Irrigation : un décret pour sécuriser juridiquement les créations de retenues
La remis en cause des créations de retenues d’eau est source d’incertitude pour les irrigants. L’autorisation délivrée par les pouvoirs publics ne garantit en rien que le projet ira à son terme. Ces derniers mois en ont apporté la preuve. Le 4 février 2021, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l’autorisation de construire 21 réserves de substitution dans le bassin de la Boutonne, entre les Deux-Sèvres et la Charente-Maritime. De même, des arrêtés d’autorisation unique pluriannuelle (AUP) de prélèvement d’eau pour l’irrigation ont été annulés par des tribunaux dans plusieurs secteurs suite à des recours portés par des associations.
« Cette grande insécurité juridique est mal vécue par les irrigants, et ces annulations surviennent après des démarches longues et coûteuses », affirme Sabine Battegay, animatrice chez Irrigants de France. Les autorisations sont généralement attaquées sur deux fronts : la définition du volume prélevable, et l’exhaustivité de l’étude d’impact. Selon Luc Servant, vice-président de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, cette situation découle de textes encadrant la gestion de l’eau « incomplets par rapport aux politiques mises en place sur le terrain ». D’où des décisions laissées à l’interprétation des juges.
Pour mettre fin à cette fragilité juridique, des amendements ont été introduits dans le projet de loi de simplification administrative, dite ASAP. Outre la définition du volume prélevable, ces textes attribuaient aux cours d’appel, et non aux tribunaux administratifs, la compétence de juger les recours. Une façon d’alourdir la procédure pour les plaignants.
Ces amendements ont été retoqués par le Conseil constitutionnel. Exit donc l’encadrement des recours. En revanche, la définition des volumes prélevables a été introduite dans un décret relatif à la gestion quantitative de la ressource en eau, soumis à consultation en janvier. Ce décret, salué comme une « vraie avancée » par Irrigants de France, précise également le contenu des études d’impact.
De quoi lever les incertitudes ? « Les bouleversements vont devenir de plus en plus fréquents, notamment avec le changement du climat et de l’usage des terres, met en garde Gabrielle Bouleau, chercheuse à Inrae. L’incertitude sera la règle plus que l’exception, et l’aspect juridique n’en sera qu’un petit aspect. Il faudra apprendre à choisir des options sans caractère définitif, qui pourront être transformées et ajustées au fil du temps. »