L'an 1 de la lutte collective contre les campagnols des champs
Si le campagnol terrestre fait déjà l'objet de plans de lutte dans les zones herbagères, tel n'était pas le cas pour le campagnol des champs. Mais des actions ont démarré cette campagne sur certaines régions de grandes cultures avec les Fredon comme fers de lance et le retour de la bromadiolone dans les champs.
Les campagnols ne sont pas les compagnons des agriculteurs. Le campagnol terrestre fait déjà l'objet de campagnes collectives de destruction dans les régions d'élevage où il sévit. Mais pas le campagnol des champs, ce rongeur appelé abusivement mulot ou souris que l'on retrouve dans les grandes cultures. L'animal a su profiter des évolutions des pratiques culturales et des paysages agricoles. Le développement de la pratique du non labour semble un facteur important du développement des ravageurs souterrains, parmi lesquels les campagnols. Il faut y associer les couverts végétaux d'interculture qui mettent à l'abri les rongeurs de leurs prédateurs, notamment des rapaces. Avec la destruction des haies dans certaines régions agricoles, ce sont autant de refuges qui ont disparu pour les prédateurs de campagnols tels les mustélidés (belettes, hermines...), les renards, les rapaces diurnes et nocturnes... S'ajoutent à cela les éoliennes, qui ont pour effet de faire fuire les rapaces.
Des cultures favorables au développement des campagnols
Certaines cultures ont plus particulièrement les faveurs du campagnol des champs. C'est le cas des luzernières restant sur pied l'espace de trois ans. La région Champagne-Ardennes est un cas d'école en termes de région touchée. La culture de luzerne déshydratée y est importante. "Nous avons entendu parler de pertes de 50 à 80 % des dernières coupes de luzerne en 2014, confie Mathias Deroulède, conseiller au GDA du Rethelois dans les Ardennes. Les graminées porte-graines sont très touchées également : 10 % de la surface a été retournée en 2014 dans la région à cause du campagnol des champs. Sur colza, on estime à 10 % l'impact qui se localise sur les bordures essentiellement. Le campagnol des champs s'attaque aux cultures de printemps telles que betteraves et orges au moment des semis surtout. Les traitements de semences ne les affectent nullement." Responsable des luttes collectives à la Fredon(1) Champagne-Ardenne, Camille Crespe remarque que dans la nouvelle PAC, les haies comptent très peu dans les SIE (surfaces d'intérêt écologique) alors que les luzernes y entrent. Cette orientation est favorable au développement des campagnols.
Une utilisation de bromadiolone très encadrée
La Champagne-Ardennes a été la première région(2) à adopter un plan de lutte collective contre le campagnol des champs. Il était temps. La décision fait suite à la parution de l'arrêté du 14 mai 2014 "relatif au contrôle des populations de campagnols ainsi qu'aux conditions d'emploi des produits phytopharmaceutiques contenant de la bromadiolone." L'emploi de cet anti-coagulant très décrié par les associations environnementales est réautorisé au champ après une interruption en 2010. Mais sous des conditions drastiques. La lutte est encadrée par l'organisme à vocation sanitaire végétal de la région, en l'occurence la Fredon. Sont émis alors des BSV spécifiques sur le campagnol et, pour un agriculteur, l'utilisation d'appâts à base de bromadiolone est conditionnée à la participation obligatoire à une formation sur le contrôle des campagnols. L'objectif n'est pas d'éradiquer le rongeur mais plutôt de maintenir sa population (qui est cyclique) à une faible densité. En plus d'apports d'informations sur le rongeur, les agriculteurs sont formés à mesurer la densité des campagnols dans leurs parcelles en reprenant un protocole de comptage spécifique, à savoir la proportion de trous actifs(3) tous les cinq mètres sur la diagonale du champ. C'est important car c'est ce comptage qui conditionne l'autorisation de recourir à la bromadiolone ou non. Les résultats des comptages doivent être envoyés à la Fredon. "Quand une parcelle est infestée à plus de 30 %, l'usage de bromadiolone n'est pas autorisé. À ce niveau d'infestation, il n'est plus possible de réguler le ravageur et les risques d'empoisonnement d'une faune non cible sont importants, précise Camille Crespe. En deçà, nous délivrons un bon de retrait de bromadiolone (appâts sous forme de grains de blés enrobés : produit Super Caïd...). Les grains sont appliqués au niveau des trous des terriers (surtout pas en surface) avec l'aide d'une canne sonde."
(1) Fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles.
(2) aussi pour le campagnol des champs, les régions Rhône-Alpes, Pays de la Loire... et bientôt la Bourgogne, l'Île-de-France
(3) Trous où l'on voit des traces de passages, des feces, des pousses fraîchement sectionnées...
Voir aussi article de Réussir Fruits et Légumes Campagnols en vigilance orange .
La lutte contre les campagnols : combien ça coûte ?
- Adhésion à la Fredonca : 80 euros, et être titulaire du Certiphyto
- Produit Super Caïd appâts bleus (bromadiolone sur grains de blé) : 2,70 euros/kg HT (dose maxi de 7,5 kg/ha), disponibles auprès de distributeurs avec un bon de retrait délivré par la Fredonca. Tenue d'un registre d'applications.
- Fusil à blé (canne sonde) : 92 euros HT, possibilité de location (2 euros/mois)
- Pièges Topcat : 42 euros HT, possibilités de location (2 euros/mois)
- Équipement de protection individuelle, ports de gants (obligatoire quand on manipule des rongeurs morts qui sont vecteurs de maladies). Les cadavres doivent être ramassés après traitement.
(avec la Fredon Champagne-Ardenne, Fredonca)