Aller au contenu principal

Alexis Leduc, SCEA des Longues Pierres à Haussy dans le Nord
Du compost à sa porte pour enrichir ses sols

Les composts fabriqués à partir des déchets organiques des villes et des industries constituent une ressource mise à profit pour améliorer les sols. Exemple à travers des composts commercialisés dans le Nord-Pas-de-Calais, des villes aux champs.

Un gisement de matière organique (MO) au pied de la porte : ce serait dommage de s‘en priver. Les stations de compostage transformant les divers déchets organiques des communes et des industries se comptent par centaines en France. Le Centre de valorisation organique de Naves, dans le département du Nord, est l’une d’elles. « Nous réceptionnons plus de 20 000 tonnes de déchets verts et d’industries alimentaires ainsi que des boues urbaines et d’industrie chaque année sur un rayon d’une cinquantaine de kilomètres autour de notre site. Nous en tirons parti pour produire du compost à épandre dont une partie, 5000 tonnes par an, est du compost normé utilisable hors plan d’épandage sur les parcelles agricoles », présente Thomas Khebian, spécialiste recyclage et valorisation chez Suez Organique, filiale du groupe Suez. 3000 à 4000 tonnes restent dévolues aux plans d’épandage.

Pour 6 à 12 euros la tonne départ site, ces composts sont commercialisés en vrac auprès des agriculteurs, par Suez Organique ou par la coopérative Unéal. Leur intérêt réside dans l’amendement organique des sols pour en améliorer la structure et la texture, en maintenant ou en remontant le taux de MO. Or, le Nord-Pas-de-Calais est une grande région de production de betteraves, de pommes de terre et de légumes qui sont des cultures fortement exportatrices d’organes végétaux à la récolte, avec pour conséquences des baisses de MO et des bilans humiques préoccupants. En restituant de l’humus au sol, l’utilisation des composts contribue à améliorer la situation. « Cette ressource n’est pas majoritaire dans le gisement de MO puisque les effluents d’élevage (fumiers, lisiers…) en constituent la grande part avec un épandage sur 23 % environ de la SAU du Nord-Pas-de-Calais quand les composts ne sont utilisés que sur 1,5 % de la SAU, soit 15 000 hectares », expose Claire Bodèle, Satège(1). Mais à distance des secteurs d’élevage et près des centres urbains, la proportion de terres agricoles recevant du compost peut être nettement plus élevée.

Un épandage avant une tête de rotation

Technico-commercial chez Unéal, Guillaume Robert conseille « un épandage à 10-15 tonnes/hectare avant une tête de rotation (betterave, pomme de terre, maïs, colza) à l’automne pour profiter d’une bonne portance des terres. La MO apportée stimulera la vie du sol et améliorera l’assimilation des éléments fertilisants, poursuit-il. Notre outil Epiclès permet de calculer le besoin de MO, d’éléments fertilisants et d’amendement calcaire à la parcelle. Or, dans notre région, nous sommes sur des assolements avec de plus en plus de cultures industrielles fortement exportatrices. Dans la Somme au Sud de Péronne, beaucoup de terre n’ont pas reçu d’apports de matière organique sur la durée d’une génération, ajoute le spécialiste. On y trouve des taux de MO à 1,4-1,5 % produisant des terres de plus en plus battantes et difficiles à travailler. Nous ne voulons pas arriver à cette situation dans le Nord où nombre des terres sont encore à plus d’1,8 % de MO et il est important de maintenir ce taux par des apports. » Unéal commercialise un compost vert aux alentours de 9 euros la tonne, départ site.

Outre la matière organique, Claire Bodèle souligne la présence d’éléments fertilisants, à bien prendre en compte : « Pour des apports à 10 tonnes/hectare et des coefficients de disponibilité élevés pour le phosphore et la potasse, les quantités apportées à l’hectare ne seront pas négligeables même si leur présence est de l’ordre du pourcent. » Les produits sont également caractérisés par leur ratio carbone sur azote total (C/N), indicateur de la dynamique de décomposition de la matière organique, et l’ISB (indice de stabilité biologique) ou l’Ismo, indice de stabilité de la matière organique. Plus ce dernier est proche de 100 %, plus la décomposition de la MO est faible ou lente. Les produits tels les composts à Ismo et C/N élevés ont un effet sur le taux d’humus du sol, en l’augmentant lentement mais sûrement.

Analyses plusieurs fois par an sur des paramètres d’innocuité

Les composts présentent des qualités agronomiques indéniables. Mais ceux produits avec des boues urbaines ou industrielles peuvent souffrir d’une image de produit à risque contenant des métaux lourds, des PCB, des agents pathogènes, des plastiques… « Ce type de compost est effectivement proscrit dans la plupart des cahiers des charges de productions de légumes et pommes de terre. C’est injuste, notamment pour les produits commercialisés sous la norme NFU 44095 car on se conforme à des seuils éliminant tout risque sanitaire ou de pollution », estime Yann Petit, responsable commercial Ouest et Nord de Suez Organique. « Tous ces paramètres d’innocuité ainsi que les caractéristiques agronomiques font l’objet d’analyses, parfois plusieurs fois par an, sur les lots de compost en voie d’être commercialisés pour bien en vérifier la conformité, ajoute Thomas Khebian. Les services de contrôle de la DDPP (Direction départementale de la protection des populations, ex-DGCCRF) interviennent régulièrement pour contrôler le respect des normes. » De son côté, le Satège passe une fois par an dans chaque plateforme de compostage en faisant ses propres prélèvements de produits et analyses. « Nous intervenons pour conseiller les organismes producteurs pour atteindre la qualité demandée sur des produits compostés mais nous ne verbalisons pas. Ce n’est pas notre rôle », précise Claire Bodèle. La qualité des composts est surveillée de près.

(1) Service d’assistance technique à la gestion des épandages, financé à 75 % par l’agence de l’eau Artois Picardie et 25 % par les chambres d’agriculture.

Augmenter le taux de matière organique avant tout

"Depuis six ou sept ans, à raison de 700 à 800 tonnes par an, j’utilise du compost que je vais retirer à la plateforme de Naves située à 17 kilomètres. L’apport est de 10 t/ha voire 15 t/ha sur les terres pour lesquelles il est nécessaire de faire remonter le taux de matière organique. Or, après un remembrement, j’ai récupéré des parcelles où ce taux est trop bas, approchant 1,5 % d’après une analyse que j’ai faite faire. La majorité de mes terres sont des limons argileux battants. Avec ces composts, le but recherché est clairement l’apport de matière organique. Je tiens peu compte des éléments fertilisants apportés. Je prends un soin particulier à mes sols : c’est notre outil de travail. Je ne les laboure pas, j’interdis toute entrée d’engin trop lourd de façon à ne pas les tasser, je fais en sorte d’y développer une activité biologique importante. Je suis strict sur la qualité du compost qui ne doit absolument pas présenter la moindre trace de plastique, par exemple. Pour le moment, les produits fournis répondent à cette exigence. J’ai des surfaces de dépôt en dur où je peux stocker ce compost en bout de champ. À l’automne après les récoltes, l’épandage est réalisé par une entreprise extérieure avec un équipement qui permet un apport régulier sur le sol. Puis j’interviens dans les 24 à 48 heures pour enfouir le compost dans le sol."

170 ha : 30 de pois de conserve, 30 de pomme de terre, 15 à 20 de colza, 3 d’avoine, le reste en blé tendre.

Une association d’agriculteurs composteurs

À côté des filiales de grands groupes ayant mis en œuvre des stations de compostage, des agriculteurs ont développé cette activité. En 2015, 42 structures agricoles adhéraient à l’association des Agriculteurs composteurs de France (ACF) pour 35 plateformes de compostage. Il y a dix ans, l’association a créé une charte de bonnes pratiques de compostage agricole qui apporte une garantie sur la qualité agronomique et sanitaire des produits compostés et sur les process. Le suivi de la charte par les adhérents implique un contrôle tous les ans et une certification par un organisme indépendant.

Retrouvez l’association des Agriculteurs composteurs de France sur son site.

Les plus lus

<em class="placeholder">Culture de tournesol soufrant de la sécheresse.</em>
Changement climatique en Nouvelle-Aquitaine : « Une ferme charentaise descend de 8 km vers le sud tous les ans »

En 2050, les températures en Charente seront celles du sud de l’Espagne aujourd’hui, mais le volume de précipitation sera…

<em class="placeholder">Parcelle en jahère.</em>
Jachères de plus de 5 ans : comment les garder en terres arables en 2025 ?

La question de la requalification des jachères de plus de 5 ans en prairies permanentes restait en suspens après les…

<em class="placeholder">Sol nu après une récolte partielle du maïs grain.</em>
Culture secondaire et PAC : des dérogations à leur implantation dans certaines zones

Le contexte météorologique de cet automne 2024 n’ayant permis, l’implantation des cultures secondaires avant le 1er …

<em class="placeholder">Prélèvement d&#039;un échantillon de sol pour une analyse en février 2021 dans un champ de colza en Seine-et-Marne</em>
Phosphore : des analyses de sol incontournables pour mesurer cet élément nutritif

Seule une petite part du phosphore présent dans le sol est assimilable par les cultures. Les analyses de sol apportent des…

<em class="placeholder">commerce des matières premières agricoles / échanges commerciaux de la France avec l&#039;Afrique / exportations / port de Rouen / terminal sucrier de Rouen Robust / chargement ...</em>
Accord Mercosur : quels risques pour les filières sucre et maïs ?

En grandes cultures, les filières sucre et maïs sont concernées par l’accord en cours de négociations entre l’Union européenne…

<em class="placeholder">Romuald Marandet, chef de service à l’Office français de la biodiversité (OFB) dans l’Aisne&quot;La période de septembre à février est idéale pour les travaux sur les ...</em>
Curage des fossés : «La période de septembre à février est idéale, sans formalité administrative la plupart du temps », selon l'OFB de l'Aisne

Chef de service à l’Office français de la biodiversité (OFB) dans l’Aisne, Romuald Marandet précise la réglementation en…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 90€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Grandes Cultures
Consultez les revues Réussir Grandes Cultures au format numérique sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce à la newsletter Grandes Cultures