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Marché du blé tendre : la filière export française en quête de valeur

Les pistes de création de valeur sur le marché intérieur existent, mais pour des volumes limités. La filière export doit donc aussi se retrousser les manches.

Mieux segmenter l'offre, préserver la logistique et jouer collectif : telles sont les ambitions de la filière export. © J.-F. Damois/Haropa
Mieux segmenter l'offre, préserver la logistique et jouer collectif : telles sont les ambitions de la filière export.
© J.-F. Damois/Haropa

Des concurrents internationaux toujours plus offensifs, des cours mondiaux sous pression qui se traduisent sur de longues périodes par des prix peu ou pas rémunérateurs pour les agriculteurs français… Faut-il réduire la dépendance française à l’export et se recentrer sur le marché domestique ? « Je suis très réservé sur cette notion de dépendance, affirme Thierry Pouch, économiste à l’APCA. Il faut plutôt considérer que la France fait partie d’une poignée de pays dans le monde capables d’exporter, face à de très nombreux pays importateurs. La France doit tenir son rang. Et n’oublions pas l’apport des exportations de céréales au solde commercial du pays. »

En outre, affaler les voiles à l’export signifie produire moins de blé ou développer la demande intérieure. Deux options pas si simples à mettre en œuvre. « La sole de blé française n’est pas une vocation, mais une fatalité, estime Bernard Valluis, expert des filières céréalières française et européenne. On voit par exemple à quel point il est compliqué de développer les protéagineux malgré de nombreux plans de relance. En grandes cultures, il est difficile de réduire fortement la part de blé dans les assolements. » Quant à aller chercher la valeur ajoutée sur le marché domestique, des pistes existent : la filière bio offre encore un fort potentiel de développement, et des créneaux comme les blés biscuitiers ou de force sont mieux rémunérés que les blés standard. Il reste aussi à monétiser les efforts environnementaux consentis par les producteurs français, à travers des chartes ou des labels, à commencer par la certification environnementale. « Il existe beaucoup de démarches de la part des coopératives pour développer des filières générant plus de valeur, mais les volumes restent limités », relativise Anne-Laure Paumier, directrice de Coop de France Métiers du grain.

Exporter mieux plutôt qu’exporter moins

Pour beaucoup, la solution n’est donc pas d’exporter moins, mais d’exporter mieux. « Il y a encore du travail à faire sur la qualité, la segmentation et la logistique, estime Jean-François Lepy, chez Soufflet Négoce. Il nous faut notamment une gamme de produits plus diversifiée que celle que nous avons aujourd’hui, afin que la concurrence soit moins frontale sur le marché mondial. » Pour François Gatel, directeur de France Export Céréales, il s'agit également de mieux marketer la production existante, notamment grâce à une segmentation plus visible. « Il nous faut proposer une offre particulière en face de chaque marché, analyse l’expert. Et la première chose à faire est de ne pas lâcher les efforts accomplis sur la protéine. Il ne faudrait surtout pas repartir sur une tendance à la baisse. »

La question de la logistique est également au cœur des préoccupations de la filière. « Ne désarmons pas sur la logistique, qui est aujourd’hui un atout pour la compétitivité française, mais qui s’est plutôt dégradée ces dernières années, avertit Anne-Laure Paumier. C’est une vraie préoccupation. » Disponibilité insuffisante de barges et de camions, infrastructures vieillissantes… certains voyants passent à l’orange et dégradent la compétitivité française vers l’Italie ou vers l’Espagne. Quant à la remise en état des voies capillaires du réseau ferré, le coût est bien souvent supporté par l’opérateur non par l’État, ce qui accroît les charges.

La coopération veut jouer plus collectif

Le secteur coopératif veut également sortir de la concurrence interne pour gagner en efficacité. Autrement dit, chasser groupé plutôt que de se tirer dans les pattes. C’est l’une des motivations de la création de Grains Overseas, plateforme commune créée par In Vivo et les coopératives Axéréal et Natup pour regrouper des volumes à l’export. « Le but est de mettre en place une pompe à l’exportation pour commercialiser la marchandise française, linéariser les flux et limiter les à-coups, précise Antoine Grasser, chez Natup. La force de la mutualisation est d’éviter que chacun arrive au même moment sur le marché, car la rétention n’est jamais bonne. Il s’agit également de raccourcir le schéma logistique en rapprochant l’offre française et les acheteurs finaux, afin de bien analyser leurs besoins. » Si cette nouvelle organisation doit encore faire ses preuves, l’initiative est largement saluée. Elle n'est toutefois pas sans rappeler d'autres tentatives qui n'avaient pas vraiment été couronnées de succès. Mais, cette fois-ci, il y a urgence.

Thierry Pouch, chef du service Économie de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture

« Il faut corriger les prix de marché par exemple par des aides contracycliques »

« L’Argentine, le Brésil, la Chine, les USA : toutes ces grandes puissances agricoles ont des prix de marché, mais avec des paiements contracycliques intervenant d’une façon ou d’une autre. Aux États-Unis, par exemple, les producteurs peuvent recevoir 202 dollars/tonne en cumulant le prix perçu et l’aide contracyclique. La Russie peut utiliser le rouble pour doper sa compétitivité, chose impossible avec l’euro. C’est une chose de dire qu’il y a un prix de marché, mais l’Union européenne est la seule grande puissance agricole à avoir abaissé ses soutiens au monde agricole. Certes, on peut sûrement baisser les coûts de production en France, mais jusqu’où ? Il y aura toujours un concurrent sur la planète qui fera mieux. Faut-il tabler uniquement sur la baisse des charges, ou intégrer la prise en compte de l’environnement, des contraintes imposées à la production par les administrations ? Les prix doivent être corrigés par des outils contracycliques, et nous avons besoin pour cela de décisions politiques, d’autant que l’on est peut-être face à un cycle baissier plus durable que prévu. Il est urgent de faire un bilan des réformes successives de la PAC et de réexaminer la situation. »

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