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PAC/environnement : l'impact sur la biodiversité des surfaces d'intérêt écologique pénalisé par une réglementation inadaptée

Engoncées dans une réglementation changeante et peu adaptée au terrain, les SIE peinent à jouer un rôle moteur pour les pratiques favorables à la biodiversité sur les exploitations.

Du fait d'une approche purement quantitative et non qualitative, le système des SIE pousse les agriculteurs à respecter la réglementation a minima. © C. Gloria
Du fait d'une approche purement quantitative et non qualitative, le système des SIE pousse les agriculteurs à respecter la réglementation a minima.
© C. Gloria

Attention, sujet sensible ! Traiter la question des surfaces d’intérêt écologique (SIE) revient à agiter un épouvantail, tant ce mécanisme fait office de repoussoir dans le monde agricole. Il faut dire que les SIE sont un concentré de substances allergènes pour les agriculteurs : règles administratives complexes imposées d’en haut, en partie déconnectées des contraintes du terrain, et dont le non-respect peut coûter très cher au moment du versement des aides PAC.

Malgré des intentions louables, les SIE ratent donc largement leur objectif, qui est de développer des pratiques favorisant la biodiversité. Pour les agriculteurs, l’objectif numéro un est bien souvent d’assurer a minima les 5 % de terres arables de l’exploitation comptabilisées en SIE, en se mettant à l’abri de toute contestation possible. Ce constat a été confirmé par le travail réalisé par Charles Boutour à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Sur la base d’une enquête conduite ces deux dernières années auprès d’une centaine d’agriculteurs engagés dans des démarches de conservation de la faune sauvage, celui-ci a pu constater les carences du système.

« La réglementation impose aux agriculteurs une surface minimum en SIE qui se traduit par une contrainte quantitative sans aucune attente de résultat, explique Charles Boutour. Avec cette approche purement quantitative,les agriculteurs peu sensibilisés à la biodiversité sont tentés d’aller au plus simple pour respecter la règle. Chez les agriculteurs enquêtés, la majorité des aménagements n’est pas déclarée en SIE car la réglementation est inadaptée et n’encourage pas leur développement ».

Des règles dissuasives pour les bords de champ

Les bordures de champ en font notamment les frais. Bien gérées, ces infrastructures ont un impact très positif sur les insectes auxiliaires et la petite faune. Mais à partir de 2018, la largeur minimale exigée pour être comptabilisé en SIE est passée de 1 à 5 mètres. Plus simple peut-être pour le contrôle sur image satellite, mais contre-productif. Pour les spécialistes, une bande de 1,5 mètre de végétation spontanée conduite de façon adaptée, par exemple avec une fauche tardive (en cas d'absence de salissement), est aussi bénéfique qu’une bande de 5 mètres associant uniquement deux graminées.

L’effet dissuasif pour les agriculteurs est, lui, bien réel. Caroline Le Bris, chargée de projet en agroécologie au sein de l’association Hommes et territoires, le constate. « Nous travaillons beaucoup sur la question des bords de champ, mais il est désormais difficile de les déclarer en SIE, explique l’experte. Il est pertinent de conserver un couvert diversifié spontané de 5 mètres s’il est exempt d’adventices. En revanche, si l'on souhaite implanter un couvert diversifié et pérenne, le coût de la semence est souvent dissuasif au-delà de 2 mètres si l’on ne bénéficie pas d’aides. »

Emmanuelle Bollotte, chargée de projet biodiversité à la chambre d’agriculture d’Indre-et-Loire, confirme le décalage avec les pratiques du terrain. « 5 mètres, cela fait beaucoup, affirme-t-elle. Il est important que l’on puisse semer avec du matériel présent sur l’exploitation, donc des semoirs qui font souvent 3 à 4 mètres. C’est compliqué, car soit on fait un aller et retour, ce qui représente une surface importante, soit on bricole. Si on disait aux agriculteurs que la largeur à implanter est celle du semoir, on en emmènerait beaucoup dans la démarche. »

Semer coûte que coûte dans le sec

Difficile également, au nom du respect de la surface en SIE, de se résoudre à semer un couvert d’interculture en pleine sécheresse estivale. Pourtant, même si les chances de levée sont minimes, il est indispensable d'engager les coûts de semences et de passer du temps au semis pour se couvrir d’un point de vue réglementaire et bénéficier des aides vertes.

Tout n’est toutefois pas complètement noir au pays des surfaces vertes. Pour Aurélien Chayre, de Solagro, les inconvénients des SIE sont incontestables, mais il reconnaît une note positive : « Même si c’est à reculons et pour des raisons réglementaires, cela a poussé des agriculteurs à s’informer sur ces infrastructures agroécologiques et donc permis de sensibiliser un nouveau public à cette problématique. »

Des évolutions réglementaires sources d’inquiétudes

Les changements de règles pèsent lourd dans la mauvaise image des SIE. Les implantations de haies avaient été dopées en 2010 par l’instauration de la surface équivalente topographique (SET, ancêtre des SIE). Mais la dynamique a été stoppée par la réduction drastique du coefficient de surface appliqué ensuite pour ces infrastructures. L’amertume a été renforcée chez certains exploitants par le durcissement des règles encadrant l’entretien, et par l’interdiction des arrachages. « Non seulement cela est devenu moins incitatif pour l’implantation de haies, mais cela a troublé ceux qui avaient opté pour cette solution, souligne Solène Allart, de la Fédération départementale de chasse de la Marne. Cette absence de visibilité sur la réglementation est un vrai élément de blocage. » Les modifications des listes d’espèces autorisées dans les couverts sont aussi à surveiller de près.

Sécuriser les surfaces en SIE

Trop dépendre des couverts dérobés pour atteindre les 5 % de SIE n’est pas sans risque compte tenu des aléas climatiques.

L’enjeu est trop important pour prendre le moindre risque : du respect des 5 % en SIE dépend en effet le versement du paiement vert. Dans les cas de non-respect les plus graves aux règles du verdissement, c’est une somme supérieure à la totalité du paiement vert (125 %) qui peut être déduite des aides.

Attention notamment à une dépendance trop forte aux couverts dérobés, installés en été. « Il faut prendre conscience de la fréquence des aléas climatiques, avertit Thierry Dufresne, chargé d’études économie et PAC à la chambre régionale d’agriculture Centre-Val-de-Loire. La sécheresse peut empêcher les agriculteurs de faire ce qu’ils avaient prévu au moment de la déclaration PAC et les mettre en porte-à-faux avec la réglementation. Cela les expose au risque de sanction car il y a une obligation de levée pour les couverts. » Si le couvert ne peut pas se développer, l’agriculteur devient dépendant des dérogations potentiellement prises par les pouvoirs publics. Et encore faut-il penser, dans ce cas, à adresser un courrier à l’administration pour bénéficier de la dérogation lors d’un éventuel contrôle.

Vérifier les éléments topographiques dans Telepac

Prévoir large pour ses surfaces prévues en dérobé ne sera pas suffisant si les conditions climatiques défavorables affectent toute l’exploitation. L’utilisation des jachères, installées pour plusieurs années, est une piste pour minimiser les risques. Le coefficient attractif des jachères mellifères est notamment à prendre en considération. Thierry Dufresne recommande également de valoriser au maximum les éléments topographiques (haies, bosquets, arbres alignés…) dont le caractère pérenne met à l’abri des caprices météorologiques. Cela impose toutefois de s’assurer de la correspondance entre la façon dont les éléments topographiques sont comptabilisés dans Telepac et la réalité du terrain. « Pour que l’exploitant se sécurise, il faudrait qu’il passe en revue de façon exhaustive et fine les éléments topographiques, pour vérifier que ce qui est pris en compte dans Telepac pour la déclaration PAC de l’année reflète correctement ce qu’il y a dans ses parcelles, détaille le conseiller. Cela demande beaucoup de temps et une attention soutenue. Bien souvent, les agriculteurs ne sont pas conscients des problèmes éventuels et les découvrent à l’occasion d’une sanction. »

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