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Les fondements du pilotage de l’azote se renouvellent

Fondées sur une meilleure appréciation de l’azote absorbé par la plante en cours de campagne, de nouvelles méthodes de pilotage des apports d’azote sur céréales à paille voient le jour. Arvalis travaille en particulier sur un modèle qui améliore assez nettement l’efficacité de l’azote.

CHN pour carbone, hydrogène et azote : ces trois lettres forment le sigle d’un modèle mis au point par Arvalis pour simuler tous les flux d’eau, d’azote et de carbone entre la plante, l’atmosphère et le sol. « Il est bâti sur nos 25 ans d’essais, explique Baptiste Soenen, responsable du pôle agronomie chez Arvalis. Nous avons rassemblé tous nos modèles, et nous avons cherché les briques manquantes dans la bibliographie. » Conçu dès le départ pour être utilisé de façon opérationnelle, CHN est relié aux différentes bases de données d’Arvalis. « Il y a plein de modèles comme celui-là, précise Baptiste Soenen. Ils fonctionnent avec les mêmes principes mais la grosse différence, c’est que ce sont des modèles de recherche, conçus pour représenter de façon très fine des mécanismes. À l’inverse, nous avons conçu le nôtre pour être utilisable en cours de campagne en cherchant à ce qu’il soit le plus performant possible tout en minimisant le nombre des paramètres à rentrer. »

Un modèle prédictif au moins aussi performant que la mesure au champ

Résultat, le modèle, couplé aux bases de données de l’institut, est capable de fournir en continu sur une campagne l’INN (Indice de nutrition azotée) d’une céréale à paille. Cet indice correspond au rapport entre la teneur en azote mesurée dans les parties aériennes de la plante et la teneur critique en azote, autrement dit la dose minimale d’azote nécessaire pour obtenir une croissance normale de la plante à un stade donné. Dans sa thèse publiée en 2017 et co-encadrée par l’Inra et Arvalis, Clémence Ravier, étudiante à AgroParisTech, a montré que les céréales à paille, et le blé tendre en particulier, pouvaient supporter un INN inférieur à 1, donc une carence en azote. « La richesse de cette thèse, c’est d’avoir établi l’équation de l’INN minimum, c’est-à-dire d’avoir mesuré jusqu’à quel point une plante peut supporter une carence azotée sans perte de rendement », estime Baptiste Soenen. À partir de cette équation, Arvalis a calculé les courbes d’INN minimum à l’aide des résultats de 200 essais, ce qui garantit une certaine robustesse. Avec cet indice recalculé tout au long de la campagne, le modèle CHN permet de produire un conseil sur les doses d’azote à appliquer, cela sans mesure au champ. « Nos performances sont identiques, voire meilleures, que celles obtenues avec une pince de type N Testeur », observe Baptiste Soenen. L’INN évalué par le modèle étant fiable, reste à établir les règles de décision qui vont déclencher les apports.

Une efficacité de l’azote augmentée de 14 % sur blé

Dans sa thèse, Clémence Ravier a travaillé sur la façon dont les agriculteurs pouvaient s’approprier ce nouveau type de méthode pour piloter l’azote. C’était à eux de définir le niveau d’INN en dessous duquel ils ne voulaient pas prendre le risque de descendre, en ayant en tête des seuils minimaux. Dans sa version modélisée, Arvalis ne va a priori pas laisser le choix à l’utilisateur de ce paramétrage. La stratégie travaillée par l’institut est de « définir une trajectoire d’INN optimale et de déclencher un apport dès lors que l’on s’en éloigne trop, à cause d’un défaut de fourniture du sol ». Dans les essais réalisés sur la campagne 2016-2017, huit en blé dur et douze en blé tendre, Arvalis a réussi à augmenter l’efficacité des apports. « Nous avons constaté que l’on obtenait quasiment les mêmes performances avec une trentaine d’unités d’azote en moins, cite Baptiste Soenen. L’azote est ainsi 14 % plus efficace sur blé. Mais nous ne sommes pas encore tout à fait à l’optimum puisque sur certains essais, nous avons perdu 2 à 3 quintaux/hectare. » A priori, l’INN minimum calculé serait trop bas dans certains cas. « Dans les terres à petits potentiels, si la carence précoce est trop marquée, il faut avoir un INN minimum un peu moins bas en début de cycle parce que la plante a du mal à se rattraper », souligne l’ingénieur. Dans les milieux à hauts potentiels, la marge de manœuvre est a priori plus importante : il serait donc possible de réduire davantage les apports.

Ces bons résultats ont en tout cas surpris le spécialiste : « Je ne m’attendais pas à une telle efficacité ! déclare-t-il. D’autant plus qu’elle s’accompagne d’un bon niveau de protéines. En blé tendre, nous visions une moyenne de 11,5 % et nous avons obtenu 11,6 %. En blé dur, nous sommes à 14,2 % contre 14%. » L’institut est d’autant plus satisfait que la campagne 2016-2017 était atypique, avec des reliquats très élevés et une sécheresse à montaison. Dans certains cas, le modèle a d’ailleurs préconisé une absence d’apports.

Une nouvelle méthode de pilotage intégrable dans les outils existants

Avec cette méthode, nul besoin désormais de calculer une dose totale prévisionnelle comme l’exige la méthode des bilans, puisque les besoins sont constamment ajustés en cours de campagne. Néanmoins, il ne faudrait pas aller trop vite en besogne : « Cela restera intéressant pour les agriculteurs d’avoir une dose prévisionnelle, ne serait-ce que pour caler leurs appros », estime Baptiste Soenen.

Arvalis compte intégrer ces données sur l’INN dans Farmstar, par exemple, mais aussi dans d’autres outils de pilotage. Pour Baptiste Soenen, l’utilisation du modèle CHN avec les INN peut changer beaucoup de choses. « Ça va probablement décaler les apports vers la fin de cycle, indique-t-il. On se rend compte que l’on peut avoir une carence précoce. L’impasse au tallage sera plus fréquente. L’azote sera transféré en fin de cycle. »

En parallèle de ce projet, l’Inra et la chambre d’agriculture du Centre, parties prenantes de la thèse de Clémence Ravier, continuent de travailler sur la valorisation de l’INN dans le pilotage des apports de l’azote. Mais il n’est pas question pour eux de passer par de la modélisation : « Nous voulons étudier la capacité de cette nouvelle méthode (et de son nouveau paradigme sous-jacent) à favoriser l’apprentissage des agriculteurs et des conseillers, et à renouveler la formation agricole sur la fertilisation azotée », expliquent Marie-Hélène Jeuffroy et Jean-Marc Meynard de l’Inra, ainsi que Bertrand Omon, à la chambre d’agriculture de l’Eure. Les trois spécialistes veulent renouer avec l’esprit initial de la thèse qui, au-delà de l’acquisition de références techniques, portait également sur la conception participative d’une méthode de pilotage de l’azote. Leur idée est donc bien de permettre l’appropriation d’un nouveau raisonnement de l’azote, plus impliquant pour l’agriculteur. Un projet est en préparation, qui comprendrait une partie d’évaluation expérimentale de la méthode, son adaptation à d’autres contextes et l’étude de sa prise en main par les utilisateurs.

La force du modèle CHN d'Arvalis, peu différent dans le principe de nombreux autres modèles utilisés dans la recherche, réside dans sa facilité de paramétrage

Une place pour le pilotage avec l’INN sur le plan réglementaire

C’est une obligation réglementaire exigée dans le cadre du cinquième programme d’actions de la directive Nitrates : chaque agriculteur doit faire un plan prévisionnel de fumure (PPF). Il est donc nécessaire de calculer une dose prévisionnelle d’apport. Et cet impératif a tout lieu d’être maintenu dans le sixième programme d’actions actuellement en préparation. Reste qu’il est possible de déroger à cette obligation sous réserve de faire « mieux ». Trois possibilités sont données : utiliser un outil de pilotage, qui pourrait donc se fonder sur l’INN, s'appuyer sur un outil dynamique, tel que Fertiweb d’Arvalis ou réévaluer son objectif de rendement en cours de campagne.

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