Les semences biologiques entre exigences élevées et dérogations
La qualité des semences certifiées en agriculture biologique peut être plus élevée que pour les productions conventionnelles. Des dérogations existent pour suppléer les manques dans les approvisionnements.
Moins d’un tiers des semences sont certifiées en agriculture biologique. Secrétaire général de la section céréales à paille et protéagineux au Gnis, Julien Constant estime à 42 000 tonnes environ le besoin de semences biologiques en France en espèces autogames : « plus de la moitié va aux semences de fermes. Les semences certifiées représentent 12 000 à 14 000 tonnes, et quant au reste, il s’agit de dérogations sur des semences conventionnelles non traitées. »
Jean Buet est directeur d’Union Bio Semences (Ubios) qui réunit les deux coopératives du secteur bio, Cocebi et Biocer, sur la production de semences biologiques certifiées. « Dans le secteur de Cocebi en Bourgogne, on approche plutôt les 40 % de semences certifiées en céréales bio, précise-t-il. Entre les espèces d’hiver et de printemps, nous commercialisons aux alentours de 4000 tonnes de ces semences (1/3 en blé, 1/4 en triticale, 1/4 en protéagineux) provenant de 60 agriculteurs multiplicateurs. »
« Nous avons parfois des degrés d’exigences plus élevés que ce qui est demandé par les normes officielles », ajoute Jean Buet. Chez Ubios, on ne tolère pas plus d’une graine d’adventice (vesce, folle avoine…) pour 500 grammes de semences alors que les normes Gnis sont de sept graines étrangères sur 500 grammes.
Agriculteur-multiplicateur à Michery dans l'Yonne, Gérard Michaut mène une chasse active contre la folle avoine. « Pour obtenir des semences propres, le premier outil en bio, c’est le trieur. La folle avoine est un problème très ardu en bio qui nous oblige à faire des écimages et à récupérer les menues pailles pour éviter de ressemer les graines de cette adventice. » En bio, on ne dispose pas de l’arsenal chimique de l’agriculteur conventionnel pour le contrôle des bio-agresseurs. La qualité de la semence n’en est que plus importante.
Du vinaigre contre la carie sur les semences
La remarque vaut pour les maladies des semences, comme la carie dont le développement ces dernières années a été mis sur le dos des agriculteurs biologiques. « La présence de cette maladie est liée avant tout à l’utilisation de semences de fermes sans analyse, sans vérification de leur état sanitaire aussi bien en bio qu’en conventionnel, observe Gérard Michaut qui préside le groupe "grandes cultures" à l’Itab (Institut technique de l'agriculture biologique). Or, on s’est vu attribuer en bio une norme de zéro spore de carie sur les semences. La France est le seul pays européen à avoir une telle exigence alors qu’en Allemagne par exemple, on tolère 200 spores par graine. » Par dérogation, la norme a été amenée à 10 spores par gramme de graines pour la campagne 2014/2015. « Mais on pourrait appliquer une présence de 50 à 100 spores par gramme sans qu’il y ait d’incidence », considère l’agriculteur. Depuis le printemps 2016, les agriculteurs biologiques disposent d’un nouveau produit efficace autorisé contre la carie : le vinaigre blanc(1). « Le traitement détruit les spores de carie et permet de certifier des lots qui ont une présence de spores à l’analyse avant traitement, signale Jean Buet. La dérogation à 10 spores par gramme n'est plus d'actualité. Soit il n'y a pas de spores à l'analyse et le lot peut être certifié sans traitement, soit il y a présence et le lot doit être traité (vinaigre, Copseed ou Cerall) pour être certifié."
La qualité de la semence se joue dans les champs et aussi dans les stations de semences. À Maisse (Essonne), Ubios dispose de tout un arsenal pour obtenir la meilleure semence qui soit, notamment d’un trieur optique pouvant permettre d’éliminer les graines de vesce ou les sclérotes d’ergot en complément des autres trieurs mécaniques. La semence certifiée biologique n’a rien à envier à celle conventionnelle.
(1) Il existe aussi les traitements de semences Copseed à base de cuivre et Cerall à base de bactéries.
En Chiffres
. Près de 5000 ha de multiplication de semences biologiques d’espèces autogames des grandes cultures en 2015 avec 4191 ha en céréales et 786 en protéagineux (à comparer aux 185 000 ha de multiplication pour ces espèces en conventionnel)
. 461 agriculteurs multiplicateurs de semences biologiques en 2015 (hors pomme de terre) produisant 223 variétés (hors potagères) et 71 espèces
. 65 entreprises productrices de semences répondant au cahier des charges de l’agriculture biologique
Source : Gnis