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Mauvais résultats 2024 : faut-il prévoir de réintégrer les Déductions pour épargne de précaution (DEP) ?

Les baisses de résultats sont généralement l’occasion de réintégrer tout ou partie des Déductions pour épargne de précaution (DEP) pour bénéficier d’un effet fiscal, lisser son revenu ou renflouer, si besoin, sa trésorerie.

Vigneron contrôlant sa trésorerie en espèces et effectuant un paiement par cheque.
Les sommes déduites au titre de la DEP peuvent être utilisées pour faire face à des dépenses nécessitées par l’activité professionnelle.
© J.-C. Gutner

Les bonnes années de 2021 et 2022 en grandes cultures ont permis à de nombreux agriculteurs de pratiquer de la déduction pour épargne de précaution (DEP). Après les résultats mitigés de 2023 et l’année 2024 catastrophique, une réflexion sur la réintégration de la DEP est à mener. « C’est du cas par cas en fonction des résultats de 2023, de la gestion fiscale et sociale en moyenne triennale ou en n -1 mais aussi des besoins de trésorerie immédiats », estime Yohan Lesobre, conseiller fiscal indépendant.

Ne pas oublier l’échéance de dix ans pour réintégrer

Accessible aux exploitations agricoles soumises à l’impôt sur le revenu, le dispositif fiscal DEP permet de déduire une somme de son revenu imposable et d’épargner sur un compte professionnel dédié entre 50 % et 100 % du montant de cette somme. Par exemple, pour une déduction de 20 000 euros, une épargne de minimum 10 000 euros est constituée en parallèle. Les sommes épargnées doivent être réintégrées dans l’assiette fiscale et sociale au plus tard dans les dix ans qui suivent la déduction. Au terme de cette échéance, si la déduction n’a pas été réintégrée, elle est rapportée au bénéfice du dixième exercice, sans intérêts de retard. Le cumul des DEP déduites et non réintégrées ne doit pas dépasser 150 000 euros.

Profiter d’une baisse de revenu pour réintégrer la DEP

La DEP est avant tout un outil de lissage des résultats sur plusieurs exercices comptables : on réalise une déduction lors d’une bonne année pour amoindrir la fiscalité et les cotisations sociales et on réintègre lors d’une année où les résultats sont en baisse. Pour bénéficier d’un effet fiscal, il faut privilégier une année où l’on se situe dans une tranche marginale d’imposition inférieure à celle où la DEP a été pratiquée. « En fonction des exploitations, l’année 2024, et sans doute aussi 2025, va être l’occasion de réintégrer de la DEP », estime Antoine Jullemier, conseiller d’entreprise au Cerfrance Champagne Nord-Est-Île-de-France.

L’arbitrage va aussi se faire en fonction des besoins de trésorerie. Le lancement de la nouvelle campagne et les achats d’intrants peuvent obliger certains exploitants à réintégrer de la DEP pour financer leurs achats. D’après le Code général des impôts, les sommes déduites ne peuvent être utilisées que pour faire face aux dépenses nécessaires à l’activité professionnelle. Lors de la déclaration de revenus, le montant de la réintégration est porté sur la ligne des réintégrations diverses du tableau de détermination du résultat fiscal (2151-SD pour les entreprises au réel normal ou 2139-B-SD pour les entreprises au réel simplifié).

Apprécier l’impact fiscal et social de la réintégration

« Les DEP utilisées sont réintégrées au résultat de l’exercice au cours duquel leur utilisation est intervenue ou au résultat de l’exercice suivant », peut-on lire dans le Code général des impôts. Concrètement, cela signifie que l’on peut piocher dans l’épargne professionnelle sur l’exercice comptable 2024, en cas de besoin pour renflouer la trésorerie, et décider de ne réintégrer la partie fiscale qu’en 2025. Cette possibilité est intéressante si les résultats s’avèrent moins mauvais que prévu. C’est aussi le cas si l’exploitation est en moyenne triennale fiscale et sociale avec une prise en compte des bons résultats 2022. La réintégration peut parfois s’avérer pénalisante d’un point de vue fiscal si elle entraîne le passage à une tranche marginale d’imposition (TMI) supérieure. 

Les tranches marginales d'imposition de l'impôt sur le revenu

Fraction du revenu imposable (1 part)Taux d’imposition à appliquer sur la tranche
Jusqu'à 11 294 €0%
De 11 295 € à 28 797 €11%
De 28 798 € à 82 341 €30%
De 82 342€ à 177 106 €41%
Supérieur à 177 106€45%

Sur le plan social, l’idée est d’optimiser les cotisations en fonction du plafond de la sécurité sociale (46 368 euros en 2024). « Au-delà du plafond, les cotisations sociales ne sont plus valorisées, c’est à fonds perdu, notamment en ce qui concerne les points retraite », signale Antoine Jullemier.

Anticiper le montant de la réintégration

Autre point de vigilance, pour les agriculteurs qui ont fait le choix d’épargner à hauteur de 50 % des sommes déduites, cela implique de réintégrer fiscalement le double des sommes épargnées (exemple : si j’ai déduit 20 000 euros et épargné 10 000 euros, je dois réintégrer fiscalement 20 000 euros.) « Il est conseillé d’épargner au-delà du seuil limite de 50 % car cela peut être bloquant au moment de la réintégration », avance Jean Dutertre du Cerfrance Mayenne-Sarthe. Épargner 75 % ou même 100 % de la DEP laisse plus de marge de manœuvre : on peut piocher dans l’épargne sans avoir besoin d’opérer une réintégration fiscale à condition qu’il reste 50 % du montant de la déduction sur le compte DEP. Le risque est de se retrouver dans l’obligation de sortir l’épargne liée à la DEP pour répondre à un besoin urgent de trésorerie et de devoir réintégrer le double sur l’exercice en cours ou le suivant à un moment où l’on rencontre des difficultés financières.

Incidence de la réintégration de DEP sur le revenu et sur la fiscalité (en euros) (1)

Situation de départ Hypothèse 1Hypothèse 2 
2022 202420242025 
Déduction pour épargne de précaution 20 000 €Utilisation de l'épargne pour répondre à un besoin de trésorerie10 000 €10 000 €  
Épargne professionnelle : 50 % de la DEP (2)10 000 €Résultat imposable avant réintégration30 000 €70 000 €40 000 € 
Résultat imposable avant DEP100 000 €Réintégration dans l'assiette fiscale et sociale20 000 €Pas d'intérêt fiscal à réintégrer la DEP, sous peine de franchir le seuil de la TMI à 41 % (3)20 000 € 
Résultat imposable après   DEP80 000 €Résultat imposable après réintégration50 000 € 60 000 € 
Ecrêtement de la tranche marginale d'imposition (TMI) à 41 % 20 000 €Taux marginal d'imposition30%30%30% 
Imposition à 41 % des 20 000 € sans DEP8 200 €Imposition à 30 % des 20 000 € réintégrés6 000 € 6 000 € 
  Gain fiscal2 200 € (8 200 - 6 000) 2 200 € (8 200 - 6 000) 
(1) Exploitation individuelle, 1 part fiscale, clôture de l'exercice au 31 décembre.
(2) Une épargne professionnelle de 50 à  100% du montant de la DEP doit être constituée.
(3) Les DEP utilisées sont à réintégrer au résultat de l’exercice au cours duquel leur utilisation est intervenue ou au résultat de l’exercice suivant.

Être vigilant concernant la mesure anti-abus

Dans le cadre de la DEP, le législateur a prévu une mesure anti-abus concernant le régime d’exonération des plus-values lors de la vente de matériel agricole. Il n’est pas possible de bénéficier de l’exonération pour les plus-values provenant de la cession de matériels roulants (tracteurs, moissonneuses-batteuses, ensileuses, chargeurs télescopiques, épandeurs à fumier…) acquis au cours d’un exercice au titre duquel la DEP a été réintégrée lorsque la cession intervient dans les deux ans suivant l’acquisition. « Le point de départ se situe à la date à laquelle le matériel est définitivement entré dans l’actif de l’entreprise. Le terme du délai est constitué par la date de cession effective du matériel concerné », précise Daniel Perbal de l’AS Cefigam.

Vers une exonération partielle pour les sommes réintégrées ?

Le projet de Loi de finances 2025 prévoit l’exonération partielle à hauteur de 30 % de la réintégration de DEP dans le résultat fiscal et social, en cas de survenance d’un aléa climatique, sanitaire ou environnemental (enveloppe de 14 millions d’euros). Il faudra attendre l’adoption définitive du texte fin décembre par le Parlement pour savoir si ce dispositif entre bel et bien en vigueur.

Utiliser le levier de la DEP lors de la cessation d’activité

La DEP peut aussi être utilisée comme outil fiscal et social lors de la cessation d’activité. « Grâce au système du quotient, on obtient un effet de lissage du calcul de l’impôt lors de l’année de cessation », explique Jean Dutertre. Pour utiliser ce dispositif, le montant réintégré de DEP doit dépasser la moyenne des revenus imposables des trois années précédentes au niveau du foyer fiscal. Concrètement, le revenu courant se retrouve majoré avec la réintégration des DEP effectuées les années précédentes. On parle alors de revenu exceptionnel. L’administration effectue deux calculs d’impôt sur le revenu : un premier uniquement basé sur les revenus courants, sans tenir compte du revenu exceptionnel, et un deuxième en ajoutant le quart du revenu exceptionnel aux revenus courants. Dans le cas d’une réintégration de DEP à hauteur de 150 000 euros, on ajoute 37 500 euros aux revenus courants. La différence d’imposition entre les deux calculs est multipliée par quatre et additionnée aux revenus courants pour calculer le montant de l’impôt sur le revenu. « Le système de quotient est intéressant fiscalement quand il permet de passer à une tranche marginale d’imposition inférieure », indique Jean Dutertre.

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