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Gaspillage alimentaire : comment valoriser ses fruits et légumes invendus

Dans les actions « anti-gaspi », les producteurs ne sont pas en reste. Et pour valoriser ces produits invendus sur le marché du frais, toutes les initiatives sont bonnes à prendre. Heureusement, elles se multiplient.

Fruits et légumes hors calibre ou abîmés peuvent se valoriser dans des petites unités de transformation à l'échelle locale.
© ValOrise

Depuis 2016 et la loi Garot, la lutte contre le gaspillage alimentaire s’inscrit comme une priorité nationale. Près de 2 millions de fruits et légumes par an sont perdus pour l’alimentation humaine selon une estimation de l’Ademe de 2016. Cette estimation concerne tous les maillons de la chaîne (voir infographie). La part revenant à la production (producteurs et stations de conditionnement) est d’environ 9 % pour les fruits et légumes, selon une étude menée par Interfel en 2015. Pour les producteurs, ces produits non consommés trouvent pour la plupart une utilité. « Seul 16 % des légumes non consommés sont détruits et 3 % des fruits », mentionne le dernier rapport de 2018 de l’Ademe sur le sujet. Mais toutes les utilisations ne compensent pas la perte économique que représente pour les producteurs ces volumes de produits déclassés, abîmés ou non vendus en frais pour cause de surproduction. La meilleure valorisation économique s’obtient par des entreprises de transformation. Des partenariats existent entre stations de conditionnement et entreprises de transformation pour fabriquer compote ou confiture à partir des écarts de tri. Mais ces outils n’existent pas sur tout le territoire et ne peuvent absorber que des volumes fixes mais volumineux d’une gamme limitée de produits.

Des outils de transformation à l’échelle locale

Pour la valorisation de petits volumes, de nombreux projets d’ateliers ou de petites usines de transformation voient le jour avec une dimension sociale (travailleurs handicapés ou en insertion) et solidaire (don alimentaire). Leur problématique reste la variabilité des approvisionnements qui demande une souplesse des structures et limite les quantités de fruits ou légumes qu’elles peuvent transformer. L’entreprise bordelaise Elixir a ainsi l’ambition de monter une nouvelle filière de récupération de fruits et légumes invendus de Nouvelle-Aquitaine. « Nous transformons ces invendus en jus, confitures, purées, soupes… vendus sous la marque Sains & Saufs localement dans des enseignes de grande distribution », explique Serge Pezzino, d’Elixir. Comme les volumes d’invendus sont ponctuels, l’entreprise travaille sans contrat. « Selon les volumes apportés, nous essayons de proposer des prix qui couvrent les coûts de production et le transport », continue l’entrepreneur solidaire. L’entreprise a débuté en janvier et sa première usine de transformation naîtra à Blanquefort dans les mois qui viennent avec une ambition de transformer 1 000 t par an. « Nous envisageons plus tard d’augmenter le nombre de points de collecte et d’unités de transformation », espère Serge Pezzino. Autre projet à dimension locale, le Food lab Solidaire AntiGaspi de ValOrise en Maine et Loire verra le jour au printemps prochain. « Nous avons travaillé avec cinq coopératives maraîchères de la région pour déterminer leurs volumes d’invendus et les époques d’apport afin de définir notre gamme de conserves, témoigne Peggy Peralta à la tête du projet. Nous allons débuter avec la transformation d’une centaine de tonnes de fruits et légumes par an en 50 000 bocaux. » Les prix proposés sont fixés à l’année par produit et doivent couvrir a minima les coûts de production et de transports. L’entreprise a aussi la volonté d’ouvrir son atelier à des producteurs pour transformer leur propre production et propose des prestations de service pour des produits à façon.

Industries demandent poudres, concentrés et huiles essentielles

Autre voie de valorisation en développement, la production de matières premières pour les industries de l’agroalimentaire, de la cosmétique ou des compléments alimentaires. C’est le choix de la Sica Saint-Pol de Léon avec sa filiale Agrival. « Nous valorisons majoritairement les écarts de tri provenant de la coopérative pour en faire des arômes, poudres, eaux végétales, jus concentrés et jus de légumes », explique Jérôme Lelaure, responsable industriel. Fabriqués sur prestation ou en propre, ces produits sont à destination des industriels de l’agroalimentaire, des professionnels de la restauration collective et commerciale, et des particuliers dans le cas des jus de légumes Green 4 You. « Nos besoins ne couvrent pas l’intégralité de la gamme des produits SICA, mais nous sommes en capacité d’absorber 200 t de produits bruts par jour sur nos lignes de production, tout process confondu », conclut Jérôme Lelaure. L’entreprise Green Molecular Response est le maillon entre producteurs et industriels de l’agroalimentaire et les industries de la cosmétique, de la nutraceutique ou des concentrés. « Nous pouvons acheter des abricots déclassés par exemple, et les revendre à différentes entreprises pour valoriser la pulpe en compote, l’amandon en huile, le tourteau d’amandon pour des compléments alimentaires et la coque pour faire de la poudre exfoliante, explique Julien Lesage. Plus le produit est fractionné, plus on crée de la valeur ajoutée. »

Donner pour ne pas détruire

La plus ancienne valorisation reste le don alimentaire. « Le don fait partie de l’ADN des agriculteurs », insiste Angélique Delahaye, présidente de Solaal. Si les producteurs n’ont pas attendu cette association pour donner, le don des produits frais a pris une nouvelle dimension depuis sa création en 2013. « Nous gérons de A à Z le don des fruits et légumes, les producteurs nous appellent et nous leur trouvons une ou des associations d’aide alimentaire intéressées selon les caractéristiques du produit (état de maturité, conditionnement), continue la présidente de l’association. Et nous nous assurons que les producteurs reçoivent leur attestation de don correctement remplie. » Avec cette attestation, le producteur peut avoir une réduction d’impôts d’une valeur équivalente à 60 % du coût du don (coût de production, de conditionnement, de livraison). La somme ne doit pas dépasser 0,5 % du chiffre d’affaires, si c’est le cas elle peut être échelonnée sur les déclarations des cinq années suivantes. Mais la productrice de concombre insiste : « la plupart du temps, « les agriculcœurs » comme je les nomme, ne donne pas pour ce reçu fiscal. »

Le frein de la logistique

La problématique majeure pour la valorisation des invendus de ces produits périssables est la logistique. Entreprises et associations doivent être réactives pour récupérer des produits encore consommables. Solaal a ainsi levé le frein de la logistique dans la chaîne du don alimentaire. « En travaillant avec 16 associations nationales et en faisant appel à du mécénat logistique, nous arrivons à organiser le don hors de la région de production lors des moments de saturation », précise la directrice de l’association. En choisissant une antenne du MIN d’Angers pour s’implanter, ValOrise compte aussi mutualiser les flux. « Les producteurs peuvent ainsi vendre leurs produits frais et leurs produits déclassés au même endroit », souligne Peggy Peralta. Pour les produits non récoltés, la valorisation se corse. Le glanage organisé par des associations existe à des échelles très locales mais reste encore très marginal. « Nous proposons une convention entre associations et producteurs pour le faciliter, explique Angélique Delahaye. Mais il est difficile de mobiliser des équipes de glaneurs du jour au lendemain. »

A savoir

En pratique

La loi Garot (2016) hiérarchise les valorisations possibles des invendus par ordre de priorité :

1l’alimentation humaine

2 l’alimentation animale

3 la méthanisation

Le PACTE national de lutte contre le gaspillage (2013) définit le gaspillage alimentaire comme tel :

« Toute nourriture destinée à la consommation humaine qui, à un endroit de la chaîne alimentaire est perdue, jetée, dégradée, constitue le gaspillage alimentaire »

Rien ne se perd, tout se transforme

L'entreprise Larrère méthanise ses carottes et autres produits invendables, les valorisant alors en électricité. © Invenio

 

« Les écarts de tri de la filière carotte pour le marché frais ont été estimés en 2010 à 15 % des volumes au niveau des stations, rapport Céline Genty de l’AOPn carotte. Mais sur ces volumes quasiment rien n’est jeté. » Chaque type d’invendus trouve un débouché : auprès de transformateurs pour les hors calibres, pour l’alimentation animale pour les cassés, dans des méthaniseurs ou en compost pour les déchets. « Nous valorisons nos carottes hors calibre auprès de la restauration collective ou sur le marché de l’industrie, témoigne Philippe Larrère. Mais comme les cahiers des charges bio sont très drastiques, nous n’arrivons pas à y écouler nos 30 à 40 % de produits non conformes. » Les palettes refusées par les GMS sont données à la banque alimentaire. Celle-ci préfère en effet les produits déjà conditionnés. « Mais là aussi, les volumes qui peuvent être absorbés sont limités », nuance le producteur. Pour les déchets : bouts de carotte ou carottes abîmées, l’entreprise a investi dans un biométhaniseur qui permet de produire de l’électricité. « On n’y met pas que de la carotte mais aussi d’autres de nos produits comme les invendus de potimarrons ou de choux doux, poursuit le carottier. En dernier recours, nous faisons du compost, mais nous devons y ajouter des produits carbonés pour l’équilibrer. » D’autres producteurs à proximité de haras y vendent une partie de leurs volumes invendus. Mais tous les producteurs n’ont pas accès à l’ensemble de ces valorisations. « Des usines de transformation pour l’alimentation humaine ou animale n’existent pas à proximité de toutes les exploitations, pointe Céline Genty. Or les producteurs étant en charge de l’apport de leur marchandise, si les usines sont trop loin, le prix de rachat ne couvre pas les frais de transport. » Sur l’ensemble de la filière, carottes primeurs et de conservation, pour le frais ou l’industrie, en circuit court ou en distribution GMS, l’Ademe estime les invendus à 7 % des volumes dont un quart part pour l’alimentation humaine en transformation ou don et un quart pour l’alimentation animale. L’autre moitié reste au champ ou est compostée.

Contacts

Elixir : 06 15 88 24 33

ValOrise : peraltapeggy@gmail.com

Green Molecular Response : contact@gmrfr.com

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