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L’apprentissage en agriculture, la formule gagnant/gagnant

La réforme de l’apprentissage simplifie les démarches de l’employeur et revalorise la formule, qui peut constituer un bon moyen de former son salarié. 

Le maître de stage accompagne et forme le stagiaire tout au long de son parcours. © C. Baudart
Le maître de stage accompagne et forme le stagiaire tout au long de son parcours.
© C. Baudart

Face aux difficultés de recrutement, l’embauche d’un apprenti peut être une bonne solution pour trouver le salarié idéal  : qui n’a pas rêvé d’embaucher un jeune qualifié, passionné, qui connaisse le parcellaire de la ferme, le matériel et les bâtiments, qui a été formé par soi et qui a pu adopter nos méthodes de travail. L’apprentissage est une formation rémunérée qui consiste en une alternance de périodes en exploitation agricole et de périodes de cours. La formule prépare des jeunes à des diplômes de niveau 2 et 3 : BEP, CAP, bac pro, BTS, voire ingénieur. 

Un formulaire unique à remplir 

Il se concrétise systématiquement par un contrat conclu entre l’apprenti, le maître de stage et le centre de formation, dans lequel chacun a des obligations. Ce contrat se matérialise par un court formulaire Cerfa (Fa13). Le centre de formation (CFA) dispense l’enseignement théorique et classique, définit le rythme d’alternance et assure le lien entre les signataires du contrat. Un planning annuel permet de savoir à l’avance les périodes d’absence et de présence. Le maître de stage accompagne et forme le stagiaire tout au long de son parcours. Quant à l’apprenti, il bénéficie d’une convention collective, d’un salaire calculé selon une grille officielle et dispose des mêmes droits et devoirs qu’un salarié classique. Il est sous la responsabilité de son employeur durant toute la période d’apprentissage, y compris durant la période passée en centre de formation. 

Déclarer préalablement l’embauche 

Le plus souvent, la durée du contrat d’apprentissage correspond à la durée de la formation, qui varie de six mois à trois ans selon la qualification préparée. Le contrat d’apprentissage signé doit être envoyé à la chambre d’agriculture départementale dans les cinq jours qui suivent le début du contrat. À compter du 1er janvier 2020, le document devra être adressé à l’Ocapiat. Cette formalité peut également être réalisée en ligne (portail de l’alternance). Comme pour tout contrat de travail, l’employeur doit réaliser une déclaration à l’embauche (DPAE) dans les jours qui précèdent l’embauche. Cette formalité, réalisée en ligne sur le site de la MSA, est simple et rapide. 

Apprenti à partir de quel âge ? 

L’apprenti doit avoir plus de 16 ans ou avoir achevé sa troisième. Depuis le 1er janvier 2019, l’âge maximal d’entrée en apprentissage est porté à 29 ans révolus (contre 25 auparavant). Quant au maître d’apprentissage, il doit justifier d’un diplôme agricole et d’une expérience de trois ans. 

Quels horaires de travail ? 

L’âge de l’apprenti va conditionner son rythme de travail  : s’il a moins de 18 ans, sa journée de travail ne pourra dépasser 8 heures, avec un maximum de 35 heures hebdomadaires. S’il a moins de 16 ans, cette durée quotidienne est ramenée à 7 heures, toujours avec un maximum de 35 heures hebdomadaires. S’il a moins de 15 ans, la durée quotidienne de 7 heures s’applique, avec un maximum de 32 heures hebdomadaires. Les apprentis de moins de 18 ans n’ont pas le droit de travailler le dimanche, les jours fériés et de nuit (entre 22 h et 6 h). Toutefois, en période de moisson ou de semis, l’inspection du travail accorde des dérogations sur demande préalable, dans la limite de 2 heures par jour et 5 heures par semaine. 

Des tâches interdites 

L’âge de l’apprenti restreint également les tâches pouvant lui être confiées. S’il a moins de 18 ans, les tâches qu’il peut réaliser sont limitées. Il ne peut, par exemple, pas conduire de tracteurs, de quads et de télescopiques, ni participer à des travaux en hauteur ou à des travaux exposants à des agents chimiques. Le Code du travail liste l’ensemble de ces travaux interdits (articles D4153-15 à 37).  

Pour y déroger, l’employeur ou le chef d’établissement doit effectuer une « déclaration de dérogation » à certains travaux interdits, dits travaux « règlementés », avant le début du stage afin de satisfaire aux besoins de la formation professionnelle. Il s’agit de remplir un formulaire et de l’envoyer par courrier à l’inspection du travail de son département. « Le système a été considérablement assoupli depuis 2015 », indique Sylvère Dernault, responsable du service santé et sécurité au travail de la Direccte(1) Île-de-France. « En effet, il n’y a plus de contrôle en amont. Le document est valable pour une durée de trois ans et ne vise pas les jeunes nominativement mais bien le ou les lieux de formation concernés par les travaux réglementés », précise Sylvère Dernault. Il rappelle un certain nombre de prérequis : « En qualité d’employeur vous devez avoir réalisé l’évaluation des risques, le document unique et le plan d’actions associé, avoir formé votre apprenti à la sécurité, vous être assuré de l’encadrement du jeune par une personne compétente et avoir obtenu un avis médical d’aptitude. » Le chef d’établissement doit, quant à lui, avoir dispensé une formation à la sécurité dans le cadre de la formation professionnelle adaptée à l’âge de l’apprenti. Si un inspecteur devait constater qu’un jeune est en danger sur son lieu de stage, il demandera le retrait immédiat du mineur et une procédure de suspension/résiliation du contrat d’apprentissage peut être engagée par la Direccte. 

Des cas de rupture 

En cas de souci, le contrat d’apprentissage peut être rompu facilement durant les 45 premiers jours de la formation, sans justification, par l’apprenti ou son employeur. Durant cette période d’essai, aucune indemnité n’est due à l’apprenti. La rupture doit être notifiée par écrit au directeur du CFA ou de l’organisme gérant le contrat. À l’issue de cette période d’essai, interrompre un contrat d’apprentissage est plus compliqué : seul un accord écrit signé des deux parties ou une décision du conseil de prud’hommes peut acter la rupture. Dans tous les cas, à l’issue du contrat, l’employeur doit remettre à l’apprenti les mêmes documents que pour une fin de contrat  de travail classique : bon pour solde de tout compte et attestation de travail. « Le secteur agricole se singularise par un faible nombre de ruptures de contrats », commente Jérôme Lachaux, chef du service « Formation tout au long de la vie » à la FNSEA. « 11 % des contrats seulement sont rompus et la plupart dans le premier mois d’apprentissage. Les agriculteurs repèrent très vite si ça va marcher ou pas. »  Attention aux contrats qui se terminent en septembre : diplôme en poche, l’apprenti a le droit de mettre fin à son contrat à condition qu’il en informe son employeur deux mois auparavant. Cela peut compliquer des chantiers de récolte. 

Quelles aides à l'embauche ? 

Les agriculteurs qui embauchent un apprenti de niveau CAP, BEP ou bac pro bénéficient d’une aide unique, accordée automatiquement après validation du contrat d’apprentissage par la chambre d’agriculture. L’aide s’élève à 4 200 euros la première année, 2 000 euros la deuxième année et 1 200 euros la troisième année. Cette aide, versée chaque mois, remplace depuis 2018 les trois aides qui existaient préalablement  : la prime régionale à l’apprentissage, l’aide au recrutement d’un apprenti et le crédit d’impôt Apprentissage. Par ailleurs, l’employeur qui embauche un apprenti en CAP, BEP ou bac pro est exonéré de charges sociales sur le salaire de l’apprenti, à l’exception de la cotisation patronale d’accident du travail, de la cotisation maladie professionnelle et des cotisations de prévoyance complémentaire. 

Pour les employeurs formant un apprenti en BTS ou DUT, un crédit d’impôt est accordé pour la première année de formation à hauteur de 1 600 euros par apprenti. 

Évaluer le coût au cas par cas 

Un simulateur en ligne, accessible sur www.alternance.emploi.gouv.fr permet d’évaluer facilement le coût d’un contrat d’apprentissage. Chaque cas est différent mais pour un apprenti âgé de 16 ans en bac pro, le coût pour l’employeur, aides incluses, avoisine les 70 euros par mois la première année et 450 euros par mois la deuxième année. « Un apprenti en CAP/BEP ne coûte pas plus de 3 euros de l’heure à son employeur » , souligne Jérôme Lachaux. Pour l’apprenti, la formule est également gagnante : sa formation est gratuite, reconnue, et lui ouvrira rapidement les portes du monde du travail : six mois après l’obtention de leur diplôme, neuf sur dix ont un emploi. 

(1) Direccte : direction régionale des entreprises, de la concurrence, du travail et de l'emploi.

Quelle rémunération pour l’apprenti  ?

Le salaire de l’apprenti est déterminé en pourcentage du Smic, selon son âge et l’année de formation. Plus il est âgé et plus il évolue dans le cycle de formation, plus sa rémunération sera élevée. La grille de rémunération a été révisée en 2018. Pour les contrats conclus à partir du 1er janvier 2019, un apprenti âgé de 16 à 17 ans percevra 27 % du Smic la première année, 39 % la deuxième année, et 55 % la troisième année. Si l’apprenti a entre 18 et 20 ans, il percevra 43 % du Smic la première année, 51 % la deuxième et 67 % la troisième. Entre 21 et 25 ans, les rémunérations seront de 53 %, 61 et 78 % (voir tableau). S’il a plus de 26 ans, il sera rémunéré à 100 % du Smic. Lorsqu’une date anniversaire fait changer l’apprenti de catégorie, la rémunération évolue à compter du premier jour du mois suivant.

Une garantie d’emploi

Quelque 20 000 contrats d’apprentissage affiliés à une formation agricole sont signés chaque année dans l’un des 136 CFA agricoles de France. Ce chiffre est annoncé en forte hausse pour l’année scolaire en cours. La réforme de l’apprentissage de 2018 rend la formule plus attractive pour les employeurs. Les formations agricoles se caractérisent par leur fort taux d’insertion professionnelle : trois ans après l’obtention de leur diplôme, 92 % des titulaires d’un bac pro agricole sont en activité, contre 52 % pour l‘ensemble des bacs pro. Pour les BTS, ce ratio atteint 90 % pour les BTSA, contre 68 % en général.

Une formation pour les maîtres d’apprentissage

Représentant des employeurs agricoles, la FNSEA appuie le développement de l’apprentissage en agriculture. « La demande en main-d’œuvre agricole qualifiée est importante : la voie de l’apprentissage peut être un bon levier pour trouver le bon profil », rappelle Francesca Combe, chargée de mission Apprentissage à la FNSEA.

En 2018, le syndicat agricole a bâti une formation sur ce thème, dispensée auprès de son réseau départemental. Composée de cinq modules, cette formation destinée aux maîtres d’apprentissage a été depuis mise en œuvre dans l’Aisne. Objectif ? Permettre aux participants de tout savoir sur la réglementation du travail, les formalités liées au contrat d’apprentissage, les aides à l’embauche ou la sécurité des jeunes. Originalité de la formation, celle-ci est réalisée pour partie à distance, depuis chez soi mais également en groupe, dans un lieu « Cela permet les partages d’expérience, ce qui est précieux car tous les maîtres d’apprentissage rencontrent les mêmes problématiques », précise Francesca Combe. Quelles sont pour elle les clés de l’employeur pour réussir un apprentissage ? « Un accueil bien préparé, la réalisation d‘une fiche de poste et une bonne connaissance des notions à acquérir. » Sans oublier du temps à accorder et de la pédagogie pour faire progresser l’apprenti.

AVIS D'AGRICULTEUR - Marc Debavelaere, agriculteur à Vitry-en-Artois, Pas-de-Calais

“Il faut que tout le monde y trouve son compte”

« J’embauche régulièrement des stagiaires ou des apprentis. C’est toujours du temps et de l’énergie à leur consacrer. C’est toujours un plaisir de pouvoir faire évoluer quelqu’un qui veut progresser et qui le mérite. Les périodes en exploitation doivent permettre au jeune de mettre en application ce qu’il apprend à l’école, alors quand il arrive, je lui pose des questions sur ce qu’il a appris en cours. S’il a calculé une densité de semis et étudié pourquoi, ici, il va régler le semoir et labourer mais on va également revoir l’agronomie. Je n’ai jamais cherché d’apprenti ou de stagiaire : ce sont eux qui m’appellent. Mon premier apprenti m’a tanné quatre mois avant que je lui dise oui : s’ils insistent, c’est qu’ils sont motivés et je n’ai jamais eu de tire au flanc. À l’embauche d’un jeune, je le mets dans l’équipe — j’ai un salarié et un associé qui a lui-même un salarié — en faisant en sorte qu’il trouve sa place dans notre schéma de fonctionnement et je l’observe. Avec l’habitude, on repère vite le profil des gens. S’il en a sous la pédale, c’est du bonheur  : je lui confie des tâches variées et je l’associe à mes décisions. Il faut que tout le monde y trouve son compte. C’est du gagnant/gagnant. »

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