Pomme
« Sur le rayon pommes, la diversité variétale a gagné »
Le président de l'ANPP analyse le succès de certaines variétés de pommes, celles qui ont disparu et le défi posé aujourd'hui par de nouvelles demandes du consommateur.
Le président de l'ANPP analyse le succès de certaines variétés de pommes, celles qui ont disparu et le défi posé aujourd'hui par de nouvelles demandes du consommateur.
FLD : La variété en linéaire est, à vos yeux, au bénéfice du producteur, du consommateur ou du distributeur ?
DANIEL SAUVAITRE : C'est le plus beau sujet que l'on puisse proposer à un producteur de pommes qui est en quête permanente de la nouvelle variété qui plaira au consommateur et sera rentable pour lui. Evidement, tous les intervenants dans la filière, de l'amont à l'aval, ont leur rôle à tenir mais c'est toujours le consommateur qui valide ou non la proposition. La réussite ou l'échec d'une variété, c'est le consommateur qui le décide, lui qui peut trouver un vice rédhibitoire dans le produit que nous producteurs n'avions pas remarqué.
FLD : Quelles sont, pour vous, les grandes réussites ?
D. S. : La façon dont s'est construite l'offre Pink Lady relève presque du génie. Ne rien laisser au hasard, tout organiser, tout contrôler. Avec pour résultat de créer une vraie offre différenciante dans le rayon et une pomme qui rencontre le succès auprès du consommateur, malgré son prix plus élevé que d'autres.
Juliet a aussi connu un beau parcours. Car au départ, ce n'est pas une pomme exceptionnelle mais elle était très adaptée à la production en bio (productivité, conservation). Je suis assez admiratif du travail qui a été fait par les producteurs ici. Et puis il y a le cas de la gala. Introduite en 1980, atteignant des prix incroyables dès 1986 – jusqu'à 10 francs (1,52 €) le kilo en départ station – elle fait toujours l'objet de plantation aujourd'hui en conservant – et ce n'est pas le moins étonnant – une bonne performance financière à l'hectare.
FLD : Et des flops ?
D. S. : Peu en vérité. On a en revanche perdu de vue certaine variétés. Idared, par exemple, a eu sa place dans le rayon avant de disparaître. Elle jouissait d'une conservation très forte, ce qui n'était pas pour déplaire à la distribution. La braeburn est en voie de disparition en France alors qu'elle est bien présente sur d'autres marchés. On pourrait peut-être aussi ajouter melrose à la liste.
« La tendance actuelle aux circuits courts, à la recherche du produit local, pourrait permettre la diffusion de variétés typiques d'un terroir sur son territoire. Rappelez-vous, historiquement, la boskoop se consommait dans le Nord... »
FLD : Il y a aussi ces variétés un peu anciennes, inscrites dans l'imaginaire du consommateur, que l'on voit revenir…
D. S. : La reine des reinettes en est un magnifique exemple et le plus symbolique certainement. Elle a connu une très forte notoriété mais elle a été mise à mal avec l'arrivée des variétés modernes. Il faut dire aussi qu'elle était très difficile – pour ne pas dire plus – à produire, surtout parce qu'il était difficile de casser l'alternance dans les vergers. Le travail fait aujourd'hui avec “Reinettes gourmandes” est très intéressant et, côté chiffres, on commence à voir un petit redémarrage. Mais, le potentiel est là : la variété frappe l'imaginaire du consommateur, la qualité est présente...
FLD : Le lien entre le produit, la variété et son terroir reste-t-il toujours fort à vos yeux ?
D. S. : La diversité variétale s'exprime aussi dans la diversité régionale. La tendance actuelle aux circuits courts, à la recherche du produit local, pourrait permettre la diffusion de variétés typiques d'un terroir sur son territoire. Rappelez-vous, historiquement, la boskoop se consommait dans le Nord, la reine des reinettes dans l'Ouest et la région parisienne. D'autant plus que les magasins de producteurs et les démarches type “Chapeau de paille” occupent aujourd'hui un espace de distribution où le consommateur est en contact direct avec la variété. Ce que ne fait pas la grande distribution. Une variété locale ou nouvelle (comme rougelle) pourrait se développer ainsi.
FLD : Finalement, le consommateur est gâté : il a plein de pommes à sa disposition...
D. S. : Regardez aujourd'hui le rayon : la diversité a gagné. L'horreur de la standardisation, que certains prévoyaient, ne s'est pas accomplie. La diversité a gagné mais au risque de se perdre. Face à un consommateur sous influence, imposant des critères de choix sociétaux (éthique, environnemental), va-t-on encore enrichir le rayon de nouvelles variétés ? Jusqu'où tirer un linéaire, élastique certes mais pas trop ? Ne vaudrait-il pas mieux développer une offre à partir des variétés rencontrant déjà les nouvelles attentes du consommateur ? Ainsi se posent les données du défi à relever.