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Du pâturage à l’interculture pour désherber à moindre coût

Chaque automne, Dominique Gaborieau, céréalier dans la Vienne, laisse pâturer les brebis de Didier Chambon, éleveur voisin, dans ses parcelles en cultures intermédiaires. Une occasion de valoriser ses couverts mais aussi de nettoyer ses parcelles.

Début octobre, les parcelles de Dominique Gaborieau, céréalier dans la Vienne, voient arriver de nouveaux colonisateurs : des brebis. Cela fait maintenant une dizaine d’années que ce cultivateur met à disposition des éleveurs de la région ses parcelles en cultures intermédiaires. « C’est frustrant de détruire ses couverts en sachant que certains éleveurs peuvent en avoir l’utilité, admet Dominique Gaborieau. Autant valoriser cette nourriture potentielle. » C’est le cas avec l’élevage de Didier Chambon. Chaque année, exception faite de 2016 où la sécheresse avait empêché le semis, quelque 400 brebis viennent brouter 30 hectares de cultures intermédiaires. « Je finance les semences du couvert végétal, explique Didier Chambon. Cela me coûte environ 1 300 euros chaque année. » Les deux confrères choisissent ensemble le mélange. Pour l’éleveur, l’important est d’avoir des raves à hauteur de 1 kg/ha car ces racines nourrissent les brebis. Pour le reste, c’est au céréalier de compléter avec du trèfle d’Alexandrie, de la vesce et de l’avoine, par exemple. Après la moisson, lors de la deuxième quinzaine de juillet, Dominique Gaborieau sème ce mélange en semis direct à la densité de 25 kg/ha. Une fois levé, le couvert est quadrillé d’une clôture électrique que l’éleveur pose. La parcelle est gérée en paddock afin de n’avoir aucune perte. « La pose de clôture demande du temps, ce n’est pas négligeable », fait remarquer Didier Chambon. Une fois les premières gelées arrivées, le troupeau rentre à la bergerie pour passer le reste de l’hiver au chaud. « Selon les années, nos bêtes restent plus ou moins longtemps sur les parcelles, les plantes étant gélives », ajoute-t-il.

Des sols plein de vie

Éleveur comme céréalier, les deux agriculteurs trouvent de nombreux avantages à leur relation. « Quand je vois mes bêtes pâturer et qu’elles sont bien, je suis heureux, confie Didier Chambon. En plein air, les brebis sont en meilleure santé. Le cycle du parasitisme est interrompu et ce sont des traitements en moins à effectuer. » Avec des raves et du fourrage frais, l’éleveur sait que ses brebis sont bien nourries et que les oligoéléments dont elles ont besoin sont présents dans les plantes. Autre point non négligeable selon l’éleveur, l’isolement de son troupeau. « Autour de l’exploitation, il n’y a pas d’autres brebis, fait-il remarquer. Les brebis ne risquent pas de se mélanger à un autre troupeau si elles s’échappent. Elles n’attrapent pas non plus d’autres maladies." Le pâturage permet à l’éleveur de limiter ses stocks de fourrage qui lui coûtent assez cher. Pour Dominique Gaborieau, « il y a tout à gagner à faire pâturer ses animaux sur des parcelles en interculture. Le pâturage stimule le développement des micro-organismes dans le sol. Selon l’espèce implantée, la plante apporte du phosphore, capte l’azote de l’air ou structure le sol. Plus il y a d’espèces, mieux je me porte. Mes parcelles sont aussi plus propres car les brebis mangent les adventices. » Outre ces bienfaits, pour le céréalier, le pâturage permet de brûler les étapes de la minéralisation en apportant selon les années directement sous forme de déjections 4 à 5 tonnes de matières sèches par hectare.

Déranger le moins possible

Sans contrat écrit, les deux agriculteurs réalisent ce partenariat de façon informelle. « C’est une relation de confiance », préviennent-ils. Didier Chambon veille, par exemple, à ne pas ramener de foin sur les parcelles pour éviter de semer de mauvaises graines dans la prairie. De son côté, Dominique Gaborieau essaie de densifier son semis de cultures intermédiaires et l’implante suffisamment tôt afin que l’éleveur profite le plus rapidement possible de ses parcelles. « Je fais attention également à ce que mes brebis ne s’échappent pas, il ne faut pas que je gêne, estime l’éleveur. Dans ce type de partenariat, il est important d’anticiper ce dont l’autre a envie. » La distance entre les deux exploitations, d’une dizaine de kilomètres, reste tout de même un frein. « Je dois venir voir mes brebis tous les jours pour vérifier que tout va bien. C’est l’occasion d’écouter la radio », ajoute l’éleveur d’un air malicieux. Didier Chambon amène ses brebis par lot en début de saison en bétaillère et les ramène toutes à pied. « C’est une sacrée transhumance. Les brebis que j’amène ici restent donc pour un temps certain, explique-t-il. Ici, c’est la sécurité. Je sais que je peux m’approvisionner chaque année. » D’ailleurs, l’éleveur parcourt la région à la recherche de ce type d’interaction. « Dès que je vois des parcelles de céréales, je cherche l’agriculteur pour lui demander d’établir ce type de partenariat, explique-t-il. J’ai toujours fait ça, et je n’ai jamais eu de refus. »

En chiffres : 900 brebis à nourrir et 100 hectares de cultures intermédiaires
Didier Chambon est installé avec sa femme et sa fille à Charroux
119 ha dont 10 de maïs, 10 de céréales et 99 ha en prairie
900 à 950 brebis élevées chaque année
Dominique Gaborieau est installé à Genouillé
350 ha cultivés dont 60 de maïs, 30 de soja, 40 de tournesol, 20 de pois de printemps protéagineux, 25 de féverole, 20 de blé dur, 50 de blé tendre, 75 d’un mélange de colza, féverole et lentille. 30 ha cultivés en prairies temporaires de légumineuses.
Une centaine d’ha sous couverts végétaux pendant l’hiver
 
« La distance entre les exploitations demeure le principal frein »
Olivier Pagnot est chargé de mission économique à la chambre d’agriculture de la Vienne.
" Dans la Vienne, nous comptabilisons environ 1000 exploitations de polyculture élevage, 1800 spécialisées en céréales et 600 orientées vers l’élevage. Or très peu d’exploitations interagissent entre elles. Il y a un très grand clivage entre céréalier et éleveur, causé par des barrières psychologiques. Complexe d’infériorité, manque de moyens financiers et de temps peuvent conduire à un cloisonnement entre les ateliers de production. Même si des échanges sont parfois revendiqués d’un côté ou de l’autre, la distance entre les exploitations demeure le principal frein. La chambre régionale d'agriculture Centre-Val-de-Loire a donc créé des outils d’évaluation afin de chiffrer ces échanges dans le but de les multiplier. Tous les paramètres sont pris en compte, aussi bien au niveau économique, juridique, environnemental, qu’au niveau de la main-d’œuvre ou de l’agronomie. "

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