PRÉPARATION DU SOL
Ne jetons pas la charrue aux orties
Dans certaines situations, les techniques
culturales simplifiées montrent leurs limites.
Le labour permet de rattraper les soucis agronomiques engendrés.
Les techniques culturales simplifiées (TCS) ont toujours le vent en poupe. Faut-il pour autant mettre la charrue à la remise? Un peu risqué. Le labour reste un moyen efficace de résoudre quelques problèmes agronomiques. « Dans un système en techniques culturales simplifiées, la raison principale du retour d’un labour est le désherbage », observe Jérôme Labreuche, Arvalis. Les TCS apportent des conditions d’infestations propices à certaines adventices notamment des graminées qui peuvent devenir ingérables si l’on n’y prend garde. « L’enfouissement en profondeur de semences d’adventices contribue à limiter les infestations dans la culture suivante.
La meilleure efficacité d’enfouissement est obtenue par le labour avec le retournement de la terre, remarque l’Inra dans une synthèse sur l’impact des techniques de préparation du sol. Pour certaines espèces aux semences fragiles (vulpin, bromes, gaillet…), le séjour en profondeur pendant un an ou plus induit des pertes de viabilité importantes. Le travail du sol a aussi pour effet de remonter des semences anciennes depuis les horizons profonds, ajoute l’Inra. S’il s’agit de graines persistantes (coquelicots, matricaires, géraniums…), la contribution du labour à la répression des infestations est moins importante. » Il fallait signaler ce détail.
LABOURER UN AN SUR DEUX
Pour la principale adventice des céréales, le vulpin, l’efficacité du labour est flagrante. « Sur une parcelle comportant un stock très important de semences de vulpin en Bourgogne (essai Inra), le blé implanté sans labour est dix fois plus infesté que le blé implanté après un labour », donne en guise d’exemple l’Inra. Divers essais confirment cette efficacité du labour sur les vulpins. La limitation des possibilités de lutte par les herbicides (moins de produits, résistances…) pousse à revenir aux techniques agronomiques. Le labour n’est pas indispensable tous les ans dans une stratégie de lutte adventice.Tout dépend de la rotation culturale et le fait de ne labourer qu’un an sur deux permet d’augmenter la durée de séjour des graines dans le sol et d’assurer un taux de mortalité important. Outre certaines adventices, le labour est connu pour ses effets destructeurs contre certains organismes nuisibles comme les limaces, la pyrale, les campagnols…
LABOURER ENTRE UN MAÏS ET UN BLÉ
Côté maladies dans les successions maïsblé, les résidus de culture sont une source potentielle d’infestation en Fusarium et de contamination en mycotoxines. « Les leviers sont limités pour lutter contre les fusarioses en situation de non-labour. Le broyage des résidus de culture et leur enfouissement ne sont pas toujours bien réussis et n’ont pas l’efficacité espérée contre les Fusarium parfois, remarque Jérôme Labreuche. Des agriculteurs sont amenés à relabourer. »
L’enfouissement des cannes de maïs est encore le meilleur moyen de réduire au minimum la source d’infestation des résidus de cultures. « Nous avons des successions classiques maïs-blé dans nos secteurs d’élevage conduites avec du travail du sol simplifié. Dans ce cas, la problématique fusariose est particulièrement importante, reconnaît Lancelot Leroy, responsable agronomie de la coopérative Terrena, même si elle fluctue d’une année sur l’autre. La destruction des cannes de maïs s’impose. Du reste, nos contrats de production de blé dur spécifient de ne pas cultiver la céréale après un maïs sans labour. » Le labour est une arme anti- Fusarium efficace pour minimiser le risque mycotoxines des blés. Il a également des effets bénéfiques sur maïs contre les pyrales et encore les Fusarium.
LABOURER STRUCTURE LE SOL
En plus de régler des soucis sanitaires en culture, le retour d’un labour peut résoudre des problèmes de structure du sol, « suite au tassement du sol après la récolte d’une betterave », donne comme exemple Jérôme Labreuche. Il arrive que des agriculteurs ne parviennent pas à maîtriser complètement les techniques sans labour à cause d’un type de sol ou de cultures qui se prêtent difficilement à l’absence de travail du sol en profondeur. « Pour préserver la structure du sol, des outils de décompactage peuvent pallier l’absence du labour. Plutôt que de revenir au labour, une autre solution est de modifier sa rotation culturale. Il me paraît en effet difficile de vouloir faire à tout prix du blé derrière une betterave en non labour, juge Jérôme Labreuche. Dans ce cas, il faut savoir changer son fusil d’épaule en matière de succession culturale. » La faculté d’adaptation est une qualité.
Attention au retour de bâton
Quels avantages perd-on à réintroduire un labour ? Ce n’est pas pour rien que des producteurs choisissent de passer aux techniques sans labour. « L’agriculteur qui choisit de réintroduire un labour dans son système casse tout ce qu’il a construit sur la restructuration du sol. Il faut trois à cinq ans pour aboutir à une structure homogène et cohérente de son sol. Si l’on fait un labour, il faudrait attendre à nouveau trois ou quatre ans pour revenir à une situation de sol qui avait été obtenue par les TCS, observe Olivier Cor, Coopagri Bretagne. À moins que la seule motivation de l’agriculteur passé aux TCS était de gagner du temps. Pour moi, quelqu’un qui laboure tous les deux à trois ans reste plutôt dans une situation de terres labourées. » Après une biodiversité du sol recouvrée grâce aux TCS, un labour agit en diminuant les populations de lombrics notamment.
Est-ce dramatique ? « Ça peut l’être dans les cas de sols battants ou sensibles à l’érosion. Ça l’est moins pour des sols profonds. Le non-labour a pour effet, entre autres, d’améliorer la porosité du sol, et donc de rendre ce sol moins sensible à l’érosion ou à la battance en permettant une meilleure infiltration de l’eau. » Avec le labour, on perd tous ces avantages.
« Le matériel investi spécifiquement pour les techniques culturales simplifiées n’est pas adapté au labour. La réintroduction occasionnelle du labour peut engendrer un coût d’investissement dans du nouveau matériel : charrue mais aussi tracteur plus puissant pour la tirer. Ce n’est pas le système le plus rationnel qui soit », observe Jérôme Labreuche chez Arvalis. L’appel à une entreprise est une solution. Mais en pratique, les agriculteurs passant déjà un décompacteur dans leurs parcelles possèdent des tracteurs suffisamment puissants