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Le pragmatisme belge appliqué à la gestion azotée

Directives nitrates. En Wallonie, la gestion de l’azote est basée sur une obligation de résultats pour l’agriculteur, et non sur une obligation de moyens comme en France. Cette politique porte ses fruits.

La région wallonne, en Belgique, a pris des options diamétralement opposées à celles de la France pour mettre en œuvre la directive Nitrate qui s’impose à tous les agriculteurs européens. L’association belge Nitrawal(1), encadrée par les pouvoirs publics, les professionnels agricoles et les universités de Louvain et de Gembloux, met en œuvre le Programme de gestion durable de l’azote (PGDA) en vigueur depuis 2007 et offre aux exploitants wallons un conseil technique personnalisé. Tout le dispositif de contrôle du respect par les agriculteurs de ce programme et de surveillance de la qualité des eaux est basé sur une donnée : l’azote potentiellement lessivable (APL).


Un réseau de fermes de référence


L’APL correspond à une teneur en reliquat azoté encore présent dans les sols, après récolte, en automne. Pour déterminer l’APL de référence, seuil de reliquat azoté à ne pas dépasser, des prélèvements sont effectués au sein de 35 fermes de référence grâce à une mesure à la mi-octobre et une autre à la mi-décembre, sur un profil de 90 centimètres. Le prélèvement est donc effectué soit dans la culture suivante, soit dans un couvert ou sur un sol nu. Les valeurs sont retenues pour huit classes de cultures (précédents betterave, blé, pomme de terre, maïs, colza, légumes et prairies). L’APL de référence par culture est l’aboutissement d’un savant calcul prenant en compte les mesures d’au moins vingt parcelles, majoré d’une marge de tolérance (voir encadré).
Tous les ans, l’administration contrôle 5 % des exploitations situées en zone vulnérable, soit 300 fermes. L’agriculteur concerné doit avoir deux parcelles conformes sur les trois qui sont contrôlées. Dans le cas contraire, il peut avoir recours à des contre-analyses selon un protocole bien défini, les résultats les plus favorables à l’exploitant étant retenus. Des différences allant jusqu’à 90 kilogrammes de NO3 par hectare (kg N/ha) sont parfois constatées entre l’analyse et la contre-analyse sur une même parcelle.

Obligation d’accompagnement


Si le contrôle démontre que l’exploitation est non-conforme, l’agriculteur devra dès lors s’inscrire dans un programme au cours duquel les résultats devront s’améliorer. Des amendes sont prévues en cas de refus, mais ce n’est jamais le cas. L’agriculteur s’engage alors avec Nitrawal dans un programme d’observation et la mise en place d’un conseil personnalisé afin de réduire les risques de fuites de nitrates. Ainsi, c’est à l’agriculteur de faire évoluer ses pratiques pour faire baisser son APL. À lui de choisir les moyens d’y parvenir. Après deux années consécutives avec au moins deux APL conformes sur trois, l’agriculteur sort du programme d’observation. Sinon, il est soumis à une pénalité de 120 €/ha de SAU déclarée au titre de la PAC. Le montant de cette pénalité est diminué à 40 €/ha si l’agriculteur accepte d’être encadré par les conseillers de Nitrawal. À ce jour aucun agriculteur n’a été pénalisé. Les agriculteurs peuvent aussi contractualiser volontairement avec Nitrawal pour bénéficier d’un conseil personnalisé.
Après de nombreuses années d’observation fine des APL, l’association Nitrawal a désormais une bonne connaissance de l’impact des pratiques culturales vertueuses sur les reliquats azotés. Bien évidemment, les valeurs APL diffèrent selon le type de culture. Ainsi au 15 octobre 2012, l’APL médian s’élevait à 73 kg N/ha pour le colza contre 12 kg pour la betterave. Mais on peut aussi observer une dynamique de l’azote bien différente selon les cultures. Entre octobre et décembre, l’APL est passé de 73 à 65 kg sur colza (fuite de nitrate) alors qu’il a légèrement augmenté sur betterave, passant de 12 à 20 kg.


Efficacité des couverts


D’une année sur l’autre les tendances varient selon les conditions climatiques. Le suivi de l’APL confirme l’influence du mode cultural, notamment l’efficacité des couverts pièges à nitrates (Cipan). Les céréales non suivis d’un couvert présentent un APL médian de 59 kg N/ha au 15 octobre et toujours de 53 kg au 6 décembre. En présence d’un couvert, les valeurs sont plus faibles dès le départ (37 kg) et chutent davantage en décembre, à 19 kg. La date de semis est aussi très importante. En 2008, l’APL était de 25 kg N/ha pour le ray-grass semé le 23 août et 21 pour le chou, alors qu’il se situait à 82 kg N/ha pour le ray-grass semé trois semaines plus tard et 73 pour le chou.
Selon Dimitri Wouez, ingénieur conseil au sein de Nitrawal, « une observation plus fine de la forme du profil devrait contribuer à améliorer cet outil de contrôle pour cibler les réels problèmes de surfertilisation et les risques de lixiviation ». En effet, une même valeur d’APL cache parfois les disparités entre parcelles. Pour certains profils, l’APL est supérieur dans les premiers centimètres du sol alors que dans d’autres cas, c’est l’inverse. Les risques de lessivage de nitrate sont plus importants si ce sont les couches les plus profondes qui présentent les teneurs en nitrate les plus élevées. Or, actuellement, seule la valeur totale de l’APL est évaluée.
Malgré ses imperfections, Dimitri Wouez estime que ce projet, avec les augmentations du prix des nitrates, a eu l’impact souhaité, à savoir une modification des pratiques. En 2012, 12 % des agriculteurs contrôlés ont eu des résultats non-conformes, contre 35 % en 2006 et 57 % en 2005. Cette démarche a le mérite de s’appuyer sur des mesures de terrain. « Les modèles mathématiques permettant d’établir les plans de fertilisation et les fuites de nitrates n’étaient pas suffisants pour piloter l’azote », considère Dimitri Wouez. Cette réglementation pragmatique est possible en Wallonie parce qu’il s’agit d’un petit territoire homogène en termes pédoclimatiques. S’il n’est pas possible de la mettre en œuvre à l’identique, la France pourrait tout de même s’en inspirer.


(1) www.nitrawal.be

Azote potentiellement lessivable : à partir de quel seuil l’agriculteur belge
peut-il être sanctionné ?

Pour calculer l’APL dit « seuil d’intervention » à partir duquel l’agriculteur risque d’être sanctionné, Nitrawal a mis en place une formule précise. Après avoir écarté les valeurs extrêmes des mesures sur les 35 fermes de référence, on calcule les valeurs médianes ou centile 50. Le seuil d’intervention au-delà duquel des pénalités pourraient être octroyées n’est pas calculé sur cette valeur médiane (centile 50) mais sur celle du centile 75 c’est-à-dire la valeur sous laquelle sont observées 75 % des mesures réalisées dans les fermes de référence. À ce chiffre est ajouté 20 % de la valeur de la médiane, avec un minimum de 15 kg NO3/ha.
Par exemple, en betterave en octobre 2012, l’APL au centile 75 était de 16 NO3/ha et le médian de 12 kg NO3/ha (c’est 15 kg qui est retenu). Le seuil d’intervention est donc de 16 + 15 = 31 kg NO3/ha.
Pour la pomme de terre, l’APL au centile 75 était de 95 kg NO3/ha et le médian de 88 kg NO3/ha et. Le seuil d’intervention est : 95 + (0,2 x 88) = 112 kg NO3/ha.

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