GÉNÉTIQUE
Le colza en pleine mutation
L’amélioration variétale du colza va connaître un nouveau souffle avec
le séquençage du génome qui sera rendu public avant la fin de l’année.
Mais la culture n’est pas à une révolution près. Les hybrides poussent
les lignées vers la porte de sortie. Les variétés du futur seront tolérantes
au sclérotinia en plus de l’être au phoma et elles utiliseront plus
efficacement l’azote.
Le colza va entrer dans le club des cultures au génome décrypté. C’est prévu courant 2012 avec une équipe de recherche française qui compte rendre disponible ses connaissances à la communauté scientifique. En fait, le séquençage du génome du colza a déjà été annoncé par Bayer en 2009. Mais la société privée garde pour elle le fruit de ses recherches avec quelques collaborateurs. Les parents originels du colza (navette et chou) sont déjà passés sous la moulinette des généticiens, de même que d’autres crucifères comme l’arabette.
La connaissance et l’emplacement des gènes sur les chromosomes avance à grand train et doit se concrétiser par une accélération de la sélection de variétés de colza performantes et par un gain en précision dans le suivi des gènes d’intérêt. Le colza a plus d’un défi à relever, notamment celui de réduire les intrants autant pour des raisons économiques qu’environnementales. L’azote représente à lui seul les deux tiers de son coût énergétique, selon une étude du Cetiom. Pour la filière biocarburant en particulier, il est impératif d’améliorer l’utilisation de l’azote et sa transformation en rendement en huile. Il en va de son coût environnemental qui pèse sur l’acceptation sociétale de la filière et sur le niveau de subvention auquel elle pourra prétendre à terme.
La génétique se met au service de cet objectif.Un projet de recherche est mis en oeuvre pour aboutir à des variétés utilisant mieux l’azote pour la production d’huile.Même à l’inscription variétale, la dimension azote va être prise en compte pour noter les variétés se comportant le mieux en conditions limitantes en cet élément fertilisant.
CONTRER GÉNÉTIQUEMENT LES MALADIES
Du côté des maladies, l’amélioration variétale du colza est flagrante sur la tolérance au phoma. Mais avec un pathogène qui ne cesse de s’adapter, les recherches continuent pour le contrer génétiquement. Contre le sclérotinia, tout reste à faire en revanche en matière de génétique. Des projets de recherche ont démarré pour, espèret- on, proposer des variétés intégrant le caractère de tolérance à cette maladie d’ici cinq à dix ans.
Aujourd’hui, le colza connaît déjà une révolution : le remplacement des lignées par des hybrides restaurés. En quelques années, ces derniers ont su gagner le coeur des agriculteurs puisqu’ils représentent les trois quarts des semences commercialisées. Les lignées sont vouées à disparaître en France. Faut-il s’en inquiéter ? Oui, d’après les tenants des semences de ferme. Non selon les semenciers qui considèrent, qu’avec les hybrides, le progrès génétique continuera à un rythme soutenu. Et leur développement rapporte plus d’argent aux sélectionneurs que les lignées.Tout est là.
ORIGINES DU COLZA
Des choux comme parents
Le génome du colza est pour le moins compliqué. Il faudrait parler plutôt des génomes. Le colza cumule en effet les chromosomes de deux plantes : les neuf paires provenant du chou (Brassica oleracea) avec les dix paires du génome de la navette (Brassica rapa = navet, chou chinois). Le colza est une plante issue du croisement de ces deux espèces en des temps immémoriaux, avant Jésus-Christ en tous les cas. On ne sait dire si cette hybridation a été provoquée par l’homme en cultivant côte à côte le chou et la navette ou de façon naturelle tout simplement. Le colza comporte donc dix-neuf chromosomes partagés entre le génome A issu de la navette et le génome C originaire du chou. Le génome du colza est relativement petit comparé à d’autres espèces cultivées, avec 1150millions de bases (17000 chez le blé tendre).
AVIS D'EXPERT
Patrick Bagot, responsable des études VATE colza et autres crucifères au Geves.
« Vers des inscriptions variétales répondant mieux à la diminution d’azote »
« Nous travaillons depuis deux ans à orienter l’évaluation des inscriptions variétales vers des critères environnementaux (E), en plus des valeurs agronomiques et technologiques (VAT), notamment en vue de permettre une réduction des intrants. Pour le colza, les études portent surtout sur l’azote avec l’objectif d’identifier les variétés qui répondront le mieux à une diminution de la fourniture en engrais azotés. D’abord, je dois préciser que les essais CTPS d’évaluations variétales menés actuellement se font dans la moyenne de ce qui se pratique chez l’agriculteur, c’est-à-dire une production raisonnée avec souvent le pilotage de la fourniture azotée. Cela pour dire que les variétés ne sont pas inscrites uniquement sur des essais menés de manière intensive. On ne va pas chercher les cinq derniers quintaux. Maintenant, nous devons définir pour 2014 une nouvelle stratégie qui sera de tester les variétés de colza sur différents niveaux d’azote, en particulier en conditions limitantes. Il faut prendre en compte le fait que nous avons entre 100 et 120 variétés à tester chaque année, sur de multiples sites. C’est lourd. L’enjeu sera d’adopter une nouvelle méthodologie tout en n’alourdissant pas le réseau d’expérimentations. »