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Blé : l’offre variétale s’étoffe pour l’agriculture biologique

Avec le développement de l’agriculture biologique, les inscriptions de variétés de blé tendre adaptées à ce mode de production se sont accélérées ces dernières années. Elles apportent des caractères spécifiques utiles pour la production sans intrants chimiques.

La sélection fait son chemin avec sept variétés inscrites en France pour l'agriculture biologique en trois ans.  © C. Gloria
La sélection fait son chemin avec sept variétés inscrites en France pour l'agriculture biologique en trois ans.
© C. Gloria

Sept variétés inscrites en France depuis 2018 alors qu’il n’y en avait pas eu une seule entre 2012 et 2017 : c’est clair, l’inscription de variétés de blé tendre adaptées à la production biologique prend son essor. Avec un marché du blé tendre bio en croissance, de plus en plus de sélectionneurs consacrent une part de leurs recherches à ce type de variétés. Sur ce créneau, Agri-Obtentions (filiale d’Inrae) et Lemaire Deffontaines restent les deux fers de lance des obtentions hexagonales. Geny, Gwastell, Grafik, Gwenn, Gambetto, LD Voile et LD Chaine : les sept variétés françaises récentes proviennent de leurs programmes de sélection.

Que doivent apporter les variétés pour répondre aux besoins de l’agriculture biologique ? La VATE (valeur agronomique technologique et environnementale) évaluée par le Geves présente des adaptations spécifiques pour les inscriptions en agriculture biologique. Notamment, les variétés sont notées sur leur pouvoir couvrant et leur hauteur. Ces deux caractères les rendent plus compétitives vis-à-vis des adventices et rapportent des bonus à la cotation finale.

« Le pouvoir couvrant se traduit par des feuilles larges et nombreuses, un port planophile (feuilles étalées) et un meilleur tallage, présente Bernard Rolland, de l’UMR Igepp(1) à Inrae (Le Rheu). La hauteur compte aussi pour pouvoir étouffer les adventices, un peu comme le font les triticales. Mais maintenant, avec les nombreux outils de désherbage mécanique qui existent, les agriculteurs très interventionnistes sont plutôt demandeurs de blé de hauteur moyenne pour pouvoir y passer les bineuses et écimeuses facilement. »

 

 

Une tolérance à la rouille jaune obligatoire

Tout comme pour les blés conventionnels, la résistance aux maladies est un critère important pour les agriculteurs en production bio. Mais la tolérance aux rouilles jaune et brune revêt beaucoup plus d’importance pour les agriculteurs en bio, qui ne disposent pas de solutions de traitement efficaces contrairement aux agriculteurs conventionnels. Un système de bonus/malus est prévu pour les variétés selon leur niveau de résistance à ces maladies.

« Des variétés ont vu leurs gènes de résistance à la rouille jaune contournés rapidement. Cela a marqué les esprits, souligne Bernard Rolland. La résistance à cette maladie, qui peut être très préjudiciable, est surveillée de près. » La tolérance à la septoriose apparaît moins importante. « Cette maladie est moins présente en bio qu’en conventionnel, remarque Philippe du Cheyron, Arvalis. Les semis généralement plus tardifs, la végétation moins dense et la faible disponibilité en azote du sol lui sont défavorables. » Pour autant, la septoriose fait l’objet des mêmes modalités de bonification que pour les blés conventionnels, tout comme la fusariose des épis.

Maladie des grains et, par extension, des semences, la carie est très surveillée en agriculture bio, en l’absence de traitement de semences très efficace. Il existe des variétés résistantes à la carie commercialisées dans des pays européens comme l’Allemagne. « Depuis cette année en France, une méthodologie est développée pour tester la sensibilité des variétés à la carie et elle permettra de fournir des résultats pour les inscriptions à partir d’octobre 2022 », annonce Marie-Hélène Bernicot, animatrice de la Cisab(2) au Geves.

D’autres critères pris en compte en conventionnel ne le sont pas en bio, comme la tolérance à la verse ou au piétin-verse. Ces risques n’existent quasiment pas en agriculture biologique, même avec des variétés plus hautes.

Trouver le bon compromis variétal entre rendement et protéines

Bien sûr, le rendement et le taux de protéines sont des critères recherchés. « La difficulté est de sélectionner des lignées productives avec une disponibilité en azote dans les sols moindre qu’en agriculture classique, où l’on peut apporter de l’azote minéral », remarque Bernard Rolland. « Notre objectif est de trouver un bon compromis entre rendement et protéines, ces deux caractères étant antagonistes, explique Philippe Lemaire, directeur général de Lemaire Deffontaines. Nous cherchons des variétés qui se positionnent bien par rapport à la droite de régression du GPD (Grain Protein Deviation). Le caractère de teneur en protéines est d’autant plus important à rechercher pour des blés qui sont dans des situations limitantes en azote. Une variété classique qui produit 11,5 % de protéines en conventionnel peut descendre à 8,5 % en bio. » En agriculture bio comme en conventionnel, les variétés performantes en protéines et rendement reçoivent un bonus.

Le niveau d’exigence de la filière meunerie sur la teneur en protéines est l’objet d’âpres discussions entre spécialistes. « Nous essayons de convaincre les opérateurs de juger les blés sur leur valeur de panification et moins sur la teneur en protéines. Des variétés peuvent se montrer stables en valeur boulangère sur une large plage de protéines de 9 à 12 % par exemple », juge Bernard Rolland. « La teneur en protéines a moins d’importance en bio qu’en conventionnel. La valeur de panification est un caractère plus important, abonde Marie-Hélène Bernicot. En bio, avec un blé alimenté avec de l’azote organique, la façon dont s’élaborent le rendement et la qualité est différente du conventionnel. » À terme, les tests de qualité boulangère pourraient connaître des adaptations pour répondre aux besoins des meuniers spécialisés en bio.

(1) Institut de génétique, environnement et protection des plantes.
(2) Commission intersection dédiée à l’agriculture biologique.

Multiplication des expérimentations pour mieux évaluer les variétés

Un dispositif d’inscription de variétés de blé pour l’agriculture biologique existe depuis dix ans en France. « Les évaluations des variétés candidates se font en conditions d’agriculture biologique. C’est indispensable pour avoir un bon jugement sur leurs rendements et leur valeur technologique en particulier, explique Marie-Hélène Bernicot, Geves. Le réseau d’essais CTPS se développe : nous sommes passés à douze sites sur tout l’Hexagone contre huit précédemment qui se limitaient à la moitié nord. » Le réseau d’évaluation post-inscription prend de l’ampleur également avec de multiples partenaires : chambres d’agriculture, coopératives, obtenteurs, Arvalis, Itab…

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