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Le colza en quête de diversité génétique

Face à des enjeux de changement climatique et d’économie d’intrants, le colza doit s’adapter et sa réponse pourra être génétique. À condition de lui trouver ou de lui apporter les gènes qui pourront aider la culture à surmonter ces écueils. Le point sur les programmes en cours pour améliorer la diversité génétique du colza.

La génétique du colza a besoin d'être diversifiée au travers de l'apport de gènes d'espèces apparentées pour répondre aux enjeux futurs de la culture.
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Chou, navet, radis, moutarde… ces espèces contribuent à enrichir la diversité génétique du colza, qui appartient à la même famille botanique, celle des crucifères (brassicacées). Des gènes provenant de ces espèces ont déjà été introduits chez le colza sans recourir pour cela à la transgénèse, comme des gènes de tolérance au phoma et à la hernie provenant respectivement de la navette et du chou. La stérilité mâle cytoplasmique qui a permis d’obtenir certains des hybrides du commerce provient, quant à elle, du radis.

« En Chine, les chercheurs travaillent sur des QTL (1) de résistance au sclérotinia issus d’espèces assez éloignées du colza, observe Boulos Chalhoub, chef sélection colza en Europe et Moyen-Orient chez Dekalb. Des caractères de la moutarde brune ont été introgressés dans le colza apportant un taux en protéines plus élevé dans le grain. Ces caractères sont en cours de valorisation au niveau des variétés mais cela a pris plus de vingt ans. » Cette amélioration génétique du colza grâce à des espèces apparentées ne date pas d’aujourd’hui mais tout n’est pas rose pour la culture à fleurs jaunes. En réalité, le colza pâtit d’une faible diversité génétique, à cause d’une évolution variétale qui a subi plusieurs évènements, facteurs d’appauvrissement (voir par ailleurs).

Produire des colzas plus économes en intrants

« Le colza tel qu’il est travaillé en Europe montre un progrès génétique constant. Le rendement augmente. Tout va bien… On ne pourrait pas dire que l’on a un besoin flagrant d’augmenter la diversité génétique de l’espèce, remarque Jean-Éric Dheu, directeur du programme Ouest Europe colza chez Limagrain. Et pourtant. Les enjeux du colza sont évolutifs dans un contexte de production qui bouge avec le changement climatique (des hivers plus doux…) et une offre en protection phytosanitaire qui s’amenuise. On sait que l’on ne va plus cultiver le colza comme il y a vingt ans. » Comment adapter la culture à ces évolutions ? « Il faut jouer sur un certain nombre de caractères à modifier ou à construire, ce qui nécessite de mettre en jeu des gènes ou des allèles qui ne sont pas encore dans le matériel génétique à disposition », exprime Jean-Éric Dheu.

Des programmes sont en cours dont le but est d’élargir la base de caractères phénotypiques qui pourront servir à l’amélioration variétale du colza. « Nous cherchons à produire des colzas plus économes en intrants. Or, vis-à-vis de certaines maladies comme le sclérotinia, la verticilliose ou la hernie, il n’y a quasiment aucune diversité génétique pour la tolérance à ces pathogènes. C’est pire pour les insectes qui sont un problème majeur du colza et il y a aussi très peu de diversité de gènes pour la tolérance à la sécheresse ou aux faibles apports d’azote. » Le tableau dressé par Anne-Marie Chèvre, responsable de l’équipe biodiversité et polyploïdie à l’Inra du Rheu, n’est guère optimiste.

Introduire des gènes intéressant tout en limitant le fardeau génétique

Selon la chercheuse de l’Inra, « la variabilité génétique existe en fait chez les espèces parentales du colza, à savoir le chou et la navette, qui présentent une énorme diversité. Mais des gènes de tolérance provenant de ces espèces déjà introduits chez le colza peuvent très vite être contournés par les pathogènes. Heureusement, il existe des résistances quantitatives gouvernées par plusieurs gènes dans ces espèces. Le jeu est de les introduire tout en réduisant au maximum l’introgression d’autres gènes indésirables qui constituent un fardeau pour le potentiel agronomique. Il faut utiliser des outils de phénotypage pertinents pour cela et avoir une idée précise des régions de génomes introduites. »

Anne-Marie Chèvre apporte des précisions sur un des programmes de diversification génétique, ProBioDiv, financé par Promosol (2). « Nous sommes partis de notre collection représentant la diversité des espèces navette et chou en prenant dix variétés populations de chaque espèce. Nous les avons croisées avec du colza. Au bout de quatre ans de croisements, nous avons obtenu des colzas populations plus ou moins stables qui avaient récupéré 25 % de la diversité génétique de chacune des espèces parentales. Ensuite, le phénotypage a permis de caractériser les populations sur leurs caractères de tolérances à des maladies par exemple. Ce matériel génétique a été fourni aux sélectionneurs de Promosol pour leur permettre d’introduire une nouvelle diversité génétique dans leurs collections. Il y a des sources de résistances à des maladies dans ces populations. En revanche, pour les insectes, il est difficile de savoir car les caractères de tolérances ne sont pas simples à screener par phénotypage. »

Des croisements aussi entre colzas eux-mêmes, d’hiver et de printemps

Chez Limagrain, Jean-Éric Dheu contribue à ce programme : « C’est du matériel génétique brut qui a pour intérêt d’élargir fortement la diversité génétique du colza mais la difficulté est d’y trouver les caractères intéressants pour la culture. Ce matériel est en phase de screening dans nos essais. »

D’autres programmes existent en France ou ailleurs dans le monde, afin d’introduire de la diversité génétique dans le colza. En Allemagne, dès les années 80, des croisements entre choux et navettes pour produire des colzas dits synthétiques ont apporté des sources de résistance à la hernie et au verticillium, entre autres. Parfois, ces recherches sont menées au sein de l’espèce elle-même. Un projet en cours, financé par les sélectionneurs, consiste à croiser des variétés de printemps avec des variétés d’hiver. « Le colza de printemps cultivé en Amérique du Nord, en Australie ou en Asie s’est autodifférencié depuis quelques dizaines d’années. C’est une source de diversité possible amenant des allèles de gènes différents de ceux existants dans le colza d’hiver », explique Jean-Éric Dheu.

Autre approche mentionnée par Anne-Marie Chèvre : croiser des colzas synthétiques avec des colzas normaux pour en obtenir des hybrides F1 puis en faire des populations de ségrégation. Mais ces croisements dans les différents programmes aboutissent très souvent à des plants instables sur le plan génétique et montrant des problèmes de fertilité pour une production de graines très faible. C’est un travail de longue haleine.

(1) Quantitative trait loci, régions du génome
(2) Association de partenariat public-privé pour l’amélioration variétale en oléagineux
Pour le colza, la diversité génétique existe et elle se situe surtout chez ses parents, le chou et la navette

Deux jeux de chromosomes dans le colza

Le colza est une espèce jeune, dont l’origine remonte à 7000 ans selon les spécialistes. L’espèce est issue du croisement entre le chou potager et la navette, ce qui lui confère un jeu de 38 chromosomes dont 18 sont issus du chou et 20 de la navette. Ce croisement s’est-il produit de façon naturelle ou a-t-il été provoqué par l’homme dans les jardins de l’époque où étaient cultivés choux et navettes ? La question reste en suspens.

Des méthodes pour apporter de la diversité génétique dans le colza

Du colza est artificiellement recréé en croisant des plants de chou (Brassica rapa) et de navette (Brassica oleracea). Ces travaux ont existé dès les années 80-90 en Allemagne en particulier, avec une difficulté forte : les croisements génèrent beaucoup de plants infertiles.

Le croisement de colza avec la navette ou avec le chou permet d’obtenir des hybrides, eux-mêmes recroisés avec du colza sur plusieurs cycles pour obtenir des plants avec un génome le plus proche possible du colza (= projet ProBioDiv)

Des gènes du chou, du navet mais aussi d’autres plantes proches du colza comme le radis, la moutarde… peuvent être apportés au colza grâce à ces croisements interspécifiques.

Le croisement de certains types de lignées de colza entre-elles (colzas de printemps et d’hiver, ou de colzas synthétiques avec des colzas normaux) permet d’apporter de la diversité génétique à cette culture.

« Je ne suis pas inquiet sur la diversité génétique du colza »

« Le colza comporte un ensemble de deux génomes provenant du chou et de la navette, ce qui signifie deux fois plus de gènes pour chaque caractère et un réservoir important de 100 000 gènes, contre 30 000 pour le maïs. Les caractères de l’huile sont gouvernés par 1700 gènes contre trois fois moins sur le soja. Cela signifie trois fois plus de potentiel de diversification en huile pour le colza face au soja. Je ne suis pas inquiet sur la diversité génétique du colza. La sélection du colza est récente, ne remontant guère à plus de cinquante ans. Dans des pays comme l’Inde et la Chine, le pool de diversité génétique est énorme et nous pouvons ramener de la diversité d’espèces apparentées au colza. Chez Dekalb, nous portons une attention particulière à cette question de l’amélioration de la diversité génétique. Nous avons une équipe de quatre chercheurs dédiés à la création de cette diversité par l’introduction de gènes d’espèces apparentées notamment. Nous travaillons dans le monde avec des organismes publics comme l’Inra. Mais la mise à disposition de matériel génétique est toujours sujette à discussion et pas toujours gratuite. Je suis optimiste pour l’avenir du colza mais la culture va souffrir de l’évolution des bioagresseurs. Les efforts d’amélioration génétique de résistance génétique aux maladies constituent la moitié de notre budget recherche sur le colza. Quant aux insectes, nous travaillons plus particulièrement sur la tolérance aux altises. »

Boulos Chalhoub, chef sélection colza en Europe et Moyen-Orient chez Dekalb

 

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