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En élevage laitier : Nettoyer la machine à traire avec TACT

Le respect des procédures et des paramètres de nettoyage de la machine à traire est le garant d’une bonne maîtrise des microflores du lait et de l’absence de résidus.

Peut mieux faire. « Les chiffres diffusés par le Cofit, qui déploie sur le terrain les quatre contrôles officiels des machines à traire (dont Net’traite, le contrôle du nettoyage des installations de traite), nous apprennent que les soucis sur le nettoyage sont assez fréquents, expliquait Jean-Louis Poulet, expert traite de l’Institut de l’élevage lors d’un webinaire Grand angle lait. Ce sont majoritairement des installations qui donnent visuellement l’impression de n’être pas complètement nettoyées (46 %) et des problèmes de température de la solution et de quantité d’eau à la température appropriée pour un nettoyage de qualité (37 %). Même dans les installations neuves, on observe des conformités de lavage qui font défaut dans quasiment un tiers des situations. En grande majorité, il s’agit de problèmes de dimensionnement des circuits de lavage et des quantités d’eau mises en circulation, ou des soucis au niveau des températures. »

Le nettoyage de la machine à traire est une des clefs de la qualité microbiologique et chimique du lait. Elle doit être à la fois exempte de flores indésirables et pathogènes, tout particulièrement quand il est traité en lait cru, mais aussi de résidus chimiques issus du lavage et de la désinfection. Le nettoyage préserve aussi le bon fonctionnement de l’installation.

Détergence, détartrage, désinfection

Le nettoyage des installations de traite est réalisé avec de l’eau et des produits de nettoyage et désinfection (NED), qui assurent la détergence, éventuellement la désinfection et le détartrage. La détergence permet de décoller et éliminer les souillures (organiques principalement) et de limiter la pression des microorganismes. Les détergents sont composés de plusieurs agents chimiques : alcalins (pour saponifier les matières grasses et dissoudre et hydrolyser les protéines), séquestrants et tensioactifs. Le détartrage est assuré par une solution acide qui élimine le tartre et la pierre de lait. La désinfection ou biocidie n’est pas toujours souhaitable en routine, notamment en transformation fromagère, auquel cas elle doit être remplacée par des pratiques d’hygiène et de détergence irréprochables. Pour être efficace, elle doit être réalisée sur des surfaces propres, d’où l’importance d’un bon nettoyage préalable.

Un nettoyage efficace repose sur la maîtrise de quatre paramètres (TACT) : température, action mécanique, concentration, temps de contact. Un préalable également : la qualité de l’eau. Elle doit être propre, chimiquement et biologiquement. Et il faut connaître sa dureté, qui influe sur le choix des produits, le dosage et leur fréquence d’utilisation.

Température, ni trop, ni trop peu

 

 
Vérifiez la température en fin de lavage qui doit être au minimum de 35 °C. En hiver, il est même préférable de viser 40 °C pour être sûr d’y parvenir. © B. Griffoul
Vérifiez la température en fin de lavage qui doit être au minimum de 35 °C. En hiver, il est même préférable de viser 40 °C pour être sûr d’y parvenir. © B. Griffoul

 

En fin de lavage, la température de la solution doit être supérieure à 35 °C pour que les matières grasses restent en suspension. « C’est le juge de paix », affirme Jean-Louis Poulet. Il attire l’attention sur les chauffe-eau domestiques, qui souvent plafonnent à 55-60 °C et sont incapables de délivrer de l’eau à la bonne température en quantité voulue pour qu’elle puisse être maintenue à un niveau suffisant pendant toute la durée de nettoyage. « Il faut bien avoir en tête que, sur une installation de traite, on a des besoins industriels pour ce qui est des quantités et températures d’eau chaude », insiste l’expert. A contrario, il faut éviter des températures supérieures à 70 °C (coût énergétique élevé, neutralisation de substances actives, danger pour l’utilisateur). Idéalement, donc, 60-65 °C en début de lavage.

De la turbulence dans le circuit

« Il est primordial que toutes les surfaces qui ont pu être en contact avec le lait soient en contact avec la solution de NED pendant une durée définie », martèlent les experts. La circulation de la solution doit se faire en régime turbulent, à savoir une alternance de bouchons de solutions et de bouchons d’air. Cela permet d’économiser de l’eau mais surtout d’avoir une aspersion de solution sur les parois de la chambre de réception et de décoller les souillures. « Attention aux grosses installations, avec des turbulences parfois difficiles à obtenir et des répartitions de solutions pas si simples à maîtriser », prévient Jean-Louis Poulet.

Les bons produits aux bonnes doses

 

 
Les pompes de prélèvement automatique doivent être entretenues et vérifiées régulièrement (prise de la bonne quantité de produit, vitesse de consommation dans les bidons). © B. Griffoul
Les pompes de prélèvement automatique doivent être entretenues et vérifiées régulièrement (prise de la bonne quantité de produit, vitesse de consommation dans les bidons). © B. Griffoul

 

Avec une eau douce (moins de 10 TH), quasiment tous les produits de NED peuvent convenir. Avec une eau dure à très dure (plus de 30 TH), il faut choisir un produit alcalin ayant un pouvoir séquestrant renforcé. Pour connaître la dureté de l’eau, on peut se référer à des cartes disponibles sur le site internet du ministère des Solidarités et de la Santé, ou mieux à une analyse d’eau. En cas d’eau dure, les experts recommandent d’utiliser un produit acide quotidiennement (soit 1 passage d’alcalin pour 1 passage d’acide) et, inversement, avec une eau douce de « maximiser la détergence, et éventuellement la biocidie, par la circulation plus fréquente de solutions alcalines, avec des utilisations ponctuelles d’acide (bihebdomadaires soit 6 passages d’alcalin pour 1 passage d’acide) ». Pour des duretés intermédiaires, le protocole sera adapté en accord avec le fournisseur et après d’éventuels essais. Qu’il soit fait manuellement ou automatisé, le dosage du produit recommandé par le fabricant doit être scrupuleusement respecté. Trop peu, le nettoyage ne sera pas efficace. Trop, c’est un coût inutile, un impact environnemental plus fort et un risque de résidus dans le lait.

6 à 10 minutes de contact

Pour être efficaces, les produits de nettoyage et désinfection doivent être en contact avec les surfaces à nettoyer pendant une durée minimale. Inversement, il ne faut pas prolonger trop longtemps la circulation, au risque de trop refroidir la solution et de redéposer des graisses. La durée de circulation est comprise entre 6 et 10 minutes selon les produits. S’en tenir aux consignes du fournisseur.

D’après le guide « Bonnes pratiques d’utilisation des produits de NED pour installation de traite ».

Les fondamentaux d’une bonne procédure de nettoyage en place

1 - Vidange du circuit du lait puis prélavage tiède (ou froid puis chaud), si possible en circuit ouvert, pour évacuer le lait résiduel tout en maintenant en température le circuit du lait.

2 - Lavage chaud en circuit fermé par circulation d’une solution de lavage (alcaline ou acide) pour éliminer les souillures et parfois désinfecter.

3 - Compléments optionnels : désinfection et/ou rinçage acide.

4 - Entre chaque phase, effectuer une purge intermédiaire pour éviter les mélanges de lait, d’eau plus ou moins chargée et de solution de nettoyage.

5 - Rinçage final froid à l’eau potable pour évacuer les résidus des produits.

6 - Séchage et purge finale.

Prendre le temps de lire les étiquettes

 

 
Peu lisibles, les étiquettes n’en contiennent pas moins des informations importantes concernant la sécurité et l’utilisation. © B. Griffoul
Peu lisibles, les étiquettes n’en contiennent pas moins des informations importantes concernant la sécurité et l’utilisation. © B. Griffoul

 

« Jugées complexes, les étiquettes des bidons de produits de NED (nettoyage et désinfection) sont peu consultées, ce qui concourt à une mauvaise préparation et utilisation des solutions de lavage, regrettent les experts de l’Institut de l’élevage. Les informations qu’elles contiennent sont pourtant primordiales pour une utilisation efficace et sécurisée des produits. Les recommandations des fabricants doivent être respectées. » Les étiquettes comprennent, d’une part, des informations réglementaires et, d’autre part, des informations commerciales et techniques. Dans la première partie, on trouve les pictogrammes normalisés de danger concernant l’utilisateur et le transport. Tout produit fait également l’objet d’une fiche de données sécurité, plus complète que l’étiquette. Elle doit systématiquement être remise lors de l’achat d’un nouveau produit.

Les bidons doivent être stockés debout, dans un local ventilé et à l’abri de la lumière et de forts écarts de température. Certains produits sont soumis à des dates limites d’utilisation, au-delà desquelles ils perdent leur efficacité (biocides) ou se dégradent en produisant des molécules indésirables (eau de javel). Les produits ne doivent jamais être mélangés (acide et alcalin notamment) et, s’il faut manipuler des bidons ouverts, se protéger avec masque ou lunettes et gants adaptés (EPI). Prévoir enfin de recycler les contenants vides dans les filières appropriées (voir démarche EVPHEL sur www.adivalor.fr) après les avoir préparés selon la règle ORE (ouvert, rincé, égoutté).

Le biofilm ou l’ensemencement invisible

La machine à traire joue un rôle central dans l’ensemencement du lait en microflores, qu’elles soient utiles (pour la transformation en lait cru notamment), indésirables (elles altèrent les qualités sensorielles et technologiques du lait) ou pathogènes (elles sont dangereuses pour la santé humaine). Mais les souillures visibles ne sont pas les seules en cause. « L’ensemencement par la machine à traire se fait essentiellement de façon invisible par le biais des biofilms, explique Alice Hubert, experte qualité du lait à l’Institut de l’élevage. Les biofilms sont des communautés de microorganismes adhérentes à une surface. Elles ont la propriété de produire une enveloppe protectrice qui les protège des procédures de nettoyage et désinfection. Dans toutes les machines à traire, même avec les procédures les plus drastiques, ce biofilm est présent. L’ensemencement du lait se fait par décrochage des couches supérieures du biofilm. » L’objectif est donc de limiter la pression en microorganismes. Cela passe d’abord par une bonne conception de l’installation de traite (petites et simples, surfaces non poreuses, circuit de nettoyage adapté…), par son entretien et le renouvellement des consommables et, enfin, par le nettoyage et la désinfection.

Mise en garde

Les automates de lavage doivent être surveillés : s’assurer visuellement de la propreté du circuit, suivre la consommation hebdomadaire des produits, assister une fois par semaine à un nettoyage complet. Et ils doivent être entretenus selon les recommandations du fabricant.

Nouveaux enjeux : résidus et impact environnemental

Si la maîtrise de la qualité microbiologique du lait reste la question centrale du nettoyage et de la désinfection de la machine à traire, de nouveaux enjeux sont de plus en plus prégnants : d’une part, éviter les résidus de produits de nettoyage et désinfection dans le lait, d’autre part, diminuer l’impact environnemental des procédures de nettoyage (consommation d’eau et rejets de produits). Plusieurs projets de recherche sont en cours pour mieux comprendre les interactions entre machine à traire et qualité du lait, et pour améliorer l’efficacité des procédures tout en réduisant les risques de rejets et résidus. Des entreprises, pour certaines filières (notamment de lait infantile haut de gamme) préconisent des méthodes de lavage avec des produits sans chlore.

Faire contrôler le nettoyage

Net’traite est un contrôle officiel du nettoyage de l’installation de traite réalisé par un agent qualifié. Il est recommandé de le demander lors du Certi’traite (contrôle de conformité d’une nouvelle installation), à titre préventif tous les 3-4 ans ou, ponctuellement, en cas de problème de qualité du lait ou de fonctionnement du matériel.

Côté biblio

De nombreuses fiches techniques à retrouver sur www.idele.fr :

- La qualité microbiologique du lait et tous ses secrets ;

- Les bonnes pratiques d’utilisation des produits de NED pour installation de traite ;

- NED : Comprendre les étiquettes des bidons ;

- Nettoyage et désinfection des tanks à lait ;

- Démarche d’intervention sur la qualité microbiologique du lait dans une exploitation avec robot de traite.

 

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