pente au sol à 2 % vers un puisard préfabriqué pour faciliter la reprise des écoulements éventuels et des eaux pluviales. Une pompe vide-cave installée dans le puisard permettra une vidange régulière.

Autre point de vigilance : le local phyto. Il doit être fermé à clé pour éviter les intrusions et comporter un sol en béton hydrofuge pour prévenir les débordements en cas de renversement d’un bidon. Une marche permet d’empêcher que le produit ne s’écoule par la porte. « La réglementation stipule que le volume de récupération soit au minimum égale au contenu du plus gros bidon du local, soit 20 litres », précise Julien Dubois.

Et pour le pulvé ?

Un entretien régulier du pulvérisateur est le meilleur moyen d’éviter un accident. Cela comprend le système de pulvérisation mais aussi l’hydraulique et les pneumatiques. Toutefois, 80 % des pollutions accidentelles sont dues à des débordements lors du remplissage du pulvérisateur. « Il doit se faire sur une aire spécifique, avec une surface étanche et la récupération des effluents », indique Julien Dubois. Même chose pour la préparation des bouillies. L’aire de remplissage et de lavage en béton est obligatoire depuis 2017. L’alimentation en eau de cette aire sera équipée d’un dispositif avec clapet antiretour afin d’éviter les débordements. « La dalle doit être dimensionnée pour accueillir le tracteur et le pulvérisateur », précise l’expert.

Avis d’agri - ANONYME

« J’ai tout de suite prévenu la mairie »

« Suite à une mauvaise manipulation, le contenu de la cuve de rinçage de mon pulvé s’est déversé dans l’étang voisin. J’ai bloqué autant que faire se peut les évacuations mais c’était trop tard. Des poissons flottaient à la surface. J’ai tout de suite prévenu la mairie. Nous avons rapidement récupéré les poissons, en accord avec la mairie.

Très rapidement, j’ai contacté mon assureur, qui m’a mis en relation avec une agence spécialisée. Leur représentant est venu sur place le jour même. Son atout, c’est qu’au contraire de nous, il est rodé à ce genre de situation. Il a proposé un protocole, puis a fait procéder à des analyses de l’eau tous les quinze jours pour mesurer la vitesse de dégradation des matières actives dans le milieu. Dès la première analyse, nous étions très peu au-dessus de la limite maximale autorisée. La dégradation des produits dans l’eau a été assez rapide. Quinze jours après, les valeurs étaient correctes. La municipalité a refait des analyses de son côté pour s’assurer que nos résultats étaient fiables et c’était le cas.

Une fois l’écosystème stabilisé, des espèces de poissons ont été réintroduites par l’équipe municipale. L’écosystème est même plus équilibré qu’avant : les brochets, gros prédateurs des autres poissons, n’ont pas été réintroduits. Depuis, à la ferme, nous avons modifié l’aire de remplissage pour que ce genre d’accident ne se reproduise plus. »

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