Drainage : respecter la réglementation pour ne pas couler son projet
Le drainage est une solution pour améliorer les parcelles à l’humidité excessive. Mais attention à bien respecter la réglementation qui encadre ces pratiques, notamment pour protéger les zones humides.
Le drainage est une solution pour améliorer les parcelles à l’humidité excessive. Mais attention à bien respecter la réglementation qui encadre ces pratiques, notamment pour protéger les zones humides.
De l’ordre de 10 000 hectares par an : les chantiers de drainage de parcelles agricoles sont toujours d’actualité en France, même si l’on n’atteint plus les niveaux élevés des années 80. Le drainage vise à améliorer le fonctionnement hydrologique du sol pour des parcelles sujettes à l’hydromorphie. On peut alors plus facilement les travailler et y obtenir de meilleurs rendements.
Les opérations de drainage sont encadrées par une réglementation environnementale dont l’objectif est de préserver les zones humides. Si une parcelle présente les caractéristiques de ce type de milieu, alors le drainage sera conditionné à des mesures de compensation, voire sera simplement interdit. Mais comment sont définies ces zones humides dans un contexte agricole ?
« Réglementairement, deux critères caractérisent une zone humide et nécessitent des diagnostics : la présence d’une flore hygrophile ou l’hydromorphie des sols, explique Bertrand Dury, pédologue responsable du pôle environnement à la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire. Chaque département dispose en outre d’une cartographie des zones humides, mais sans valeur réglementaire. » Ces documents sont utilisés à titre indicatif, pour identifier les zones qui risquent d’être considérées comme telles.
L’étude du sol passe par-dessus tout
La végétation caractéristique de zone humide est aisément reconnaissable dans un champ, même si elle peut être influencée par les pratiques agricoles. Mais même en l’absence de cette flore, le critère sol doit être étudié. « Des sols simplement hydromorphes peuvent être caractéristiques de zones humides. Ce sont les taches d’hydromorphie (taches de couleur rouille, horizons bleutés par un engorgement) et leur distance par rapport à la surface du sol qui indiqueront si l’on doit classer un sol comme caractéristique de zone humide ou pas », résume Bertrand Dury.
Une analyse de sol avec des sondages profonds est donc vivement conseillée avant de se lancer dans un projet de drainage. « Une circulaire ministérielle précise le protocole de diagnostic de sol pour délimiter des zones humides, précise Bertrand Dury. Un tel diagnostic est proposé par nos services pour un coût de l’ordre de 650 euros pour une parcelle de l'ordre de 2 hectares en comptant une journée de travail pour les déplacements, les carottages, le compte-rendu… »
Hors zone humide, le code de l’environnement impose que si plus de 20 hectares de terres agricoles ont été drainés sur l’exploitation à compter d’une date de référence (fixée départementalement), tout nouveau projet est soumis à déclaration à la préfecture (DDT). Au-delà de 100 hectares, on passe au régime de l’autorisation. L’année de référence diffère selon les départements : le calcul démarre en 1993 dans le Jura, mais en 2006 dans le département voisin de Saône-et-Loire. En dessous du seuil de 20 hectares cumulés, nul besoin de déposer un dossier de déclaration si l’on est hors zone humide.
Un dossier de déclaration pour évaluer l’impact du drainage
« Dans le dossier de déclaration est évaluée l’incidence du projet par rapport aux différents enjeux du territoire en termes d’urbanisme et d’environnement, précise l'expert. Si des impacts sont révélés, on cherche à les réduire en évitant les zones à enjeux (par des zones d'évitement ou réduction de la surface de travaux). S'il reste des effets suite à cette première phase d'adaptation du projet, des mesures de correction ou de compensation peuvent être décidées comme par exemple la mise en place de bassins au niveau des rejets des collecteurs. » Sur le terrain, des drainages sont parfois réalisés sans étude ni dépôt de dossier, même au-delà des 20 hectares réglementaires. L’agriculteur peut alors encourir des sanctions, surtout si la parcelle est caractéristique de zone humide.
Les projets de drainage sont examinés de près, notamment par les agents de l’Office français de la biodiversité (OFB), très vigilants sur l’application de la réglementation encadrant la préservation des zones humides. Le drainage est souvent associé à l’assèchement des sols, et il est aussi pointé du doigt dans les épisodes d’inondations. « Techniquement, le débit maximal des collecteurs sur une parcelle équivaut à 17 mm de pluie par jour. On ne peut pas dire que le drainage a un impact sur les crues », estime Emmanuel Chalumeau, responsable de l'entreprise Chalumeau Drainage.
Le drainage a aussi des atouts environnementaux
« Le principal défaut du drainage, c’est de favoriser le lessivage des nitrates, reconnaît Laurence Thibaut, chef de projet à l’Andhar(1). Mais en même temps, un sol drainé permet d’installer plus facilement un couvert d’interculture piège à nitrates et de mieux gérer les apports d’azote en les fractionnant au bon moment pour les besoins des cultures. Concernant le phosphore, des études d’Arvalis ont démontré que le drainage en limitait l’entraînement, comparé au ruissellement de surface. En revanche, des molécules phytosanitaires peuvent être entraînées par les eaux de drainage, parmi celles qui sont les plus solubles. Des pratiques agricoles adaptées et l’ajustement des quantités apportées permettent de limiter ces risques. » Certains herbicides font ainsi l’objet de restrictions d’emploi sur les parcelles drainées.
Dans les zones les plus à risque en termes de qualité des eaux et de biodiversité (zones Natura 2000, alimentation de captage) ou dans les projets d’aménagement pour recouvrer la bonne qualité écologique des eaux (Sage, Sdage), des contraintes additionnelles, voire des interdictions, peuvent s’appliquer aux projets de drainage. Et les règles ne vont pas s’assouplir avec le changement climatique… « Nous sommes très vigilants sur les Sdage qui sont en révision pour la période 2022-2027 et nous sommes actifs sur le Varenne de l’eau, signale Laurence Thibaut. Pour répondre au changement climatique, nous considérons que le drainage est un facteur de résilience aussi bien par rapport aux excès d’eau qu’au manque d’eau. Les plantes s’enracinent mieux dans les sols drainés et résistent ainsi à la sécheresse. »
10 % de la SAU drainée en France
10 000 ha chaque année environ sont nouvellement drainés. Ce rythme était de plus de 100 000 ha/an au début des années 80.
Un taux de drainage de 80 à 90 % existe dans certains territoires, là où la proportion de sols hydromorphes est élevée.
La moitié nord de la France et le Sud-Ouest sont les principaux secteurs concernés selon les dernières données datant de 2010. Ces proportions ont peu changé depuis.
Le climat de l’année influence les chantiers. « Il y a une nette baisse de dossiers de déclaration après des années de sécheresse comme 2019 et 2020, et une augmentation marquée du nombre de projets après les fortes pluviosités de la dernière campagne », remarque Bertrand Dury, chambre d’agriculture de Saône-et-Loire.
Des zones tampons pour réduire l’impact écologique du drainage
« Nous nous intéressons aux améliorations techniques et environnementales qui peuvent être apportées au drainage. Les Zones tampons humides artificielles (ZTHA) en font partie », signale Laurence Thibaut, Andhar. Une ZTHA est un bassin de rétention placé à l’exutoire des drains et servant de transition vers les cours d’eau ou les fossés. Les eaux de drainage peuvent être chargées en nitrates et certains pesticides. Les ZTHA auront une fonction d’épuration mais ce ne sont pas des « permis à polluer », précise une note d’une DDT. Elles peuvent être végétalisées pour se rapprocher de systèmes naturels. Quelle emprise doit avoir une ZTHA ? « L’optimum serait d’1 % de la surface drainée mais c’est beaucoup sur une surface agricole, juge Emmanuel Chalumeau, de la société Chalumeau Drainage. Nous en réalisons un peu depuis une dizaine d’années, même s’il n’y a aucune obligation réglementaire. »