INTERVIEW DE PIERRE BASCOU, COMMISSION EUROPÉENNE
« Les délais pour un accord sur la PAC début 2014 sont serrés »
Les débats sur la PAC ont pris un tel retard
qu’il devient de plus en plus difficile
de tenir les délais pour que la prochaine PAC
2014-2020 s’applique au 1er janvier 2014.
Les institutions européennes sont sous pression.
Est-il encore possible d’obtenir dans les temps un accord sur la PAC 2014-2020 malgré le retard pris du fait de la crise de l’euro ?
Les perspectives financières sont le frein majeur à l’avancement du débat sur la politique agricole. Les discussions sur le budget de l’Union européenne ont été repoussés à fin novembre. Pour que la prochaine PAC puisse s’appliquer début 2014, un scénario possible serait d’avoir un accord sur le budget au plus tard fin 2012, puis sur la PAC en mars ou avril 2013 de sorte que les règlements d’application soient publiés avant fin 2013.
Les institutions européennes pourront-elles suivre ce rythme ?
La grande nouveauté de cette réforme vient du fait que le Parlement européen est codécideur, aux côtés du Conseil(1) et de la Commission. Cela modifie le processus décisionnel.Ainsi, près de 7000 amendements ont été déposés avant l’été sur les quatre rapports de la réforme de la PAC, ce qui va prendre du temps à être étudié.De plus, le Conseil et le Parlement ont souvent des positions bien différentes sur de nombreuses thématiques. Ce sera donc difficile de trouver un concensus. Le risque de voir le budget de la PAC réduit est-il grand ? Les caisses sont vides dans tous les pays, ce qui complique le débat sur le budget européen. Si le budget alloué à la PAC devait être remis en cause, il faudrait revoir notre copie sur certaines grandes mesures que l’on a proposées.
Et si aucun accord n’est trouvé sur la PAC à la fin 2013, que se passera-t-il ?
Les paiements directs ne seraient sans doute pas perturbés, en revanche les mesures et les aides relevant du développement rural, comme les MAE, seraient interrompues en 2014 car les textes ne prévoient pas de reconductibilité. Ce pourrait être aussi le cas pour la modulation et certaines aides des nouveaux États membres. Ce n’est pas à exclure.
Une polémique s’est instaurée autour des 7 % de surfaces d’intérêt écologique, la Commission étant soupçonnée de vouloir réintroduire la jachère. Quelles sont ses véritables intentions ?
L’objectif est de valoriser à des fins de biodiversité toutes les surfaces déjà présentes sur les exploitations qui ne sont pas en production agricole, comme les haies, les mares, les bordures enherbées, les jachères fixes… Avec un taux de 7 %, nous avons calculé que cela reviendrait à réintroduire ce type de surface à un niveau de seulement 2 ou 3 %. Mais on peut aussi imaginer qu’il y aura des ajustements. Certains proposent qu’une partie de ces surfaces d’intérêt écologique soient de la responsabilité de l’exploitation et le reste d’un groupe d’agriculteurs au niveau d’un territoire, ce qui permettrait une continuité écologique.
Quels sont, à ce stade, les grands enjeux des débats sur la prochaine réforme de la PAC ?
La convergence des aides est un point fondamental, tant au niveau externe (entre États membres) qu’interne (entre agriculteurs au sein des États membres). Le Parlement européen propose d’accélérer la convergence entre États membres par rapport à la proposition de la Commission européenne.Quant au verdissement, il semble y avoir un large concensus sur le principe,mais les modalités techniques restent à affiner. La Commission a déjà proposé des simplifications pour éviter un blocage et réduire les contraintes pour les agriculteurs. L’autre grand chantier porte sur le renforcement des filières pour un meilleur partage de la valeur ajoutée, et la clarification concernant les règles de concurrence.