Faisons vieillir davantage les vaches laitières
Dans le Finistère, des éleveurs se penchent sur la pyramide des âges de leurs vaches. Objectif : optimiser la durée de vie productive et mieux amortir le coût d’élevage des génisses.
Dans le Finistère, des éleveurs se penchent sur la pyramide des âges de leurs vaches. Objectif : optimiser la durée de vie productive et mieux amortir le coût d’élevage des génisses.
La longévité du troupeau est un facteur clé d’efficacité économique. « Après la maîtrise du coût alimentaire, elle est sans doute le deuxième critère qui influe le plus sur les résultats économiques de l’atelier lait, affirme Isabelle Pailler, conseillère lait à la chambre d’agriculture de Bretagne. Lorsqu’on augmente l’âge moyen des vaches à la réforme, on a davantage d’animaux adultes qui produisent plus et moins d’animaux improductifs en croissance à nourrir. » Faire vieillir les vaches, c’est optimiser leur durée de vie productive.
Pour travailler sur ce critère clé, la conseillère a mis en place avec les vingt-trois éleveurs de son groupe lait herbager une approche pédagogique. Depuis, la démarche a fait des émules et d’autres groupes lait s’en sont emparés.
Observer la répartition des classes d’âge
L’idée de base a été de reconstituer pour chaque élevage une pyramide des âges du troupeau sous forme graphique, à l’image de celle dont on dispose pour la population humaine. Chaque éleveur a fourni à la conseillère le nombre d’animaux et les sorties de troupeau par classe d’âge. « L’intérêt des pyramides est de permettre de visualiser comment sont réparties les différentes classes d’âge dans chaque troupeau et d’observer les différents profils : Comment je me situe par rapport aux autres ? Y a-t-il des creux ? Des années avec peu de renouvellement ou à l’inverse beaucoup ? Des années où les vaches ne durent pas ? etc. »
Au Canada, les éleveurs visent une composition de troupeau avec 50 % des animaux en troisième lactation et plus : « c’est aussi l’objectif que l’on peut se fixer », propose la conseillère en rappelant que « les vaches adultes en troisième et quatrième lactation sont les plus productives ».
Chacun a aussi regardé sur l’année 2021 à quel âge et pour quelles raisons les animaux avaient été réformés ou sont morts. Dans le groupe, les principales causes de réformes sont les cellules ou mammites (34 %), les problèmes de reproduction/fertilité (33 %), l’âge (9 %), les vaches trop lourdes pour le pâturage (9 %), et les boiteries (7 %). Trois élevages ont une proportion très importante de jeunes vaches, due soit à une forte augmentation de cheptel, soit à des problèmes sanitaires.
Se fixer un objectif et les moyens d’y parvenir
Le groupe s’est aussi intéressé à différents critères : le taux de renouvellement, le nombre de lactations, l’âge à la réforme, la vente de lait par carrière et par jour de vie, ainsi que le pourcentage de jours de vie productive. « Tous ces indicateurs peuvent être calculés facilement à partir de quatre données : le lait livré par vache et par an, le nombre de génisses qui entrent dans le troupeau, l’âge au premier vêlage et l’intervalle vêlage-vêlage (IVV). Ils sont très liés entre eux », souligne Isabelle Pailler. Grâce au tableur qu’elle a construit, les éleveurs ont pu faire varier par exemple le taux de renouvellement ou l’IVV et voir l’impact sur les autres indicateurs comme l’âge à la réforme. « L’idée est de se fixer un objectif et de voir comment y parvenir. Un pourcentage de vie productive d’au moins 50 %, soit un jour sur deux, me paraît intéressant. »
Un impact fort sur le lait livré par jour de vie
« Le taux de renouvellement explique une grande partie de l’efficacité du cycle de production : il impacte fortement le lait livré par jour de vie », observe, chiffres à l’appui, la conseillère. Avec un taux de renouvellement de 30 %(1), on se situe à 10,9 litres vendus par jour de vie. Si on baisse le taux de renouvellement à 25 %, on grimpe à 11,9 litres vendus par jour de vie, soit 8 % de lait livré en plus. Et si en plus l’âge au vêlage est diminué de 30 à 24 mois, on passe à 12,8 litres par jour de vie soit 17 % de lait livré en plus !
« Longévité et maîtrise du renouvellement du troupeau sont intimement liées. Le nombre de génisses gardées a des conséquences fortes sur la longévité », conclut Isabelle Pailler. Attention aux vaches mises trop vite dehors : « Les génisses ne doivent pas pousser vers la réforme des vaches qui auraient pu rester. C’est antiéconomique – il y a beaucoup de coût alimentaire caché derrière l’élevage de génisses – et cela ne va pas dans le sens de la demande sociétale. »
Elle en est persuadée : il existe dans beaucoup d’élevages une marge de progrès. Car « en général, les réformes obligatoires tournent autour de 20 %. Le taux de renouvellement pourrait descendre de 35 % à 25 % en conventionnel, et de 25 à 20 % en bio. »
Trois voies pour améliorer la vie productive
Mise en garde
Il ne faut pas confondre le rang moyen de lactation du troupeau avec le nombre moyen de lactations à la réforme, quand les vaches sortent du troupeau. Le rang moyen de lactation indique où en sont en moyenne les vaches dans le troupeau à un instant donné. « En moyenne, il faut ajouter '1' au rang moyen pour obtenir le nombre de lactations à la réforme », estime Isabelle Pailler.