Dossier Prune : La mirabelle mise sur des saisonniers locaux
La filière mirabelle met en avant l’humain : main-d’œuvre locale et solidarité entre producteurs via des coopératives. Reportage aux Vergers des Gaudines qui trouvent leurs saisonniers à proximité de leurs plantations.
La filière mirabelle met en avant l’humain : main-d’œuvre locale et solidarité entre producteurs via des coopératives. Reportage aux Vergers des Gaudines qui trouvent leurs saisonniers à proximité de leurs plantations.
Le groupe de vingt-cinq cueilleurs est presque arrivé au sommet de la parcelle plantée tous les six mètres de mirabelliers de Nancy issus du clone 15 110. Ils sont deux par arbre basse tige, à charge pour chaque binôme de se répartir entre soi le temps où chacun accède au fruit par le bas ou par le haut. Chaque cueilleur dispose d’un escabeau monoroue à six marches pour atteindre les branches situées deux mètres au-dessus de lui. Il met ses fruits dans un panier baudrier légèrement ovale d’une capacité de 6 kg. « Ils ont comme consigne de vider l’arbre de tous ses fruits. Ils doivent seulement éviter de prendre les pourris qui sont source de contamination », indique Bertrand Perrin, l’un des huit associés de cette exploitation de Gugney-aux-Aulx, dans les Vosges, qui tire la moitié de ses recettes du lait et l’autre de 40 ha de mirabelles et de 17 ha de quetsches.
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La prune du Sud-ouest vers la HVE
Le panier plein est rapatrié vers deux lignes de tri aménagées sur une plateforme attelée au tracteur. Quatre personnes y écartent les mirabelles insuffisamment colorées avant de les mettre dans des caisses qu’un transporteur viendra chercher en début d’après-midi pour les amener à la coopérative Végafruits. En 2019, l’estimation de récolte porte sur 500 t contre 650 t en 2018. La cueillette manuelle concerne un tiers du volume. Elle est indispensable pour obtenir des fruits de bouche qui se tiennent une bonne semaine. En raison du coût de la main-d’œuvre, ils sont payés le double d’une récolte mécanique destinée à la transformation (en frais ou après surgélation) en compote, en conserve, etc.
70 personnes mobilisées à la récolte
La troupe de cueilleurs travaille six jours sur sept, dont éventuellement le dimanche. Elle a commencé sa journée à 6 h, entrecoupée par une pause à 10 h, elle s’achèvera vers 13 h 30, au pire 14 h. Cette année, les saisonniers sont là pour environ cinq semaines. Tous habitent au plus à vingt-cinq kilomètres à la ronde. « C’est une des conditions que nous mettons à l’embauche car nous ne proposons pas d’hébergement. Et si la cueillette est interrompue par la pluie, c’est moins gênant de les renvoyer, voire de les faire revenir une fois que les fruits ont ressuyé », explique Bertrand. Les saisonniers sont pour une moitié des gens d’âge mûr et pour l’autre des étudiants. Philippe, un des saisonniers, trouve que « c’est plaisant de travailler en plein air » et qu’il y a « une bonne ambiance dans le groupe ». Manon accompagne pour la première fois Quentin, son ami, qui vient pour la quatrième année. « Ce sont de grosses journées. Il faut être habile pour remplir son objectif », dit-elle. Chaque cueilleur est rémunéré à la tâche. « Payer au rendement est souvent décrié. Mais ça motive. La base inscrite dans la convention collective, c’est 32 kg/h ou 35 seaux/jour. Cela équivaut au SMIC », précise Bertrand. « Mon premier jour, j’étais à une vingtaine de seaux. Après une semaine, j’en suis à 35-40 », complète Philippe. Les meilleurs cueilleurs parviennent à une paye mensuelle de deux SMIC. « Ça se répète. Cela nous fait une bonne réputation », juge Bertrand. Les Vergers des Gaudines ont besoin de 70 personnes pour la récolte de leurs mirabelles. Quatre associés et un salarié permanent encadrent 65 saisonniers répartis en deux chantiers de récolte manuelle (2 x 25 cueilleurs et 5 trieurs) et un de récolte mécanique (10 personnes). Les postes temporaires sont occupés par environ 90 personnes tout au long de la campagne. Environ un tiers sont des habitués. Tous se manifestent pour pouvoir venir travailler. « Il n’y a pas beaucoup de concurrence pour ce type d’emploi en Lorraine. C’est notre avantage », juge Bertrand. « Je dépose trois annonces. Une première à Pôle emploi à Epinal, deux autres sur les sites Indeed et Le bon coin. Les deux premiers amènent 25 % des candidats, le dernier la moitié. Entre 400 et 500 personnes se présentent chaque année. J’élimine les offres venant de l’étranger. Il n’y a pas de profil type, sauf pour la récolte mécanique où je retiens plutôt des personnes ayant la force de tirer les bâches. Je présélectionne 250 personnes dès le mois de mai. Il faut toujours prévoir des désistements, des indisponibilités. En outre, il y a des remplacements à effectuer en cours de campagne quand certains cueilleurs sont pris par d’autres obligations. Même si le numérique allège considérablement la tâche administrative, je consacre environ 1h30 à boucler chaque poste ».
Trois jours d’essai
Les saisonniers assistent à une réunion préalable qui leur rappelle les règles de base en matière d’horaires, d’organisation, de sécurité et d’hygiène, comme le demande la certification GlobalGAP à laquelle satisfont les Vergers des Gaudines. Ces différents points sont consignés dans un règlement intérieur que chaque cueilleur signe avant son embauche. Trois jours d’essai pendant lesquels les Vergers des Gaudines lui garantissent le SMIC, même s’il n’atteint pas l’objectif de poids minimal, permettent de juger des aptitudes de chacun à répondre aux attentes des arboriculteurs. « Il faut y arriver dès la deuxième journée », signale Bertrand. Cette année quatre personnes ont abandonné avant le terme de cette période. Bertrand Perrin veut croire à la pérennité de ce fonctionnement. « Le bouche-à-oreille participe au recrutement. Nous connaissons souvent les parents des jeunes qui proposent leurs services. Nous resterons attachés à employer des saisonniers locaux ».
Christophe Reibel
1 000 ha sous IGP
Moribonde dans les années 80, la mirabelle s’est refaite une santé en 1995 quand 250 producteurs ont créé l’association « Mirabelles de Lorraine », aujourd’hui détentrice de l’IGP éponyme. En fruit de bouche, le cahier des charges réclame une mirabelle de couleur jaune franc ; il impose un calibre minimum de 22 mm et une sucrosité d’au moins 16° brix. Les vergers en IGP couvrent aujourd’hui quelque 1 000 ha exploités par 75 arboriculteurs. La récolte oscille entre 4 000 et 10 000 t/an. Une coopérative et un négoce commercialisent ce volume. En incluant les surfaces non IGP, les vergers lorrains de mirabelles s’étendent sur quelque 2 000 ha.