Fongicides céréales
Les strobilurines faiblissent face aux septorioses
Fongicides céréales
L´année 2003 est celle de l´émergence de souches de septoriose résistantes aux strobilurines en France. Une adaptation des programmes de traitement s´impose avant que les effets de la résistance n´atteignent les performances des fongicides.
Dans diverses régions de France, de nombreuses souches de septorioses ont développé une résistance aux strobilurines en 2003. « L´avenir des strobilurines est compromis dans le cadre de la lutte contre les septorioses, » déclare Pierre Leroux de l´Inra, qui est à l´origine d´un suivi national de souches du pathogène Septoria tritici. Des souches résistantes ont été détectées sur 23 des 39 sites échantillonnés (dans 19 départements des régions céréalières, voir carte). Toutes les strobilurines sont logées à la même enseigne.
Les analyses montrent que les souches résistantes en France sont surtout présentes dans le Nord et le Nord-Ouest. « Les régions où il y avait le plus de septoriose en 2003 étaient le Nord-Pas-de-Calais-Picardie. La pression de cette maladie est forte dans ces secteurs ; il y a plus de strobilurines utilisées qu´ailleurs : 14 % des surfaces recevraient trois strobilurines », confie Claude Maumené, spécialiste fongicides céréales chez Arvalis, alors que la prudence conseillerait pas plus de deux strobilurines par campagne.
L´apparition de résistance est brutale puisqu´en 2002, la présence de souche de Septoria tritici résistante aux strobilurines n´était connue que de façon ponctuelle en France. Mais l´évolution n´est pas si étonnante. En Irlande, ce type de souches s´est généralisé sur tout le territoire en 2003 avec de multiples cas d´échec de contrôles des septorioses par les strobilurines.
Une efficacité tombée à 40 % pour des strobilurines solo
Des baisses d´efficacité des fongicides à base de strobilurines n´ont pas été constatées en France hormis dans des cas isolés. La société Syngenta a un essai dans le Nord de la France où des souches résistantes avaient été décelées dès 2002. « En 2003 dans ce site d´expérimentations, nous avions mesuré à 40 % la présence de ces souches avant traitement. Après avoir réalisé des applications avec des produits à base de strobilurines, le taux de ces souches est monté à 98 %, rapporte Sylvaine Gate, responsable projets techniques fongicides céréales chez Syngenta. Pour tous les produits à base d´une strobilurine seule, l´efficacité sur septoriose n´a pas dépassé 30-40 % ! » Les spécialistes de Syngenta n´ont pas remarqué de baisses d´efficacité sur d´autres sites. Pour Sylvaine Gate, « il faut au moins 50 % de souches résistantes sur une parcelle pour voir diminuer l´efficacité de strobilurines utilisées en solo. »
En France, les strobilurines sont utilisées à 98 % en association ou en mélange avec une autre famille fongicide, les triazoles en grande majorité. L´association de modes d´action différents est l´assurance d´étendre le spectre d´efficacité du programme fongicide.
Mélanges avec des triazoles et du chlorothalonil
Dans les préconisations, pour prévenir une éventuelle baisse d´efficacité des strobilurines en 2004, l´institut Arvalis déconseille vivement d´utiliser des strobilurines seules mais recommande « d´avoir recours à des mélanges avec des triazoles. Dans le cas d´un mélange strobilurine + triazole, utiliser 0,3 litre/hectare d´Opus au minimum (soit 37,5 g d´époxiconazole) ou l´équivalent en terme d´efficacité d´un autre triazole », précise Claude Maumené.
« Il faut une dose minimum de triazole pour être assez efficace contre la septoriose dans les produits les associant avec une strobilurine ou dans les mélanges. Cette considération peut amener à renoncer à certains produits trop peu dosés en triazole. » Ou carrément à certains triazoles. « Le flusilazole, le propiconazole, le tébuconazole n´ont pas une efficacité suffisante sur septoriose. Les triazoles les plus performants sont le cyproconazole, le fluquinconazole et surtout l´époxiconazole », juge le spécialiste d´Arvalis.
Du côté de BASF, on considère que la dose plancher pour Opus est de 0,5 litre/hectare pour assurer une efficacité de haut niveau sur septoriose. « Nous avons toujours favorisé le concept d´association dans nos produits avec en tête, une stratégie anti-résistance, tient à préciser Olivier Grosjean, BASF Agro. Dans les situations d´infestations moyennes à fortes de septorioses, nous recommandons un premier traitement précoce (1-2 noeuds du blé) avec une dose assez forte de triazole pour stopper la maladie : époxiconazole dans 0,5 litre/hectare d´Opus (époxiconazole) ou d´Ogam, ou fluquinconazole dans Évidan à 1,8 litre/hectare ou Flamenco à 1,2 litre/hectare. Ce traitement sera suivi d´une deuxième intervention à base de fongicide à base de pyraclostrobine + époxiconazole (gamme F500). »
Dans le cadre d´une stratégie anti-résistance, un autre type de molécule est remis au goût du jour : le chlorothalonil. Cette molécule n´a pas le niveau d´efficacité des meilleurs triazoles. Mais Arvalis préconise « l´ajout de ce fongicide (à 1 l/ha) aux strobilurines + triazoles dans les situations où le risque septoriose est important ». Ainsi, on retrouve trois modes d´action différents pour contrer les maladies et pour limiter l´impact d´une résistance à l´une des molécules.
Syngenta a particulièrement étudié l´utilisation du chlorothalonil dans ce type de stratégie. Notamment en Irlande en situation de très forte pression de maladie à cause du climat océanique et humide et sur des parcelles avec des souches de Septoria tritici résistantes aux strobilurines. En double application à six semaines d´intervalle, le mélange époxiconazole (75 g) + azoxystrobine (200 g) + chlorothalonil (500 g/ha) montre la plus forte efficacité (98 %) devant les molécules en solo (moins de 50 % pour les strobilurines) ou l´époxiconazole + azoxystrobine (89 %). Le chlorothalonil doit être utilisé en préventif et son mélange avec une strobilurine seule est déconseillé.
Pour cause de réglementation drastique sur les mélanges, il n´est pas possible de mélanger des fongicides à base de chlorothalonil avec des produits comme Opus, Opéra... « Mais le chlorothalonil peut être utilisé avec tous les produits à base de strobilurines (azoxystrobine, picoxystrobine) de Syngenta », précise Sylvaine Gate, non sans malice. Le chlorothalonil a plus de trente ans d´âge. Dans le cadre de la révision des substances actives, il est en cours de réexamen sur le plan européen et rien ne garantit que son autorisation d´usage ne soit prolongée. Le verdict sera rendu en 2004.