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Élevage laitier : « Je vais réduire de 20 % mes émissions de gaz à effet de serre sans bouleverser mon quotidien »

Dans les Vosges, Stéphane Simonin entend réduire de 20 % ses émissions de gaz à effet de serre. Il mise notamment sur des prairies temporaires en remplacement des céréales. Un point qui lui permettra également de gagner en autonomie.

Stéphane Simonin. « Je n’ai pas vocation à me convertir au bio mais il y a des choses à faire en conventionnel. »
Stéphane Simonin. « Je n’ai pas vocation à me convertir au bio mais il y a des choses à faire en conventionnel. »
© A. Juanchich

« Je vais diminuer de 20 % mes émissions de gaz à effet de serre sans changer grand-chose », explique Stéphane Simonin, éleveur laitier en individuel à Moyemont dans les Vosges. Théoriquement, cette réduction de 800 tonnes d’équivalent CO2 émis sur cinq ans pourrait être valorisée 30 €/t soit 24 000 € dans le cadre de la démarche France Carbon Agri. Les démarches sont en cours. Le contrat n’est pas encore signé.

Comment ? Principalement en modifiant son assolement et en réduisant le plus possible la durée de vie improductive des vaches (diminution de l’âge au premier vêlage et de l’intervalle vêlage-vêlage, augmentation du nombre de lactation). « Je pensais qu’il y aurait beaucoup de choses à faire mais là, rien ne va bouleverser mon quotidien », réalise l’éleveur.

Remplacer les céréales par des prairies

« Le principal changement est le passage en prairies temporaires », explique Stéphane Simonin. Jusque-là, la ferme ne comptait que des prairies permanentes et des cultures. L’année dernière, treize hectares de céréales ont vu leur sol modifié.

Dans les Vosges, la mise en place de prairies temporaires est assez récente. Par manque de recul, éleveurs et conseiller tâtonnent encore.
Dans les Vosges, la mise en place de prairies temporaires est assez récente. Par manque de recul, éleveurs et conseiller tâtonnent encore. © A. Juanchich

Huit hectares ont été implantés avec un mélange trèfles/ray-grass implanté sous couvert de méteil (triticale/pois) à l’automne. Le méteil est ensuite récolté en une fois pour être enrubannée début mai. Trois coupes pour enrubannage ou fenaison sont ensuite réalisées sur le mélange trèfle/ray-grass.

Sur les cinq autres hectares, Stéphane Simonin a semé de la luzerne. « Ici c’est simple à faire pousser », assure-t-il. Pour cette première année d’implantation, la récolte a été enrubannée.

Plus de protéines et d’autonomie

Ces modifications ont deux avantages. Premièrement, les rotations ont été allongées entraînant une baisse des achats d’intrants. « Au total, nous avons réduit de 20 unités les apports d’engrais minéraux sur les maïs sur un total de 140 unités », explique l’éleveur.

Deuxièmement, apporter plus d’autonomie fourragère à l’exploitation. « J’aurais pu continuer d’acheter du foin et de vendre des céréales, mais là au moins je suis plus tranquille et je sais ce que je récolte en termes de qualité, ce qui n’était pas toujours le cas lorsque j’achetais à l’extérieur », ajoute l’éleveur.

Un bon calcul économique ?

Pour le producteur vosgien, ce passage en prairie temporaire conduit finalement à diminuer le travail nécessaire sur ces surfaces. D’un point de vue économique, l’intérêt est difficile à évaluer, notamment lorsque les cours du blé sont particulièrement élevés, comme c’est le cas aujourd’hui.

« Si je calcule cette année, avoir passé 13 hectares de céréales en praires temporaires, cela n’était pas rentable », admet Stéphane Simonin. Mais l’éleveur veut voir plus loin. « En plus du gain d’autonomie, ce n’est pas sûr que les céréales rapportent plus tout le temps. » En effet, d’autres facteurs sont à prendre en compte. Les achats de foin sont réduits au strict minimum. Grâce à ce nouvel apport de protéines, moins de concentré est acheté. « 800 grammes de correcteur en moins par vache », explique l’éleveur qui a remplace sa VL40 par du colza, complété par des cérales autoconsommées.

Optimiser la vie productive

Un quart du troupeau affiche plus de cinq lactations. La plus âgée, huit lactations. « Le vieillissement n’est pas un critère de réforme ; tant qu’elles produisent, je les garde. »
Un quart du troupeau affiche plus de cinq lactations. La plus âgée, huit lactations. « Le vieillissement n’est pas un critère de réforme ; tant qu’elles produisent, je les garde. » © A. Juanchich

Côté conduite du troupeau, des leviers sont mis en place pour optimiser la vie productive du cheptel. Outre le fait que plus de lait par vache sera produit grâce notamment au passage prochain au robot de traite, le taux de renouvellement sera réduit à 25 % avec du croisement industriel alors qu’il était encore de 30 voire 40 % il y a deux ans.

L’âge au premier vêlage est de 24 mois en Holstein depuis la mise en place de détecteurs de chaleur trois ans plus tôt. « Cela permet aussi de gagner en qualité de travail. Je suis tout sur téléphone. » L’intervalle vêlage-vêlage a été réduit de plus de 400 jours à 370/375 jours grâce à un suivi repro une fois par mois par un technicien de la coopérative. « Toutes les vaches sont examinées après vêlage et des échographies sont réalisées à la moindre interrogation. »

Les vaches vieillissent également. Un quart du troupeau affiche plus de cinq lactations. La plus âgée, huit lactations. « Le vieillissement n’est pas un critère de réforme ; tant qu’elles produisent, je les garde. »

Repères

Lors du diagnostic Cap'2ER réalisé en septembre 2021, l’empreinte carbone nette de l’exploitation était évaluée à 0,85 kg éq. CO2/l de lait corrigé pour des émissions de 1,06 kg éq. CO2/l de lait corrigé. Un chiffre quelque peu élevé : la moyenne de référence des émissions est de 0,94 kg éq. CO2/l de lait corrigé.

Fiche élevage

EARL des hetz

69 VL à la traite
530 000 l de lait produits en AOP munster dont 230 000 l collectés par la fromagerie accolée à l’élevage mais indépendante
8 000 l/VL
2 UMO dont 1 salariée et 1 saisonnier l’été
200 ha de SUA dont 70 ha de prairies permanentes, 13 ha de prairies temporaires et le reste en céréales

Avis d’expert : Thierry Prévost, conseiller d’entreprise à la chambre d’agriculture des Vosges

« Une multiplicité de leviers »

Thierry Prévost, conseiller d’entreprise à la chambre d’agriculture des Vosges
Thierry Prévost, conseiller d’entreprise à la chambre d’agriculture des Vosges © T. Prévost
« Il n’existe pas un levier miracle pour limiter ses émissions de gaz à effet de serre. À l’EARL des hetz, Stéphane Simonin va mettre en place une multiplicité de leviers. En plus de sécuriser son système fourrager, les prairies temporaires implantées avec des légumineuses permettent de diminuer les apports azotés par rapport au maïs. Quelques kilos de luzerne dans la ration permettent d’apporter plus de protéines et ont un effet sanitaire intéressant. Globalement, à UGB constante, tout ce qui va permettre de produire autant voire plus de lait avec autant ou moins de concentré permettra de diminuer ses émissions de gaz à effet de serre. »

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