Foncier : sécuriser la transmission de ses baux dans le cadre familial
Lors de la cession d’une exploitation, le foncier loué doit faire l’objet d’une attention particulière car le cédant n’en a pas totalement la maîtrise. Se rapprocher de son propriétaire pour connaître ses intentions reste le meilleur moyen d’anticiper et d’adapter sa stratégie.
Lors de la cession d’une exploitation, le foncier loué doit faire l’objet d’une attention particulière car le cédant n’en a pas totalement la maîtrise. Se rapprocher de son propriétaire pour connaître ses intentions reste le meilleur moyen d’anticiper et d’adapter sa stratégie.
Quand arrive l’heure de la transmission de son exploitation, la gestion du foncier loué constitue une des pièces maîtresses de la réflexion, en particulier pour les fermes de grandes cultures. D’après le recensement agricole de 2020, 51 % des terres cultivées sont en faire valoir indirect (cela peut aller jusqu’à 80 % dans le Nord de la France). L’agriculteur n’est donc pas totalement maître de son destin en matière de foncier qui constitue pourtant le socle essentiel à la pérennité économique de l’exploitation. Pour le cédant, il convient d’abord de faire le point sur sa situation foncière entre la part louée et la part dont il est propriétaire. Lors de la transmission de l’exploitation, ils ne seront pas abordés de la même manière.
« En tant que cédant, il faut s’interroger sur la partie du foncier que l’on envisage de céder », estime Marie-Annick Naudin, chef du service juridique territoires à la chambre d’agriculture de l’Allier. Est-ce qu’on ne transmet par exemple que le foncier que l’on maîtrise, soit en propriété, soit sur lequel on s’est mis d’accord avec son propriétaire ? Le repreneur doit, lui, faire le point sur le foncier dont il a véritablement besoin pour assurer la viabilité de son projet.
Pour ce qui est des terres louées, la problématique diffère selon que l’on a un repreneur familial ou pas. « La mise à disposition du foncier est contrainte car elle est encadrée par les règles du statut du fermage », rappelle Marie-Annick Naudin.
La transmission du bail facilitée dans le cadre familial
Le statut du fermage a vu le jour au lendemain de la seconde guerre mondiale pour favoriser le développement de fermes familiales et transmissibles. C’est pourquoi il facilite tout particulièrement la transmission du bail dans ce cadre. « Le bail rural peut être cédé au conjoint ou aux descendants, enfants et petits-enfants », précise Marie-Annick Naudin. Les cessions à un autre membre de la famille (neveu, gendre…) n’entrent pas dans ce cadre.
Bien que le Code rural autorise la cession du bail dans le cadre familial, un certain formalisme est à respecter. Il faut d’abord prévenir son propriétaire qui doit donner son accord. « Dans le cas d’une cession familiale, l’enjeu est de respecter les conditions prévues par le statut du fermage, ce n’est pas parce que c’est autorisé que l’on fait ce qu’on veut », avance Cyril Dannoux, conseiller en gestion de patrimoine chez Cerfrance BFC (Bourgogne-Franche-Comté).
Se rapprocher de son bailleur
Il faut donc se rapprocher de son propriétaire, même si l’on cède le bail à son enfant. « Dans la plupart des cas, cela ne pose pas de problème, constate Cyril Dannoux. Si toutefois le bailleur refuse, il peut y avoir un recours devant le tribunal paritaire des baux ruraux (TPBR). Si une telle situation se présente, il est préférable d’être accompagné d’un avocat. » Pour prendre sa décision, le tribunal appréciera la situation au cas par cas (diligences des parties, respect du paiement de fermage, conditions remplies par le cessionnaire…).
Autre cas de figure à avoir en tête : la possibilité pour le propriétaire des terres de les reprendre pour les exploiter à son profit. « Quoi qu’il en soit, les propriétaires méritent d’être vus pour connaître leurs intentions et parler des projets de la ferme », insiste Marie-Annick Naudin.
En savoir plus | Fermage : le bail rural cessible, un outil pour sécuriser la transmission du foncier
Dans certains cas, cela peut avoir un intérêt pour le repreneur familial de signer un nouveau bail, comme un bail rural à long terme si ce n’était pas le cas jusqu’ici. « Cela peut entraîner une hausse du montant du fermage mais, en contrepartie, on sécurise le repreneur avec une visibilité sur une bonne partie de la carrière », précise Hervé Paris, expert transmission au Crédit agricole Champagne-Bourgogne.
S’il y a plusieurs descendants repreneurs, le partage du foncier loué doit se faire dans l’équité pour anticiper les mésententes. « Il faut imaginer des schémas sur-mesure où les enfants peuvent travailler ensemble mais avec des droits personnels sur le foncier loué, c’est plus sécurisant », estime Cyril Dannoux.
La transmission concerne aussi les propriétaires fonciers
D’après une enquête menée par l’association Terre de liens et restituée dans son rapport La propriété des terres agricoles en France, à qui profiter la terre, 85 % de la SAU française, soit 22 millions d’hectares, sont la propriété privée de près de 4,2 millions d’individus. Ces propriétaires détiennent en moyenne des parcelles de cinq hectares. La taille moyenne des fermes d’après le recensement agricole de 2020 est de 69 hectares. Ainsi, un agriculteur qui travaille des terres en location, loue des terres à 14 propriétaires différents en moyenne. Les propriétaires sont dans l’ensemble plutôt âgés : la moitié de la SAU française est détenue par des personnes qui ont plus de 65 ans. Ce sont donc 13 millions d’hectares qui pourraient changer de propriétaire dans les dix prochaines années, par héritage, donation ou vente.