Dans la Sarthe
Françis Belluau, novateur en productions de semences fourragères
Agriculteur et entrepreneur agricole, Francis Belluau s’est donné comme objectif de faciliter la récolte des graminées fourragères porte-graines cultivées dans la Sarthe. Pari gagné.
Francis Belluau est un passionné… de graminées fourragères pour la production de semences. Et il ne fait pas les choses à moitié : près du quart des 350 hectares qu’il exploite avec son épouse Marie-Odette et son fils François est couvert de fétuque élevée et de dactyle destinés à la production de semences. « Pourtant, ce sont des productions à haut risque », avoue-t-il. Et c’est bien cela qui le motive. En 2007, il a bien manqué prendre un bouillon, à cause des pluies incessantes au moment de la récolte.Mais cela a été loin de le démotiver. Au contraire. « Le point noir de cette production, c’est la récolte car les graminées fourragères sont extrêmement sensibles au vent et à l’égrenage. Pour l’éviter, il faut alors récolter à 35-40 % d’humidité, mais les coûts de séchage sont très élevés, explique-t-il. En 2007, les conditions étaient exécrables. Une solution pour sauver la récolte était d’andainer les graminées. C’est ce que nous avons fait après avoir réussi à trouver une ancienne andaineuse. »
UNE ANDAINEUSE AUTOMOTRICE ANGLAISE
Il faut dire que Francis Belluau est à la tête d’une entreprise de travaux agricoles qui oeuvre sur les communes correspondant au secteur de production des graminées. Il travaille en étroite collaboration avec les établissements Benoist Sem, filiale de la coopérative Union Set dont l’activité couvre la Sarthe, l’Indre-et-Loire et l’Orne. Benoist Sem produit 52000 quintaux de semences fourragères. « Grâce à l’andainage en 2007, j’ai pu sauver ma récolte alors que, malheureusement, de nombreux voisins n’ont jamais pu récolter. Avec Michel Houdmon des établissements Benoist Sem, nous avons été convaincus que c’était cela la solution. » Ni une, ni deux : le voilà en quête d’une andaineuse automotrice comme on en utilise dans les pays au climat capricieux en été tels que le Danemark, la Grande-Bretagne, le Canada ou l’Orégon aux États-Unis. « Je l’ai achetée sur internet en Angleterre. Je suis allé la chercher au port de Dieppe. Elle est quasiment neuve.
C’est vraiment une bonne occasion », se réjouit-il.Grâce à la collaboration étroite avec l’établissement semencier, la rentabilité de cet investissement était assurée. « J’ai andainé 250 hectares cet été. Benoist Sem organise le chantier mais l’andainage reste à la charge de l’agriculteur. »
UNE SOUPLESSE DE RÉCOLTE SUR SIX JOURS Cette technique apporte une réelle souplesse de récolte. « La parcelle est andainée puis, six jours plus tard, on passe la moissonneuse-batteuse équipée d’un pick-up. S’il pleut alors que les graminées sont en andain, ce n’est pas un problème car elles sèchent vite. Et si la pluie se prolonge, la situation est toujours meilleure que si la récolte était sur pied. » La qualité des graines est améliorée. « Il faut andainer à 40-50 % d’humidité. S’il fait chaud le jour, nous andainons la nuit toujours dans le but d’éviter l’égrenage. » Francis Belluau et Michel Houdmon en sont persuadés : s’ils n’avaient pas mis au point cette stratégie en 2008, de nombreux agriculteurs du secteur auraient abandonné la production de semences fourragères alors qu’ils sont aujourd’hui à nouveau demandeurs. Le souvenir douloureux de l’année 2007, ajouté à la hausse des prix de vente du blé, bien plus facile à produire, décourage les producteurs. « Pourtant, avec nos sols argileux, nous sommes bien placés pour ce type de cultures », souligne l’agriculteur passionné.
L’EFFET PRAIRIE D’AUTREFOIS
Le premier intérêt que met en avant Francis Belluau est agronomique. « Le dactyle est implanté pour deux ou trois ans, la fétuque reste en place trois ou quatre ans. Ces graminées permettent de retrouver l’effet prairie d’autrefois. Le sol se restructure grâce à leur chevelu racinaire et il est enrichi en matière organique. » Cet effet agronomique permet un gain de rendement pour toutes les autres cultures de l’exploitation. Selon lui, cela ne complique pas la conduite globale de l’exploitation. « Le problème était à la récolte mais nous avons trouvé la solution », analyse-t-il. L’implantation des graminées fourragères est cependant tout aussi technique que la récolte. « Elles sont semées en même temps que le blé, explique-t-il.On combine deux semoirs en un seul passage. Il faut adapter le désherbage du blé car la gamme d’herbicides utilisables est plus restreinte. »
UN COÛT D’INTRANTS TRÈS MODESTE
Les fourragères lèvent mais restent à l’état végétatif pendant le cycle du blé. Lorsque ce dernier est récolté, les plantes fourragères se développent grâce à la lumière. Par la suite, les interventions sont minimes. « J’épands des fientes de poules en octobre et je fais un désherbage, précise-t-il. Comme la fétuque et le dactyle sont des plantes allogames, je prévois un régulateur de sorte que la floraison se passe dans de bonnes conditions avec des plantes debout. » Ainsi, le coût des intrants est modeste. « Autre avantage, cela permet de mieux amortir les installations d’irrigation. » Cela n’a évidemment pas été le cas cette année !
CHOIX D’ASSOLEMENT
Une marge intéressante
« Même en 2007, les graminées portegraines m’ont permis de dégager un meilleur résultat que le maïs, souligne Francis Belluau. Le gros avantage est le faible niveau de charges. » Pourtant, les agriculteurs sont de moins en moins motivés pour produire ce type de cultures installées sur un marché de niche. Sur les 22000 hectares de graminées fourragères produites en France, 4000 sont pour les établissements Benoist Sem localisés dans la Sarthe, Orne et Loir-et-Cher. Pour motiver les agriculteurs, ils ont dû revoir leurs prix d’achat des semences à la hausse. « Ceux-ci ont été multipliés par deux en deux ans, souligne Michel Houdmon, de Benoist Sem. Les prix sont négociés pour l’ensemble des producteurs selon le potentiel de rendement de l’espèce cultivée, avec un ajustement à la variété. Ils varient de 144 à 200 euros par quintal. »