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La recherche s’empare des associations céréales et protéagineux

Les associations céréales et protéagineux suscitent un grand intérêt, particulièrement en agriculture biologique, mais pas seulement. Conseillers, techniciens et scientifiques travaillent le dossier sous plusieurs angles.

En bio, leur intérêt ne fait guère de doute. « Les associations céréales-protéagineux, de type blé ou orge et pois ou féverole, permettent d’augmenter significativement les rendements, d’accroître de façon importante le taux de protéines de la céréale associée et de diminuer la concurrence des adventices, a rappelé Gilles Salitot, conseiller à la chambre d’agriculture de l’Oise lors des journées Proléobio organisées par Terres Inovia au printemps dernier. Il peut aussi y avoir un effet tuteur de la céréale, dans le cas d’un seigle et d’un lentillon ou bien d’un triticale et d’un pois fourrager. » Intéressantes, les associations… mais incertaines également. L’une des difficultés réside dans l’impossibilité de prédire avec exactitude les interactions entre la céréale et le protéagineux. Le pouvoir couvrant de l’un dépend par exemple étroitement de la précocité de l’autre et du climat. Les disponibilités en azote conditionnent aussi les résultats : les essais menés par la chambre d’agriculture de l’Oise ont ainsi montré que quand les disponibilités en azote sont fortes, comme en 2015, « la concurrence des céréales sur la féverole est forte, et plus la densité de céréales est importante, moins le rendement de la féverole est élevé », signale Gilles Salitot.  La concomitance de maturité des deux espèces, nécéssaire pour une bonne récolte, est également un critère clé, peu évident à anticiper.

Des développements encore balbutiants en conventionnel

Compte tenu des enjeux, les projets de recherche fleurissent. Les objectifs : mieux comprendre quelles cultures associer, comment les implanter puis comment les récolter et les trier, l’une des difficultés majeures. Le sujet ne concerne pas que le bio. Certes, les freins sont importants en conventionnel. « Nous faisons des mélanges blé-pois en bio, mais pas encore en conventionnel, observe Jean-Luc Lespinas, responsable du service agronomie à la Cavac, coopérative vendéenne. Le gros problème, ce sont les pois cassés qui se retrouvent dans les blés. En bio, nous les enlevons avec un trieur optique. C’est très onéreux et assez lent, mais on s’y retrouve. Sauf que c’est quasiment inconcevable en conventionnel. » Il y a également le problème de la protection. « Peu d'herbicides sont sélectifs du pois dans le blé et homologués, rappelle le responsable. Par ailleurs, avoir des graminées en continu dans la rotation ne nous permettrait plus d’éliminer le piétin échaudage, ennemi numéro un du blé chez nous. » Reste que les associations sont tentantes : « Dans notre région, les blés se situent majoritairement autour de 10,5 % de protéines, poursuit Jean-Luc Lespinas. Donc les associations pourraient nous permettre de grignoter 0,4 ou 0,5 point. » Terrena a franchi le pas depuis quelques années. La coopérative propose à ses agriculteurs de produire en association avec du triticale du lupin blanc, culture qu’elle valorise dans sa filiale Lup’ingrédients. « Le triticale est apprécié pour sa capacité à contrôler les adventices et pour sa rusticité : il produit un rendement en grains complémentaire de celui du lupin dans une situation pourtant non optimale pour une céréale », explique Nicolas Carton, dans sa thèse sur l’association lupin-céréales, réalisée à l’université d’Angers. S’il s’agit d’un débouché de niche, le projet est prometteur. Reste à trouver des pistes pour améliorer la gestion de ces mélanges.  

Des travaux sur la mise au point de variétés mieux adaptées

Chercheuse à l’Inra, Nathalie Moutier travaille ainsi depuis un peu plus d’un an sur un projet qui s’intéresse aux caractères susceptibles de faciliter la conduite en association des blés et pois ou féveroles. « Nous cherchons à récolter les deux cultures en quantités non négligeables, sans privilégier l’une sur l’autre, précise-t-elle. Nous voulons produire au moins autant à l’hectare que ce que nous obtiendrions avec des surfaces équivalentes en culture pure de chacune des espèces. » Les expérimentations se déroulent en conditions de faibles intrants, avec très peu d’interventions. Pour chaque espèce, des variétés de précocité et de hauteur différentes ont été sélectionnées. Le pouvoir couvrant, la résistance au froid, le PMG (poids de mille grains) ont également été regardés. « Nous avons mis en place un dispositif avec 53 modalités, dont 40 associations et 13 témoins, et trois répétitions », détaille la chercheuse. « L’idée est de trouver les caractères à sélectionner en association, poursuit la scientifique. À voir ensuite s’ils peuvent être sélectionnés en pur, ou s’il faut dès le départ être en mélange pour les identifier. » L’analyse des résultats de la première campagne est en cours. Les premiers résultats sembleraient plutôt prometteurs. Les exigences liées à la conduite en association pourraient conduire à remettre dans le circuit des variétés moins adaptées à la culture en pur… sous réserve que les critères d’inscription au catalogue variétal français puissent évoluer.

Dans ce projet comme dans d’autres, les tests grandeur nature apparaissent déterminants. Dans sa thèse sur le lupin associé, Nicolas Carton préconise une démarche de conception d’association, qui repose sur l’identification des traits limitants de la culture principale, clé pour choisir la plante compagne adaptée… et sur le test des combinaisons de variétés au champ avant mise en culture. La mise en place d’une association se prépare.

Jouer sur l’architecture du couvert pour décourager les maladies

Autre sujet de réflexion : la réduction des risques de maladies. Chercheur à l’Inra, Alain Baranger travaille sur l’architecture du couvert constitué par les cultures associées conduites à bas intrants. « Notre objectif est notamment d’identifier des associations ayant une architecture qui crée un climat défavorable aux maladies », explique-t-il. Le chercheur regarde en particulier les associations pois d’hiver-blé tendre d’hiver. « Nous avons une entrée variétale, mais nous nous intéressons également à la dose de semis, aux modes de semis (mélanges complets ou lignes alternées) et aux parts relatives des espèces dans le mélange initial, précise le chercheur. Nous testons du 50 %-50 %, mais aussi du 75 %-30 % ou du 100 %-30 % (100% = dose équivalente à une culture en pur), avec l’idée de maximiser la production de protéagineux… En sachant que selon les années, l’équilibre des espèces à l’arrivée est très différent du semis. » Même si les différences observées, fortement fonction du climat, ne sont pas pérennes d’une année à l’autre, « nous voyons apparaître des différences architecturales très nettes, avec des profils de surfaces foliaires très différents ». Reste à consolider ces résultats. « Il y a de manière générale de très nombreuses références sur la façon de réduire les maladies grâce aux associations, mais quand il y a des échecs, les gens ne publient pas forcément, ce qui génère probablement un biais dans les statistiques », souligne-t-il.

Les associations sont également au cœur des réflexions du projet Prograilive, qui vise à identifier les leviers techniques pour sécuriser la production de protéines. « On commence à identifier les associations les moins pénalisantes, qui offrent le meilleur compromis entre le choix de l’espèce et la densité de la culture associée, explique Aline Vandewalle, à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire. Nous sommes partis sur des mélanges additifs, à la fois pour faciliter la gestion du salissement et ne pas pénaliser le rendement. » L’an prochain, la fédération des Cuma de l’Ouest devrait rejoindre le projet pour travailler sur le triage. Le travail à accomplir reste vaste.

Un gain de protéine systématique sur le blé bio

« En bio, l’augmentation de la teneur en protéines du blé est un gain essentiel des associations blé-protéagineux, explique François Boissinot, en charge du bio à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire. C’est un effet systématique. » Dans la synthèse pluriannuelle (2014, 2015 et 2016) des essais conduits par la chambre d'agriculture, c’est le résultat encourageant. En moyenne, la teneur des blés augmente d’un point en association. Or dans un marché déficitaire en blé panifiable, « c’est un point clé pour augmenter les volumes disponibles pour la meunerie », observe le conseiller. En contrepartie, les rendements en blé baissent en moyenne de 10 q/ha par rapport à la culture pure, mais à l’inverse, les rendements du protéagineux progressent de 12 q/ha. « On s’en sort très bien sur cinq ans, estime François Boissinot. Le point en protéines supplémentaire est valorisé économiquement, les résultats sont corrects. » Et ce, même s’il faut compter avec la variabilité et les incertitudes de l’année.

La PAC pas encore prête

Sur le plan réglementaire, les mélanges céréales-protéagineux restent mal pris en compte. Ils ne peuvent pas, par exemple, bénéficier de l’aide aux protéagineux versée dans le cadre de la PAC. Il faut, pour y avoir droit, que le mélange présente au semis une densité de grains par mètre carré supérieure en protéagineux par rapport à la céréale, ce qui n’est pas le cas, compte tenu des tailles de graines.

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