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TRAITEMENTS CHIMIQUES
Le match herbicides contre adventices tourne au vinaigre

Entre le développement des résistances chez les adventices et l’absence d’innovations dans les modes d’action, l’avenir n’est pas rose pour les herbicides.

Les herbicides ont maille à partir avec les adventices. Depuis des lustres, des populations de vulpins, ray-grass et folles avoines résistantes à des herbicides sont parvenues à se développer. « Cela ne faiblit pas, selon Christophe Délye, Inra de Dijon. Nous n’avons pas de données chiffrées sur les évolutions des résistances mais les remontées du terrain provenant des firmes, des prescripteurs et des agriculteurs montrent bien une augmentation des résistances chez le raygrass et le vulpin. » Plus récemment en France, ce sont les bromes qui ont rejoint la liste des graminées résistantes aux principaux herbicides utilisés.
Maintenant, c’est au tour des dicotylédones de rentrer dans la danse maléfique. « La résistance du coquelicot aux herbicides inhibiteurs de l’ALS (sulfonylurées) est avérée, signale Christophe Délye. Elle est même déjà répandue dans diverses régions de France. » Pour Marc Delattre, Dijon Céréales et membre du groupe AFPP des résistances herbicides, « il existe également en France des cas de résistance pour des matricaires aux inhibiteurs de l’ALS. Et nous avons des présomptions pour deux autres espèces de dicotylédones annuelles, le gaillet et la stellaire. »

DES RÉSISTANCES À PLUSIEURS FAMILLES

Deux mécanismes de résistance aux herbicides sont principalement rencontrés chez les adventices. La mutation de cible génère une résistance totale chez la plante qui l’a acquise et elle n’agit que sur un mode d’action précis, autrement dit sur une seule famille d’herbicide. La résistance par détoxication (ou métabolisation, non liée à la cible) de la molécule herbicide dans la plante est plus pernicieuse. « Jusqu’à il y a quelques années, on jugeait que le niveau de résistance par détoxication était moins élevé que celle par mutation de cible. Mais ce n’est plus le cas maintenant, souligne Bruno Chauvel, Inra. Non seulement, le niveau de ce type de résistance peut être fort de la part d’une adventice, mais en plus il peut toucher plusieurs familles d’herbicides à la fois. » Christophe Délye apporte des précisions. « Chez les vulpins résistants aux herbicides inhibiteurs de l’ACCase, du groupe A, on a relevé 100 % de résistance non liée à la cible et, parmi ces adventices, 15 % possèdent en plus le mécanisme de mutation de cible.
D’autre part, une partie de ces vulpins résistent également aux herbicides inhibiteurs de l’ALS. Ce type de phénomène progresse. Nous avons localisé des champs où tous les vulpins présentent ces caractères. Et nous rencontrons la même chose chez des ray-grass. » Pour Christian Gauvrit, directeur de recherches à l’Inra, « ce type de résistance qui s’affranchit des familles chimiques est très gênant car il remet en cause le désherbage chimique dans son ensemble ». Les plantes qui possèdent l’un ou l’autre de ces mécanismes de résistance ne sont pas moins vigoureuses que les autres.On ne s’en débarrassera jamais et leurs gènes de résistance se propagent entre les parcelles avec la pollinisation croisée.On les trouve même dans des champs d’agriculture biologique.

DIVERSITÉ EN BERNE CHEZ LES HERBICIDES

Face à la montée des résistances chez les adventices, on peut attendre des firmes phytosanitaires qu’elles ne restent pas les bras croisés sans réagir. « Des molécules avec un nouveau mode d’action qui réglera tous les problèmes ? Cela ne va pas arriver ! » La sentence est claire. Quitterie Daire, Syngenta Agro, ne fait que confirmer l’absence d’innovations qui perdure chez les herbicides depuis des années et qui va se prolonger. « Il y a beaucoup d’herbicides sur céréales mais peu de modes d’action disponibles pour lutter efficacement contre les graminées », constate Christian Gauvrit qui en énumère cinq. « Les recherches sur les herbicides ont été arrêtées dans les grands groupes phytosanitaires alors qu’elles continuent sur les insecticides et fongicides, affirme-t-il.

Le développement des OGM a réduit l’intérêt de telles recherches devenues peu rentables pour ces sociétés et l’Europe, qui n’a pas les OGM, constitue de moins en moins un marché stratégique. » Marc Delattre tempère cette idée de diminution des modes d’action herbicides sur céréales. « Nous avons gagné une nouvelle famille chimique en 2010 sur céréales avec le flufenacet (chloroacétamide) même si son efficacité n’est pas de 100 % sur les graminées. Il permet des programmes herbicides basés sur les alternances de modes d’action et ses performances sont supérieures aux urées substituées. »

RECHERCHE VÉRITABLE NOUVEAUTÉ

De son côté, Syngenta a mis récemment sur le marché un nouvel antigraminées. C’est un cas d’école. Le pinoxaden est annoncé comme faisant partie d’une nouvelle famille chimique mais ce « den » est néanmoins un inhibiteur de l’ACCase comme d’autres antigraminées foliaires déjà très présents, les fops (Celio, Puma…) et les dimes (Stratos Ultra…). Ce n’est donc pas un mode d’action nouveau pour lutter contre les mauvaises herbes résistantes.
Pourtant, des vulpins et raygrass résistants aux fops s’avèrent sensibles au den. L’agriculteur ne peut le savoir a priori, à moins de faire une analyse des graminées suspectes de son champ. Pas simple.
Le même cas de figure se rencontre au sein des herbicides inhibiteurs de l’ALS (groupe B) qui présentent trois familles chimiques de produits dont les sulfonylurées.
En dehors des céréales, sur colza, de nouveaux produits doivent être homologués dans les deux années qui viennent(1), dont une sulfonylurée et deux produits à base d’imazamox voués à être utilisés sur des variétés résistantes Clearfield. « On multiplie les inhibiteurs de l’ALS sur la rotation. Il faudra être prudent avec l’utilisation de ces produits et des variétés de colza résistantes et surtout ne pas les généraliser à toutes les parcelles », prévient Marc Delattre. Avec ces nouvelles solutions herbicides pas innovantes, c’est un peu le chien qui se mord la queue.

Quitterie Daire, Syngenta Agro.
« En 2010, le coût moyen du désherbage céréales est passé à 55 euros l’hectare »
« Entre 2005 et 2010, l’investissement moyen en désherbage a augmenté de 25 % sur céréales. Cette hausse est davantage due à la mise en place de programmes herbicides plus complets plutôt qu’à une hausse des prix. En 2010, le coût moyen du désherbage est passé à 55 euros/hectare, à tel point que les herbicides céréales sont en passe de représenter le premier marché des produits phytosanitaires devant celui des fongicides céréales. Nous préconisons des mesures agronomiques et des interventions mécaniques pour prévenir les risques d’infestations des adventices et ne pas risquer de voir sa facture herbicide exploser. En Grande-Bretagne, avec des rotations plus courtes etmoins diversifiées qu’en France, les problèmes de résistances sont beaucoup plus importants. Il est courant de voir des coûts de programmes herbicides compris entre 100 et 150 euros/hectare. Il existe des zones où s’effectuent trois passages et ce n’est pas ‘clean’ pour autant ! »

Jean Liéven, Cetiom.
« Le retrait de la trifluraline, coûteux pour le colza »
« En ce qui concerne le colza, le retrait de la trifluraline s’est soldé par des coûts de désherbage chimique de 20 à 30 euros/hectare supérieurs. Pour la gestion des géraniums, Tréflan a été souvent remplacé par la napropamide, deux fois et demi plus cher. Dans les situations très infestées, le coût des traitement peut dépasser les 100 euros/hectare. »

Bruno Chauvel, Inra.
« Non seulement une résistance peut être forte de la part d’une adventice, mais en plus elle peut toucher plusieurs familles d’herbicides à la fois. »

Christian Gauvrit, Inra de Dijon.
« Le développement des OGM a pour conséquence l’arrêt des recherches sur les herbicides de la part de grands groupes phytosanitaires. »

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