Agir sur le sol pour rendre l’eau efficace
Couverture végétale, matière organique, non travail
du sol… Différentes solutions s’offrent à l’agriculteur
pour préserver ou améliorer la structure du sol. Un bénéfice parmi d’autres : l’eau circule mieux et est mieux rentabilisée dans l’alimentation des cultures.

Une bonne alimentation hydrique des plantes passe par un sol bien structuré. « Nous voyons des différences d’efficience de l’eau entre situations. La consommation d’eau du maïs au quintal produit est moindre en situation de semis direct et avec un couvert d’interculture comparée à un labour. »
Pour le compte du Ceta des Baïses, Sylvain Hypolite, ingénieur conseil chez Agro d’Oc Union des Ceta d’Oc, a suivi des expérimentations sur maïs. « Nous menons une comparaison de comportement hydrique pour des types de sols similaires entre un labour et un semis direct sous couvert végétal. Pour l’année 2012, première année d’essai, les sondes capacitives ont permis de mesurer l’eau consommée par les plantes ; 36 % d’eau a été consommée en moins par les maïs en semis direct mais ceux-ci ont présenté des rendements plus faibles qu’en labour. Toutefois, ramené au quintal de maïs produit, la différence reste en faveur du maïs en semis direct avec 2,3 millimètres par quintal contre 3 pour produire un quintal en situation labourée. L’efficience de l’eau est donc d’un tiers supérieure en semis direct qu’en labour. » Ces résultats restent à confirmer.
Essais à venir en sols de coteaux non irrigués
Comment expliquer cette différence ? « En observant les profils racinaires, nous trouvons 50 % de racines en plus sur un mètre de profondeur en semis direct qu’en labour, ce dernier présentant une semelle à 30 centimètres qui limite la présence de racines en dessous, explique Sylvain Hypolite. Avec le semis direct, on ‘verticalise’ le profil avec des pores créées par les lombrics et les racines vivantes au contraire du labour qui a tendance à produire des strates horizontales. L’infiltration des eaux de pluie et de l’irrigation est favorisée, de même que la capillarité de bas en haut du profil en période sèche. »
En 2013, l’essai a été noyé sous le trop plein d’eau tombée du ciel mais il est reconduit en 2014. D’autre part, il s’agit d’une situation de monoculture de maïs en fond de vallée sur une plaine alluviale assez profonde faite de sols limono-argileux. Mais les résultats constituent une première piste de ce qu’il est possible de réaliser pour améliorer le fonctionnement de l’eau dans le sol. « La mise en place d’essais sur des coteaux argilo-calcaires non irrigués est prévue pour étudier le comportement hydrique des sols en sec », ajoute Sylvain Hypolite.
L’eau s’infiltre mieux dans des sols semés en direct
Les essais d’Agro d’Oc ont été inspirés par les observations des adhérents et par des travaux suisses, au début des années 2000. « Lors de fortes pluies, l’eau s’infiltre mieux dans les sols du système en semis direct. Les pertes par ruissellement sont donc réduites et la réhumidification après une période sèche se fait plus régulièrement que dans un sol travaillé où la semelle de labour gêne l’infiltration et, dans l’autre sens, la remontée capillaire », observait Wolfgang Sturny, un agronome suisse. Dans le Sud-Ouest, beaucoup d’exploitations agricoles sont passées au non labour pour des questions d’efficacité économique et aussi pour lutter contre l’érosion, très forte sur les zones de coteaux. Le corollaire est de rendre l’eau plus efficiente pour les plantes.
« Dans les systèmes de travail du sol très réduit, un projet de recherche en cours a pour objectif de quantifier les capacités de stockage en eau avec l’idée que l’on peut augmenter les réserves des sols en eau et l’alimentation des nappes souterraines, informe Lionel Alletto, enseignant chercheur à l’Inra de Toulouse et École de Purpan. Une conséquence peut être d’économiser un ou deux tours d’eau sur un maïs, ce qui est significatif vu les surfaces irriguées dans certains bassins de production. »
Petit lien entre matière organique et réserve utile
Un niveau élevé de matière organique (MO) est souvent mis en avant pour induire une bonne structure du sol, et par là même, une amélioration de réserve utile. Mythe ou réalité ? « La réserve utile se fait principalement dans la microporosité du sol liée à la qualité du complexe argilo-humique (argile et matière organique). Toutes les pratiques tendant à améliorer les teneurs en MO augmenteront la réserve utile du sol, certifie Lionel Alletto. Cette MO augmente la capacité de stocker mais ne change pas le point de flétrissement permanent. »
Pour Alain Bouthier, ingénieur d’études sols, fertilisation et irrigation à Arvalis, « il faut probablement un écart important de teneur en MO pour mesurer un enjeu significatif sur le stockage de l’eau. Dans deux essais, des amendements organiques appliqués annuellement pendant neuf ans comparés à une fertilisation minérale ne laissent pas apparaître d’effets importants sur des paramètres physiques comme la stabilité structurale et les propriétés de stockage de l’eau, bien que la MO ait augmenté de 0,4 %. Par contre, la conductivité hydraulique de la couche arable en conditions d’humidité proches de la saturation s’accroît avec les amendements organiques car ceux-ci augmentent indirectement la macroporosité due à la vie du sol. Cette meilleure capacité d’infiltration de l’eau peut accélérer le ressuyage de la surface du sol en période hivernale, ce qui représente un enjeu important pour des sols hydromorphes drainés. L’eau s’évacue plus vite en profondeur vers les drains et les cultures souffriront moins longtemps d’excès d’eau les hivers humides comme ces dernières années. » Manque ou trop plein d’eau, le sol doit répondre à toutes les situations.