Les abeilles choisissent leurs variétés de tournesol
Et si le potentiel attractif du tournesol s’érodait au fil du temps ? Et si certaines variétés attiraient moins les abeilles que d’autres ? Terres Inovia a exploré ces hypothèses au travers d’essais.
Des essais conduits depuis 2011, en microparcelles et en plein champ. Une vingtaine de variétés de tournesol implantées et des heures d’observation et de comptage. « Le constat est sans appel. Oui, les abeilles mellifères ont des préférences variétales, résume André Merrien, directeur des études et recherches chez Terres Inovia. Cela se traduit par des niveaux de fréquentation allant du simple au double. Quand une abeille a le choix entre plusieurs variétés de tournesol, elle a ses préférences. Ce qui est également très clair, c’est qu’il n’y a pas de différence entre anciennes et nouvelles variétés, entre variétés oléiques et non oléiques, entre variétés classiques ou tolérantes aux herbicides, entre précoces et tardives. Au sein d’une même « famille », les oléiques par exemple, certaines variétés attirent plus les abeilles que d’autres. » Là où cela se complique, c’est que selon les essais et selon le contexte pédoclimatique de l’année, ce classement peut changer. « Il n’en demeure pas moins qu’il existe des groupes de variétés homogènes en termes de fréquentations, stables entre les années d’essai et les sites expérimentaux », précise-t-il. D’autres facteurs agissent sur la pollinisation : autofécondation des variétés, vent, pollinisateurs sauvages…
Des dates de floraison regroupées
« Toute la sélection variétale des tournesols se fait avec des abeilles, rappelle Alain Baqué, chef marché tournesol chez Euralis Semences. S’il y avait de réels problèmes d’attractivité pour certaines génétiques, cela se verrait bien en amont et ces variétés seraient mises de côté. Ne l’oublions pas, en vingt-cinq ans, les surfaces de tournesol ont, en France, été divisées par deux pour atteindre 600 000 hectares aujourd’hui. Désormais, cette culture se concentre dans certaines régions avec des dates de floraison qui sont regroupées. Cela peut aussi avoir un impact. » Autre fait important : il n’existe pas de lien entre le taux de fréquentation d’un tournesol par une abeille, et la quantité de miel produite. « Pour expliquer ce phénomène, les recherches se poursuivent car plusieurs hypothèses sont étudiées, poursuit André Merrien. Les fleurs de tournesol possédant de longs fleurons seraient moins visitées car la glande nectarifère, qui se situe à la base du fleuron, serait plus difficile à atteindre par l’abeille. »
La qualité du nectar a, elle aussi, un rôle à jouer. Les nectars concentrés en sucre attireraient davantage les abeilles. Or, la concentration en sucre serait directement liée à l’état hydrique de la plante : le nectar serait plus concentré sur des tournesols en léger déficit hydrique. La situation pédoclimatique est donc à intégrer. André Merrien reconnaît qu’il est difficile de lister et de communiquer sur les variétés attractives, et sur celles qui le sont moins. « Cela risquerait de déstabiliser le marché, car les producteurs pourraient choisir ce critère au détriment d’un autre : rendement, teneur en huile, tolérance aux maladies… Les performances agronomiques d’une variété doivent rester le principal critère de choix. »
Des essais reconduits avec une méthodologie plus affinée
Sur le terrain, les essais se poursuivent, avec le concours des coopératives. L’an passé, ces expérimentations n’ont pas été concluantes. Les variétés dites attractives ne l’ont pas forcément été… et inversement. Preuve déjà que le seul facteur génétique n’est pas suffisant et qu’il faut intégrer les interactions pédoclimatiques. Les essais sont reconduits cette année avec une méthodologie plus affinée : échantillonnage précis des ruchers, distance entre parcelles et ruches, observation identique entre les sites… Terres Inovia aimerait également pouvoir répondre à la question que certains agriculteurs se posent : l’apport de ruches à proximité d’une parcelle permet-il d’augmenter le rendement du tournesol ? Le binôme abeille-tournesol a encore bien des secrets à dévoiler.