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Le charançon de la tige du colza sous surveillance

Parmi les ravageurs de printemps, le charançon de la tige du colza est l’un des plus virulents ennemis de l’oléagineux. Sa biologie reste mal connue, ce qui ne facilite pas la lutte. Cependant, des travaux sont en cours pour améliorer la détection des vols et la prise de décision sur les traitements.

Le charançon de la tige du colza, ceutorhynchus napi, ne doit pas être confondu avec celui de la tige du chou, ceutorhynchus pallidactylus, qui n’est pas nuisible sur colza.
© C. Watier

Quelques millimètres seulement mais potentiellement de gros dégâts : le charançon de la tige du colza fait partie de ces insectes de printemps que l’on préfère ne pas voir voler dans son champ. « C’est un ravageur particulièrement préjudiciable en colza, parce qu’il pond ses œufs dans les tiges en croissance, ce qui désorganise les tissus et joue sur l’alimentation hydrique des plantes », explique Céline Robert, spécialiste des insectes chez Terres Inovia. Lorsque les piqûres de pontes ont lieu dans une phase de forte croissance de la plante, elles peuvent conduire à l’éclatement de la tige. Sans aller jusque-là, elles peuvent affaiblir suffisamment le bourgeon terminal pour qu’il perde sa dominance apicale, et conduire à une ramification de la tige qui affaiblit la plante dans son ensemble. Les dégâts sont fonction des conditions météo. « Si le temps est très sec, la nuisibilité augmente », observe Céline Robert. Comme le souligne une publication parue dans la revue Recherche agronomique suisse, la nuisibilité du parasite dépend « d’une part de l’importance des populations, et d’autre part de la variété ainsi que des conditions culturales et météorologiques qui déterminent le stade phénologique et le taux de croissance lors de la ponte ».

La cuvette jaune, indicateur de présence mais pas de pression

Problème : le charançon de la tige a beau être présent sur tout le territoire, il reste mal connu. « Comme d’autres ravageurs du colza, c’est un insecte peu étudié, et nous avons très peu d’informations sur les facteurs qui jouent sur sa survie ou permettent de réduire les populations », poursuit Céline Robert. La surveillance s’effectue par comptage des insectes recueillis dans les cuvettes jaunes, sauf qu’à la différence des méligèthes, il n’existe pas de seuil de nuisibilité. « La cuvette jaune est un indicateur de présence de l’individu sur la parcelle, pas de pression, note l’ingénieure. Cela ne dit rien des dégâts qui pourront survenir dans les champs. » Seul un comptage des piqûres sur la plante pourrait éventuellement donner cette information. Terres Inovia a donc établi une règle de décision simple : traiter huit jours après les premières captures de l’insecte, car il faut un minimum de huit jours après le vol pour que les femelles soient aptes à pondre. En cas de vol précoce, cette règle ne vaut pas, car la plante n’est pas forcément dans le stade sensible.

Aujourd’hui, l’institut technique s’appuie sur l’outil Expert (voir encadré) pour détecter la période à risque. Il se fonde sur des données climatiques Météo France couplées à des données historiques de dates de vol et de ponte. « Mais il faut en plus regarder ce qu’il se passe dans la cuvette ou dans le bulletin de santé du végétal », observe Céline Robert. Conscient de ses faiblesses, Terres Inovia cherche à accumuler des données sur les vols et les dégâts pour revoir et affiner ses règles de décision. « Nous avons des parcelles d’essais où l’on compare les résultats en zones traitées et non traitées et la nuisibilité au champ, mais on ne peut pas aller très loin car ce n’est pas un insecte que l’on est capable d’élever », indique la conseillère.

Un outil qui permettrait de se passer du comptage aux champs

Le sujet fait l’objet d’une réflexion de longue date au List (institut de sciences et de technologie luxembourgeois), menée notamment par Mickael Eickerman, expert qui travaille depuis de nombreuses années sur la biologie de l’insecte. Il est en train de déboucher sur un outil d’aide à la décision qui sera commercialisé par Agroptimize, spin-off universitaire créée en 2016 par la société Wanaka, l’université de Liège et le List, dans l’outil Phytoprotech(1). Principale différence avec Expert : le modèle sur lequel repose l’outil se suffit à lui-même et ne nécessite pas de capture d’insectes en parallèle, selon Agroptimize. « L’outil se fonde sur le comportement de l’insecte et sur la localisation de la parcelle, sachant que le charançon de la tige du colza passe l’hiver sur des parcelles de colza ou dans la forêt », indique Marie Dufrasne, agronome chez Agroptimize. Pour tourner, le modèle a besoin de la température de l’air, de celle du sol, de la vitesse du vent, de la durée d’ensoleillement et des précipitations. Il lui faut également des données sur les précédents de la parcelle et de ses voisines. Les informations sur les parcelles voisines ont récupérées par la société via les déclarations PAC. En sortie, l’outil indique les débuts de vol et les dates des traitements recommandés. L’utilisateur est prévenu par un SMS d’alerte envoyé via la plateforme web qui porte Phytoprotech et sur laquelle il renseigne les données. Fonctionnel pour le Luxembourg, le modèle a nécessité des recalages en 2017 pour le Nord-Est de la France, ce qui a retardé sa mise à disposition. « Nous avons fait des observations et des piégeages d’insectes sur un grand nombre de parcelles en France en 2017, et nous avons maintenant le travail d’adaptation du modèle à faire », indique Marie Dufrasne. Agroptimize va faire des tests chez des agriculteurs pilotes en 2018, et compte passer à la commercialisation en 2019. Rendez-vous dans un an.

(1) Outil de gestion phytosanitaire en grandes cultures qui travaille à l’échelle de la parcelle.

Un seul traitement à base de pyréthrinoïdes

« Même si la plage d’intervention n’est pas évidente, nous conseillons un seul traitement », note Céline Robert, Terres Inovia. Un insecticide à base de pyréthrinoïdes est recommandé, car ce sont les plus efficaces. « Tous les produits actuellement en marché se valent, indique la spécialiste, il est difficile d’en conseiller un en particulier. »

Expert détenu par Bayer Digital Farming

Depuis 2016, le service ProPlant Expert que propose depuis plusieurs années Terres Inovia pour simuler les dynamiques de vols et de pontes des insectes de printemps s’appelle Expert. Ce changement de dénomination fait suite au rachat de la société allemande ProPlant, propriétaire de l’outil, par Bayer Digital Farming. Pour le moment, les conditions de mise à disposition de l’outil n’ont pas changé. Sur le plan technique, l’outil a bénéficié d’une amélioration assez importante au printemps 2017 : il intègre désormais les données de « 200 points météorologiques supplémentaires », comme signale Terres Inovia sur son site. Ils viennent s’ajouter aux 63 stations météorologiques préexistantes.

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