MIRABELLE
Le délicat positionnement de l’éthéphon
Le positionnement de l’éthéphon et son utilisation, selon la floribondité des mirabelliers, sont des paramètres essentiels à l’efficacité comme éclaircissant de cette matière active.
Le positionnement de l’éthéphon et son utilisation, selon la floribondité des mirabelliers, sont des paramètres essentiels à l’efficacité comme éclaircissant de cette matière active.
Le PRM12® RP, à base d’éthéphon, est en attente d’homologation pour l’éclaircissage sur prunier depuis février 2013. En 2016, cette spécialité qui agit selon un fonctionnement de type hormonal, a été autorisée sur prunier au titre d’une AMM dérogatoire de 60 jours. Ce produit est expérimenté sur son efficacité en éclaircissage du mirabellier sur la station expérimentale Arefe (55) depuis déjà dix ans. « La grande variabilité de réponses à ce régulateur de croissance peut rendre difficile son utilisation », constate Loïc Picard de l’Arefe. D’où l’objectif d’identifier les conditions idéales d’utilisation et de comprendre l’influence de ce produit sur la physiologie du mirabellier. L’intérêt de l’utilisation de l’éthéphon en éclaircissage sur mirabellier se situe essentiellement sur le retour à fleur. Malgré son action sur la chute des fruits, son impact sur leur grossissement est modéré. L’éthéphon fait en effet chuter des fruits quel que soit leur calibre. « De plus, après l’application, nous avons observé un ralentissement significatif de la croissance des fruits », souligne l’ingénieur. Ces deux effets expliquent l’augmentation peu fréquente de calibre des fruits observée dans les essais. En 2015, celui-ci a néanmoins été amélioré. « Le phénomène de sécheresse estivale connu cette année-là en Lorraine a pénalisé le calibre des fruits des arbres les plus chargés, explique-t-il. L’accentuation de la chute physiologique induite par l’éthéphon aurait ainsi permis de limiter l’impact du stress hydrique subi ».
Plus de chute quand la concurrence entre fruits est forte
L’éthéphon agit en effet comme un amplificateur de la chute physiologique des fruits. « Pendant les périodes de chutes physiologiques, avant le durcissement du noyau, ou en cas de stress hydrique, la chute de fruits est plus importante pour les fruits traités à l’éthéphon que sur ceux du témoin non traité », assure Loïc Picard. L’hormone a une action d’autant plus visible que la concurrence entre les organes est forte. Ainsi, la chute physiologique est amplifiée avec l’éthéphon selon la floribondité ou la proportion de bourgeons monofloraux. « Ces bourgeons reçoivent moins de réserves nutritives car leur force de puits est plus faible, note le spécialiste. Ils sont alors plus sensibles à la chute ». Le rapport feuilles/ fruit joue aussi sur la chute physiologique. Les fruitières ayant moins de trois feuilles par fruit avant l’application de l’hormone subissent une chute de fruits plus importante que celles en ayant plus de trois. « La moins bonne alimentation des fruits avec moins de trois feuilles par fruit augmenterait leur compétition et faciliterait donc leur chute », avance l’expérimentateur.
Une complémentarité d’action avec les dessicants
Une des conséquences de cette amplification de la chute selon la concurrence entre les fruits est la chute des fruits surnuméraires par corymbe. « L’application de l’éthéphon dans des conditions optimales sur notre essai 2015 a entraîné à la récolte une part plus faible de corymbes à deux fruits par rapport au témoin non traité et une part plus importante de corymbes à un seul fruit ». Or les corymbes à un seul fruit ont une force de puits plus faible. Plus ils sont majoritaires par rapport aux corymbes à plusieurs fruits, plus les réserves de l’arbre sont préservées. Réserves qui contribuent au retour à fleur. « Le retour à fleur est amélioré avec l’usage de l’éthéphon, réaffirme Loïc Picard. Mais une stratégie intégrant des dessicants, si certains étaient homologués, permettrait une complémentarité d’action. Ces derniers permettent en effet une amélioration du calibre sans impact sur le retour à fleur ».
Maria-Marta Fernandez, ingénieur Ctifl en charge de la filière prune
L’éthéphon doit être utilisé avec prudence
« Ces observations sont issues de l’exploitation d’une base de données créée en compilant les résultats de huit essais menés par l’Arefe sur le site d’Hattonville (55) entre 2006 et 2015. Elles correspondent donc à l’efficacité du PRM 12® RP telle qu’elle a pu être observée dans les conditions climatiques de la Lorraine et ne sauraient être extrapolées sans risque à d’autres zones géographiques. L’éthéphon doit être utilisé avec prudence et son utilisation n’est recommandée que pour des arboriculteurs maîtrisant l’éclaircissage chimique ou pouvant s’appuyer sur des techniciens ayant à la fois la maîtrise de cette technique et de la culture du mirabellier.
Les conditions optimales d’applications de l’éthéphon
Le stade d’application La fenêtre d’application est comprise entre le stade F2 + 350°C jours (somme des températures moyennes journalières depuis le stade F2 correspondant à 50 % de fleurs ouvertes) et F2 + 550°C jours. « Aux deux stades F2 + 350°C et F2 + 550°C, la réponse de l’arbre à l’éthéphon en termes de chute de fruits est très variable, commente Loïc Picard. La situation idéale pour une efficacité optimale se situe entre 400 et 450°C jours après la floraison ». A noter que si l’intervention est tardive, l’effet sur le retour à fleur est quasi nul. La température lors de l’application La température d’application est déterminante dans l’efficacité de l’éthéphon. Celle-ci est avérée dans les essais au-dessus de 18°C, tandis qu’à une température inférieure ou égale à 15°C, l’efficacité de l’application sur la chute des fruits ne dépasse pas 10 %. La variabilité des réponses est moindre quand les températures sont comprises entre 20°C et 25°C. L’humidité relative à l’application Le facteur hygrométrie se conjugue à l’effet de la température sur l’efficacité de l’éthéphon. La plage d’humidité relative pour obtenir une efficacité significative est comprise entre 50 % et 70 %. Les situations où s’observent des humidités relatives de plus de 70 % étant généralement corrélées à des températures faibles, c’est alors la température qui devient limitante pour l’action du produit. Les conditions après l’application Les conditions climatiques des deux jours suivant l’application déterminent aussi l’efficacité de l’éthéphon. « Ce produit étant systémique, son activité est dépendante du flux de sève », explique l’ingénieur de l’arefe. Des températures minimales inférieures à 6°C ou des hygrométries maximales correspondant à des situations de rosée ou de brouillard sur ces deux jours bloquent le flux de sève. L’efficacité sur la chute des fruits et le retour à fleur de ce régulateur de croissance est alors réduit.
Source Infos Ctifl n°321 mai 2016