OCM fruits et légumes : qu’en attendent les producteurs ? L’AREFLH lance le débat
Dans le cadre des nouvelles mandatures européennes, l'Assemblée des Régions Européennes Fruitières, Légumières et Horticoles a tenu son premier Forum annuel pour parler politique agricole et ambitions de durabilités avec des représentants des producteurs et des instances européennes. La question du budget va être cruciale.
Dans le cadre des nouvelles mandatures européennes, l'Assemblée des Régions Européennes Fruitières, Légumières et Horticoles a tenu son premier Forum annuel pour parler politique agricole et ambitions de durabilités avec des représentants des producteurs et des instances européennes. La question du budget va être cruciale.
Après les élections européennes, et alors que le sud-est de l’Espagne est dramatiquement sous l’eau face à « la Dana du siècle » et que Trump vient d’être réélu président des Etats-Unis, l’AREFLH - l'Assemblée des Régions Européennes Fruitières, Légumières et Horticoles- tenait son premier Forum annuel, le 6 novembre, à Bruxelles et en ligne.
Cet évènement, consacré à la politique agricole dans la nouvelle législature européenne (nouveaux mandats quinquennaux du Parlement européen et de la Commission européenne) a réuni des représentants des OP (organisations de producteurs) et des régions horticoles européens, ainsi que des eurodéputés et des représentants des institutions européennes (DG Agri) afin de discuter politique agricole et durabilité.
Un événement couronné de succès, « qui nous conforte dans l’idée de revenir chaque année », a conclu Simona Caselli, présidente de l'AREFLH, donnant d’ores et déjà rendez-vous en 2025 pour une deuxième édition. En parallèle, la prochaine assemblée générale de l’AREFLH se tiendra à Valencia (Espagne), les 3 et 4 avril 2025.
Dialogue stratégique : la vision pour l’agriculture d’ici février 2025
Invités à témoigner, les eurodéputés (Commission de l’agriculture et du développement rural) Carmen Crespo Díaz, Dario Nardella, Herbert Dorfmann et Valérie Hayer se sont accordés sur l’idée que l’on entre dans une « nouvelle ère », celle où le Parlement place « tous les acteurs autour de la table, pour avoir une approche globale et avec le sens du compromis ».
Ricard Ramon, chef d’unité adjoint Perspectives politiques à la DG Agri de la Commission Européenne a lui annoncé que les orientations contenues dans le rapport sur le Dialogue Stratégique aboutira à une vision sur l’agriculture qui sera rendue publique avant la fin du mois de février 2025.
Remerciant l’implication des représentants de la DG Agri, Luc Vanoirbeek, secrétaire général de la Fédération des coopératives horticoles belges (VBT) et président du groupe de travail fruits et légumes de l’organisation européenne Copa-Cogeca, a glissé : « Nous attendons des institutions européennes stabilité, prévisibilité, et des actions cohérentes. Nous voyons cela dans le dialogue stratégique, c’est un bon point de départ. »
Parmi les préoccupations des producteurs de fruits et légumes : l’eau et les emballages, deux sujets chauds qui ont fait l’objet de tables-ronde lors de ce premier Forum annuel.
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De moins en moins d’Organisations de Producteurs au sein de l’UE
Lors de cet événement, les producteurs, par la voie de leurs représentants, ont rappelé l’importance de budgets pour la gestion des risques, l’innovation et les fonds de mutualisation, Dan Burgar Kuželički, chef d’équipe Fruits et légumes à la DG Agri de la Commission européenne, a précisé que « une réflexion sur les modifications à introduire pour la prochaine PAC est déjà en cours ».
Il a aussi plaidé, comme Simona Caselli, pour un renforcement du regroupement des producteurs. Face aux défis de la filière européenne des fruits et légumes en termes de production (globalement au ralenti comparé à la production mondiale) mais aussi de consommation (la plupart des Etats membres sont loin des 400 grammes par jour et par personne recommandés par l’OMS), dans un contexte géopolitique compliqué et de défis climatiques en hausse, la DG Agri rappelle que les OP -organisations de producteurs- sont un outil non négligeable puisqu’ils permettent l’obtention de budget via des programmes opérationnels. L’UE permet aussi l’adoption de mesures d’urgence avec soutien financier.
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Or, « il y a de moins en moins d’organisations de producteurs, regrette Dan Burgar Kuželički. De nombreux produits passent par les OP et donc l’OCM fruits et légumes, mais avec des disparités selon les pays. Or les OP reconnues ont des subventions de la PAC. En 2023, 77 % d’entre elles ont mis en place des programmes opérationnels », souligne-t-il, chiffres à l’appui.
La question du budget pour l’OCM va être importante
A cette baisse d’OP et de programmes opérationnels déposées par elles, Jean-Louis Moulon, président du Collège producteurs de l’AREFLH, a répondu : « Sur toutes les régions où l’AREFLH est présente, nous avons une très bonne organisation. On peut donc vous aider à mieux organiser l’OCM fruits et légumes ! »
« Avec peu d’argent nous faisons beaucoup. Mais nous demandons plus pour aller plus loin »
Il a également appelé à une hausse des budgets : « La filière européenne des fruits et légumes représente 20 % du chiffre d’affaire agricole, mais n’en reçoit que 2,5 %. Pourtant nous mettons 15 % de ce soutien dans les améliorations environnementales [pour être éligibles, les programmes opérationnels doivent comporter au moins 3 mesures environnementales et 15 % de dépenses environnementales ainsi qu’au moins 2% de dépenses liées à la recherche et l’expérimentation, NDLR]. Nous investissons aussi dans des améliorations face au changement climatique, dans le gustatif, dans les emballages. Nous travaillons aussi sur le côté transgénérationnel : nous accompagnons des jeunes pour s’installer et nous peinons à trouver des crédits dans l’OCM. Avec peu d’argent nous faisons beaucoup. Mais nous demandons plus pour aller plus loin. Notamment sur l’eau. Je vous le demande du fond du cœur. »
Quelles pistes d’amélioration proposent les producteurs ?
Lisa Martini, directrice de la FINAF en Italie (une AOP regroupant 7 000 producteurs), tire un bilan positif après trois années sous la nouvelle OCM. « Avec la région Émilie-Romagne nous avons pu lancer nouveau programme opérationnel. Le cofinancement est renforcé jusqu’à 60 % pour certains programmes comme la recherche. Le bilan est donc positif mais il y a des axes d’amélioration. »
- Elle regrette notamment que le secteur de la transformation ne soit pas pris en compte. « On ne peut pas y mettre en œuvre certains axes comme la recherche. Or la transformation est importante car elle permet de valoriser tous les produits et de trouver une nouvelle valeur ajoutée donc je pense que c’est important de l’intégrer. »
- Autre point d’amélioration urgent selon elle : les règles liées aux structures d’irrigation. « Investir dans un système d’irrigation intéresse beaucoup les producteurs mais les règles sont très complexes à mettre en place. Une structure permanente ne peut plus être financée. Une structure pluriannuelle peut l’être mais c’est trop complexe à mettre en place. »
- Enfin elle plaide pour l’introduction de nouvelles ressources pour un fonds de mutualisation exclusivement dédié aux dégâts liés au changement climatique « afin que les producteurs puissent continuer à investir et donc produire ».
Lisa Martini rappelle qu’en 2023, l’Émilie-Romagne a été touchée par un gel dévastateur (essentiellement sur fruit à noyau), avec 40 000 hectares impactés pour 800 millions d’euros de dégâts. Puis sont arrivées les inondations et les fortes pluies avec plus de 450 mm d’eau : 15 000 hectares à nouveau touchés, des dégâts qui se chiffrent à plus de 1,5 milliards d’euros (cultures, machines, bâtiments…). La grêle a elle causé 200 millions d’euros de dégâts.
Et cet automne 2024, la région est à nouveau sous l’eau suite à la tempête Boris et les estimations sont encore en cours.
« La filière qui peinait à relever la tête avait racheté des machines, avait réinvesti et elle est à nouveau sous l’eau. Je dresse ce tableau pour l’Emilie-Romagne, mais le changement climatique touche tout le monde, la région espagnole de Valencia en ce moment. »