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Grandes cultures et biogaz sont compatibles

Bien connue en élevage, la méthanisation ne semble pas à la portée des céréaliers… Pourtant, ils ont différentes possibilités pour s’investir dans un projet.

Alors que les politiques annoncent une certaine transition énergétique, l’agriculture se saisit de l’opportunité et veut en être actrice. Après l’éolien et le photovoltaïque, la France a mis du temps à lancer la dynamique mais la méthanisation se développe de manière importante. Sur les 389 unités de méthanisation recensées fin 2013, 140 sont agricoles (dont 50 mises en service en 2013) et 18 territoriales (alliance de collectivités, industriels, agriculteurs). Les autres valorisent du biogaz de décharges, des boues de stations d’épuration ou des déchets d’industrie.
Les éleveurs et polyculteurs éleveurs se sont naturellement intéressés à la méthanisation car leurs effluents d’élevage constituent de fait une base de gisement pour alimenter une unité. Pour les agriculteurs installés en grandes cultures, cela semble moins évident. Les intérêts sont néanmoins multiples. Ils sont agronomiques, économiques, environnementaux et parfois même sociaux. En grandes cultures, les exploitations ne disposent pas d’effluents d’élevage, effluents qui contiennent des bactéries méthanogènes en nombre mais qui ne sont pas forcément les matières au meilleur pouvoir méthanogène. Cet indicateur mesure le volume de biogaz produit par tonne de matière brute. Les déchets de cultures — paille, menues-pailles, cultures intermédiaires ensilées, poussières de silos —, ont généralement un taux de matière sèche plus élevé et un bien meilleur potentiel méthanogène. Cela induit la possibilité de produire une puissance supérieure à taille d’installations équivalentes.

Des projets à la carte adaptés au contexte et au potentiels locaux


Les choix de développement dépendent évidemment beaucoup des objectifs du porteur de projet. La méthanisation peut tantôt être une réponse à des objectifs agronomiques, pour améliorer le taux de matière organique dans le sol notamment, tantôt être une façon de gérer différemment sa fertilisation, ou encore être une voie de diversification des activités et une source de revenus complémentaires, même si cela ne doit pas être la seule motivation… L’engagement des céréaliers dans la méthanisation peut prendre plusieurs formes. Il peut être « total » : l’agriculteur gère son projet en autonomie ou en commun, mais s’y implique financièrement comme en apportant ses matières organiques végétales. Il récupérera donc du digestat qui pourra venir en substitution, au moins partielle, de ses engrais minéraux. Cet engagement peut également être un simple échange de matière organique contre du digestat. Enfin, c’est plus rare, le céréalier peut procéder à un apport financier et ainsi simplement détenir des parts de capital de l’unité de méthanisation.
« En méthanisation, on constate qu’il n’existe pas deux projets ou deux unités identiques. Chaque unité est adaptée au contexte et aux potentiels locaux de gisement, explique Charles Maguin, chargé de mission agriculture et énergie renouvelable chez Trame. Les unités exploitées à 100 % par des céréaliers restent encore assez rares aujourd’hui, mais on sent que ça démarre. Par exemple, un groupe d’agriculteurs de l’est parisien s’est constitué pour développer chacun leur projet individuel mais réfléchir ensemble et optimiser leur investissement. » Le plus souvent, on observe un rapprochement d’éleveurs et de céréaliers pour monter un projet collectif. Ce schéma montre une complémentarité intéressante et apporte une certaine souplesse : si les déchets extérieurs venaient ponctuellement à manquer, ils pourraient être remplacés par un apport d’ensilage de cultures intermédiaires afin d’alimenter le digesteur.
Mais en France, l’utilisation des végétaux en méthanisation est décriée. L’expérience allemande en la matière a effrayé l’opinion publique hexagonale.



L’utilisation des végétaux est largement décriée en France


Il est vrai qu’outre Rhin près de 7 % de la SAU est utilisé pour alimenter les digesteurs, mais il faut avoir en tête que les méthaniseurs remplacent quatre centrales nucléaires et alimentent en électricité 17 % des ménages. En France, on se retrouve aujourd’hui avec une politique de soutien de la filière dans l’excès inverse de celle de l’Allemagne. La plus grande méfiance est exercée envers les agriculteurs qui souhaitent alimenter leurs digesteurs avec des cultures, même intermédiaires. Et ils se voient ainsi privés de quasiment tout soutien.
Le projet de loi de transition énergétique prévoit de financer 1 500 méthaniseurs. L’AGPB et l’AGPM ont rappelé en juin dernier les vertus des intrants agricoles végétaux en termes de production d’énergie et indiquaient que les céréaliers entendaient bien répondre présents. Car si l’utilisation de cultures n’est pas vue d’un très bon œil, elle n’est pas prohibée et se développe. Mais pour Charles Maguin, « il est difficile de monter un projet basé sur les cultures intermédiaires, tant leur développement dépend des conditions pédoclimatiques. Mais jusqu’à 20 % du gisement, nous considérons que ce n’est pas aberrant. En outre, il faut les fertiliser pour que leur utilisation soit rentable ». Heureusement, la récupération des menues-pailles, voire des cannes de maïs est, quant à elle, plutôt encouragée et très méthanogène. L’Ademe ne soutient que les projets de méthanisation dont le biogaz est issu à au moins 75 % d’effluents d’élevage, de déchets de grande distribution, d’industries agroalimentaires et d’issues de cultures (hors cultures intermédiaires).
En mai dernier l’ATEE Club biogaz, interprofession de la filière méthanisation, a publié son livre blanc du biogaz détaillant cinquante propositions pour orienter la loi de transition énergétique.

 

Voir aussi article Biogaz : les céréaliers s'y mettent.

La valorisation du biogaz

 

La fermentation de matières organiques en milieu anaérobie conduit à la production
de biogaz. Ce biogaz, composé en moyenne de 60 % de méthane (CH4) et de 40 %
de dioxyde de carbone (CO2), connaît plusieurs possibilités de valorisation.


. La cogénération, valorisation historique et la plus répandue, consiste à alimenter un moteur (cogénérateur) avec le biogaz pour en retirer de l’électricité et de la chaleur (récupérée à l’échappement et au refroidissement). L’électricité produite alimente
le réseau électrique et la chaleur répond à des besoins thermiques de proximité comme le chauffage d’équipements publics, habitations, équipements de séchage…


. L’injection de biométhane dans le réseau de gaz de ville est autorisée depuis 2011. Cette valorisation nécessite l’épuration du biogaz, ou purification, pour en faire du biométhane aux caractéristiques similaires à celles du gaz naturel. Tout comme il est possible de produire du gaz naturel véhicule (GNV) avec du gaz naturel, on peut produire du bioGNV avec du biométhane.
Si la valorisation de la chaleur est difficile à trouver en cogénération, une possibilité existe d’installer une microturbine ORC (cycle de Rankine organique) convertissant la chaleur en électricité et qui permet un gain de 7 % supplémentaires sur le rendement électrique global.

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