ÉCOPHYTO 2018
La France entre dans le règne des indicateurs d’usage
Nodu, IFT, QSA… Avec la réduction programmée
des pesticides, il va falloir apprendre à jongler avec différents
indicateurs d’usage des produits phytosanitaires. Décryptage.
Le plan Écophyto 2018 fixe un objectif de réduction de 50 % de l’utilisation des produits phytosanitaires d’ici 2018. « C’est un objectif collectif et national, toutes régions et filières confondues, précise Emmanuelle Soubeyran, chef de projet Écophyto au ministère de l’Agriculture. Il ne s’applique pas individuellement à chaque agriculteur mais différents leviers (formation, informations sur les pratiques économes en intrants, épidémiosurveillance, recherches…) accompagneront les producteurs dans leurs efforts de réduction des phytosanitaires. » Le retrait programmé de certaines spécialités et le développement voulu de l’agriculture biologique contribueront également à baisser l’usage des pesticides. Un indicateur de l’utilisation des produits a été inventé pour faire état de l’évolution des pratiques, le Nodu: Nombre de doses unités. À chaque produit de traitement est déterminée une dose unité de substance active pour l’ensemble des cultures où la spécialité est utilisée.
La calcul est complexe mais le Nodu donnera « la meilleure appréciation de l’évolution de l’intensité du recours aux produits phytosanitaires, soutient Emmanuelle Soubeyran. Il sera calculable pour l’ensemble des pesticides utilisés en France — hors traitements de semences et zones non agricoles — mais aussi à l’échelle régionale, ou bien pour une catégorie de produits. Par exemple, on pourra calculer le Nodu des produits les plus préoccupants pour l’environnement et la santé humaine dont nous cherchons à réduire l’usage en priorité. »
SUBSTANCES ACTIVES EN BAISSE
Pourquoi ne pas avoir retenu un indicateur plus simple à calculer comme la quantité de substances actives (QSA)? L’UIPP fait connaître tous les ans les QSA en France avec une baisse continue enregistrée. Cette diminution a été par exemple de 18 % entre 2001 et 2005 alors que dans le même temps le Nodu ne baissait que de 7 % (avec une forte baisse de 2001 à 2003, suivie d’une hausse). « On peut faire artificiellement baisser le QSA en remplaçant des produits à fort grammage de matière active à l’hectare par des spécialités de faible grammage aussi efficaces, sans que cela signifie une diminution de l’intensité de l’usage des phytosanitaires », souligne Emmanuelle Soubeyran.Autrement dit, l’impact d’un produit sur l’environnement ou la santé humaine n’est pas strictement corrélé à la quantité de matière active qu’il contient. « Le Nodu s’affranchit de l’effet grammage pour ne prendre en compte que l’intensité du recours aux produits. »
UNE IFT POUR LES EXPLOITATIONS
Un autre indicateur est apparu dans les campagnes, il s’agit de l’indicateur de fréquence de traitement ou IFT qui fait état des niveaux d’application des phyto. Il est nécessaire de connaître les pratiques précises des agriculteurs (dosages, mélanges, nombre de traitements…) pour établir cet IFT, ce qui a été possible avec les enquêtes pratiques culturales du Scees en 2006 sur le territoire français en viticulture et en grandes cultures(1). Il n’est pas prévu de le calculer tous les ans ni sur l’ensemble des cultures. Cet indicateur est retenu pour rendre compte des pratiques locales à différentes échelles : l’exploitation, le bassin de production… Il est déjà mis en oeuvre dans des mesures agri-environnementales avec des objectifs fixés de réduction des IFT sur cinq ans. Comme le Nodu, cet indicateur pondère les quantités de substances actives utilisées par l’agriculteur.
LE NODU EN BAISSE DE 3 % ENTRE 2008 ET 2009
« Le Nodu semble amorcer une légère baisse. De 67 millions de doses en 2008, il passe à 65 millions en 2009 pour la France métropolitaine », annonce dans un communiqué le ministère de l’Agriculture. La présentation des chiffres a été faite lors du deuxième comité national d’orientation et de suivi du plan Écophyto 2018 le 6 octobre dernier. « Cette évolution reste à confirmer dans les prochaines années, en évolution triennale glissante. » La note du ministère présente également l’évolution de quantité de substance active (QSA) avec une baisse importante de 12 % entre 2008 et 2009. « Cela s’explique par la diminution d’utilisation de produits composés de substances actives très pondéreuses comme le soufre. Ce critère ‘poids’n’influe pas dans l’évolution du Nodu. » Dans le projet Écophyto 2018, la priorité est donnée à la réduction d’utilisations des produits les plus dangereux. Les substances classées CMR(2) 1 ou 2 connaissent une baisse de 82 % entre 2008 et 2009, grâce au retrait notamment de préparations contenant 30 substances actives préoccupantes. En revanche, les substances toxiques classées T ou T + n’ont pas régressé. Et pour cause : 22 substances actives supplémentaires ont été classées toxiques entre 2008 et 2009 alors que dans le même temps, seulement 11 substances actives T ou T + ont été retirées du marché.
La note du ministère dressant le bilan d’Écophyto 2018 sur ses deux premières années de mise en oeuvre fait également le point sur le développement des bulletins de santé du végétal (1500 BSV publiés sur l’ensemble des régions), sur les formations Certiphyto (17000 professionnels formés) et sur le réseau de fermes de références qui se met en place. En dépit de certaines déclarations appelant à lâcher du lest sur les mesures environnementales, Écophyto 2018 avance contre vents et marées.
INDICES DES PRIX ANNUELS DES PRODUITS PHYTOPHARMACEUTIQUES
Des produits toujours plus chers
Après une stagnation en 2006 et 2007, les prix des produits phytosanitaires ont augmenté : + 9 % pour les fongicides entre 2007 et 2009, + 4 % pour les insecticides, + 6 % pour les herbicides et + 5 % pour les traitements de semences. Entre 2008 et 2009, les producteurs de grandes cultures ont subi une hausse des prix des intrants dans un contexte de prix de vente des récoltes à la baisse. Ces difficultés économiques ont contribué au recul des achats de produits phytos sur cette période.
EN PRATIQUE
Calculer son IFT chez soi
L’indicateur de fréquence de traitement (IFT) tient compte du nombre d’applications et de la dose du produit utilisée ramenée en équivalent pleine dose homologuée. On additionne les doses appliquées des différentes spécialités et on les divise par la somme des doses homologuées de ces produits. Une application avec un produit utilisé à demi- dose équivaut à un IFT de 0,5.
Autre exemple : pour un blé sur lequel quatre traitements auraient été effectués à raison de deux produits à pleine dose, d’un produit à 1/2 dose et d’un à 3/4 de dose, l’IFT est de 2+0,5+0,75=3,25. Les IFT sont facilement calculables à la parcelle ou sur l’exploitation à partir des pratiques enregistrées par l’agriculteur.