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Main-d’œuvre agricole : quelle marche à suivre pour créer un groupement d’employeurs ?

Créer un groupement d’employeurs est un moyen de gagner en sérénité quand un salarié agricole est amené à intervenir au sein de différentes structures agricoles. Mais comme tout projet, il doit être mûrement réfléchi pour en vérifier la cohérence.

Agriculteur et salarié agricole discutant dans un champ des travaux à effectuer, novembre 2023
Créer un groupement d'employeurs permet d'embaucher un salarié qui peut ensuite travailler sur plusieurs structures agricoles.
© H. Challier

Les besoins en main-d’œuvre, qui se font de plus en plus ressentir alors que les départs en retraite des exploitants agricoles s’accélèrent, amènent certains agriculteurs à réfléchir à la création d’un groupement d’employeurs (GE) pour opter pour le partage d’un ou plusieurs salariés. Toutefois, la concrétisation de ce type de démarche doit d’abord passer par une phase de réflexion bien en amont afin d’en étudier l’intérêt et la faisabilité.

Qui peut créer un groupement d’employeurs en agriculture ?

Le partage de salariés peut s’effectuer entre tierces personnes, par exemple entre deux agriculteurs, mais peut également s’exercer entre plusieurs structures dirigées par une même personne physique. « La création d’un groupement d’employeurs est une demande qui existe depuis une quinzaine d’années mais qui à tendance à croître du fait de la multiplication des structures juridiques pour une seule et même personne, estime Virginie Marion, juriste en droit social au sein du Cerfrance Alliance Centre. Par exemple, un besoin peut émerger quand un agriculteur est à la fois gérant d’une société civile d’exploitation agricole (SCEA) pour la production agricole, d’une entreprise de travaux agricoles (ETA) pour l’exécution des travaux, et d’une société à responsabilité limitée (SARL) pour la commercialisation, par exemple de pommes de terre. »

Quel est l’intérêt juridique de créer un groupement d’employeurs pour un exploitant seul ?

Concrètement, le groupement d’employeurs va permettre à l’employeur de main-d’œuvre de gagner en sérénité lorsque son ou ses salariés sont amenés à intervenir sur l’une ou l’autre des structures, notamment face au risque d’accident du travail. Car si un accident se produit alors qu’un salarié, employé à temps plein par le gérant d’une SCEA, intervient pour le compte de l’ETA de ce même employeur, ce dernier peut être incriminé juridiquement. « Et il peut également y avoir un risque de requalification en travail dissimulé », ajoute Virginie Marion.

Comment s’organiser pour créer un groupement d’employeurs à plusieurs exploitants ?

En plus de se prémunir contre les risques juridiques liés au partage d’un salarié, lorsque le projet de groupement d’employeurs concerne plusieurs exploitants agricoles, il faut préalablement poser les jalons de cette future structure, en réfléchissant à son mode de fonctionnement, et en s’assurant que l’envie de partager un salarié est bien présente. L’idée est de vérifier que les futurs employeurs sont bien sur la même longueur d’onde. « Le besoin commun de main-d’œuvre ne va pas automatiquement créer les bonnes conditions de fonctionnement du groupement, illustre la juriste. On entend par là le risque lié au comportement opportuniste d’un ou plusieurs employeurs, qui pourraient revendiquer la présence du salarié uniquement quand ils en ont besoin. »

Ainsi, faire partie d’un groupement d’employeurs signifie qu’il faut faire preuve d’adaptabilité, surtout quand le calendrier cultural impose des pointes de travail ou au contraire des périodes creuses au même moment dans l’année. En grandes cultures, chaque membre du groupement d’employeurs doit donc pouvoir accueillir le salarié l’hiver et accepter de le partager avec les autres employeurs lors de la récolte estivale. Dès le démarrage du projet, pouvoir discuter des attentes des uns et des autres s’avère donc fondamental et permet d’identifier les règles de fonctionnement du groupement.

Quel coût et quelle démarche administrative pour créer un groupement d’employeurs en agriculture ?

Avant de se lancer dans la création d’un groupement d’employeurs, il faut avoir en tête le coût et l’importance des démarches administratives que cela implique. « C’est une structure supplémentaire de type association loi 1901, avec a minima un président et un trésorier, explique Virginie Marion. Il va donc falloir réaliser toutes les démarches que nécessite la création de cette structure, ce qui suppose un coût, notamment pour la rédaction des statuts et du règlement de fonctionnement, qui fixent le pourcentage d’utilisation du ou des salariés par chaque membre du groupement. Il faut aussi prévoir la tenue d’une assemblée générale constitutive, des formalités numériques pour la déclaration préfectorale et la parution au Journal Officiel. » Une fois que le groupement est créé, il est nécessaire d’ouvrir un compte bancaire, d’informer différents organismes de l’existence de la structure, comme la MSA. Le poids administratif n’est donc pas négligeable et demande du temps, qu’il convient d’anticiper.

Le point sur | Travaux de moisson : quelle dérogation possible pour le temps de travail des salariés ?

En outre, comme toute association, des évolutions peuvent amener à réaliser d’autres démarches administratives : entrées et sorties de membres, ce qui occasionne des assemblées générales modificatives. La tenue d’une comptabilité, bien que simplifiée, est également à prendre en compte. Dans la plupart des groupements d’employeurs, un fonds de roulement est mis en place et est abondé par chaque membre en fonction du pourcentage de mise à disposition du salarié. Une régulation est ensuite effectuée en fin d’année, conformément à l’utilisation réelle de la masse salariale par chaque employeur membre du groupement. Enfin, une liasse fiscale doit être transmise annuellement à l’administration.

Comment choisir sa convention collective lors de la création d’un groupement d’employeurs ?

La création d’un GE suppose de choisir la convention collective à appliquer. Elle peut différer en fonction de l’activité principale du groupement d’employeurs : production agricole, entreprise de travaux agricoles, ou encore commercialisation de produits agricoles. Ce choix va donc impliquer de se mettre d’accord, dans le cas où le GE est constitué de tierces personnes.

Quelles précautions à prendre sur l’organisation du travail dans le cadre d’un groupement d’employeurs ?

Concernant les règles relatives au droit du travail ou la sécurité, le groupement d’employeurs ne permet pas à chaque membre de se soustraire à la réglementation en vigueur. De fait, chaque employeur doit s’assurer de s’y conformer, par exemple en ayant mis à jour le document unique d’évaluation des risques professionnels, ou en veillant au bon état de fonctionnement du matériel utilisé par le salarié.

Cette question du matériel n’est d’ailleurs pas à négliger. Il faut avoir à l’esprit que les disparités entre employeurs, que ce soit sur l’état, la vétusté ou au contraire le suréquipement du matériel, peuvent entraîner des difficultés d’adaptation pour le salarié. Il en est de même pour les habitudes et méthodes de travail au sein de chaque structure. Là encore, une bonne communication en amont, que ce soit entre les membres du groupement mais aussi avec le salarié, est nécessaire pour offrir des conditions de travail propices à une intégration réussie.

Le temps partiel partagé est-il une solution intéressante ?

Pour les employeurs frileux à l’idée d’effectuer de nombreuses démarches administratives menant à la création d’un groupement d’employeurs, une autre option existe : le temps partiel partagé. Le salarié signe alors un contrat de travail avec chacun de ses employeurs, à temps partiel. Cela signifie qu’il est nécessaire d’établir un calendrier pour préciser le lieu d’intervention du salarié chaque jour de la semaine. Et chaque changement de programme doit être signifié au salarié au moins sept jours à l’avance. Pas évident quand l’emploi du temps est directement conditionné par la météo comme en agriculture. De plus, il est à noter qu’en cas de faute grave commise par le salarié sur l’une des structures d’accueil, son licenciement ne pourra être justifié que sur la structure en question et non sur les autres entités.

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