Optimiser le coût de production des Cive en méthanisation
Gildas Fouchet a été le premier agriculteur méthaniseur d’Ille-et-Vilaine. Il a fait évoluer son système de production pour optimiser ses Cive, en maîtrisant ses coûts de production.
Gildas Fouchet a été le premier agriculteur méthaniseur d’Ille-et-Vilaine. Il a fait évoluer son système de production pour optimiser ses Cive, en maîtrisant ses coûts de production.
Dans un paysage bocager à Domagné, non loin de Rennes, Gildas Fouchet exploite 140 hectares de cultures, avec un atelier veaux de boucherie. Dès son installation, en 2006, il s’interroge sur les économies de chauffage possibles, l’atelier veaux étant très consommateur. C’est ainsi que démarre la SARL Méthavo élevages, avec un méthaniseur en cogénération qui entre en fonction en 2010, aujourd’hui alimenté par les lisiers de veaux, des déchets d’industries agroalimentaires, des Cive et des déchets de céréales. « L’autonomie est capitale », appuie Gildas Fouchet. Il cultive des Cive plus qu’il n’en faut : la moitié finit dans le méthaniseur. Mais c’est une assurance en cas de baisse des approvisionnements exogènes, sans compter leur intérêt agronomique. Dans ce système, il est indispensable que les Cive engendrent le moins de coûts possible.
« À l’origine, en 2007, je pensais à une chaudière alimentée par des céréales, explique l’agriculteur. J’ai lu un article sur une société fabriquant des méthaniseurs qui proposait un voyage en Allemagne. J’ai été séduit par la méthanisation et je me suis lancé. » À l’époque, la filière est quasi inexistante en France. Gildas Fouchet est le troisième agriculteur breton à partir dans la méthanisation. « Les banquiers ont accepté car l’investissement initial était le minimum nécessaire pour la mise en route », reconnaît l’exploitant. L’investissement se monte alors à 662 000 euros, dont 193 500 euros de subventions, via l’Ademe, le conseil régional de Bretagne et le conseil général d’Ille-et-Vilaine. La puissance électrique est de 100 kWe (kilowatt électrique) et la puissance thermique de 125 kWth (kilowatt thermique).
Le méthaniseur nécessite beaucoup d’attention
Fait peu fréquent, le projet a été monté à l’échelle d’une seule exploitation, comptant trois UTH. « Ce qui a changé avec le méthaniseur, c’est surtout la gestion des astreintes, relate Gildas Fouchet. Il faut être disponible 24 heures sur 24. » De fait, le méthaniseur nécessite beaucoup d’attention, pour vérifier son alimentation et différents paramètres (température, brassage, fermentation…), sans quoi la production de biogaz décroît. Un système pesant dont le producteur a fini par s’affranchir en éteignant les alarmes ! « J’ai pris le parti de perdre ponctuellement de la production. Mais je suis libéré de cet asservissement permanent. » Pour autant, le suivi est important : Gildas Fouchet vérifie le méthaniseur matin et soir, et possède un système de surveillance en temps réel chez lui.
Le bilan financier du projet a rapidement été positif, notamment grâce aux biodéchets. « Au début, j’étais rémunéré 40 euros la tonne pour la récupération de certains déchets agroalimentaires pour alimenter mon méthaniseur, se rappelle Gildas Fouchet. Depuis, cette rémunération a périclité. C’est de plus en plus compliqué de conserver la valeur. » D’où l’intérêt aussi de s’assurer avec les Cive, dont le potentiel est prévu pour combler une éventuelle perte sur cet approvisionnement. Sur ses 140 hectares conduits en techniques culturales simplifiées, Gildas Fouchet fait colza, maïs, et blé avec notamment deux Cive : une orge et un mélange avoine-tournesol. Le blé une fois récolté (vers le 10 juillet), ce mélange est aussitôt semé pour être récolté le 30 octobre. Le semis d’orge suit dans la foulée avec une culture jusqu’au 15 mai. La production est destinée au méthaniseur. Ensuite, un maïs est semé, qui sera suivi d’un blé. Le colza est intégré entre deux blés.
Économies sur les intrants
Pour optimiser les Cive d’hiver, l’agriculteur a retardé d’un mois ses semis de maïs grain, ce qui a potentiellement engendré une baisse de rendement qui lui paraît dérisoire. « Par ailleurs, je n’ai aucune baisse de rendement en céréales, au contraire, se félicite Gildas Fouché. Concernant les phytos, je ne mets plus de glyphosate car j’ensile, et le sol est couvert en permanence. » Quatre-vingts pour cent de l’engrais ont été substitués par du digestat. Dans son système, l’objectif est aussi de ne pas trop investir : il donne l’exemple d’un mélange triticale orge à moins de 20 €/ha de semences, qu’il compare à des mélanges spécial Cive trop aléatoires et coûteux.
Les Cive d’été donnent entre 2,5 et 4 t/ha de matière sèche (MS). La production monte à 5 à 10 t/ha de MS pour les Cive d’hiver. Leur récolte est assujettie à l’état des stocks pour le méthaniseur. Le producteur évalue le coût de récolte à 200 €/ha et il arbitre en fonction du potentiel de rendement et de ses besoins.
EN CHIFFRES
Ration diversifiée pour le méthaniseur
- 662 000 € d’investissement en 2010 puis 750 000 € pour 250 kilowatts installés aujourd’hui
- 5 000 t de lisier de veaux, 2 500 t de déchets agroalimentaires, 2 500 t de Cive et déchets de céréales pour la ration annuelle du méthaniseur
- 2 119 925 kWh d’électricité produite et 1 224 906 kWh de chaleur valorisée en 2018
Un GIEE breton pour les Cive
Chaque année, les Cive sont soigneusement suivies. Les données enregistrées sont remontées au GIEE Améliorer les performances économiques et environnementales des exploitations des méthaniseurs bretons. Gildas Fouchet est l’un des 42 membres de ce GIEE porté par l’AAMF (associations des agriculteurs méthaniseurs de France) et débuté en 2016. Pour une durée de trois ans, deux axes de travail sont prévus : l’optimisation des approvisionnements avec des Cive et la valorisation du digestat.