« Disposer de données pour piloter, c’est essentiel » pour Stefan Van Rumst, éleveur belge
Stefan Van Rumst nous montre, sur son élevage de 300 vaches, à quoi peuvent servir des indicateurs et des tableaux de bord : à réagir en cas de dérapage, mais aussi à prendre des décisions de pilotage.
Stefan Van Rumst nous montre, sur son élevage de 300 vaches, à quoi peuvent servir des indicateurs et des tableaux de bord : à réagir en cas de dérapage, mais aussi à prendre des décisions de pilotage.
Stefan Van Rumst est installé en Belgique à Chimay, à la frontière des Ardennes. En vingt ans, cet éleveur est passé d’une production de 500 000 litres à 3,5 millions de litres. Ses 300 vaches produisent aujourd’hui en moyenne 34 litres par jour. Installé sur une surface de 178 hectares, il achète des fourrages et pas mal de concentré pour nourrir ses vaches et 250 génisses qui vêlent à 23 mois. « Les vêlages sont étalés sur l’année pour une meilleure gestion des niches à veaux, le respect des protocoles d’élevage et de conduite du troupeau, étaler le travail et optimiser la main-d’œuvre salariale », a-t-il souligné lors d’une conférence organisée par l’entreprise de conseil en élevage d’Ille-et-Vilaine Eilyps(1) en septembre.
Saturer les moyens de production
Cet agrandissement ne s’est pas fait sans erreur, reconnaît-il. « On passe à 100 vaches puis 120… et on finit par se rendre compte qu’au-delà de 150 vaches, ce n’est plus possible de continuer comme avant avec 1 ou 2 personnes. » Stefan livre son lait à une coopérative qui ne limite pas le volume collecté. Son objectif aujourd’hui est d’atteindre 320 vaches pour saturer tous les bâtiments, équipements, surface et main-d’œuvre. Il pilote l’exploitation avec des indicateurs, notamment pour tout ce qui est reproduction et alimentation. « Je travaille avec un organisme privé (Liba) qui ne fait pas de conseil : il met à disposition une plateforme de calcul sur laquelle je saisis les données d’élevage. » Il accède ainsi à des tableaux de bord qui lui permettent de se comparer à la moyenne des 300 à 400 éleveurs inscrits sur la plateforme et à la moyenne du quart supérieur. Le coût du service est dérisoire, à 100 euros par an. « L’éleveur doit surtout se discipliner pour entrer régulièrement les données. »
Calcul de l'impact économique de l'efficacité alimentaire
Pour ce qui est de l’alimentation, un premier tableau de bord permet à Stefan de connaître le coût de sa ration par vache et par jour. À charge pour lui de saisir pour chaque aliment la quantité distribuée et le coût de l’aliment. Un second tableau lui permet de connaître son efficacité alimentaire, et de la comparer à celle du groupe. Il indique aussi l’impact économique de l’écart constaté avec les 400 éleveurs et avec le quart supérieur du groupe.
Deux tableaux très utiles pour définir la stratégie alimentaire. « Le coût de ma ration est supérieur à la moyenne (4,5 €/VL/j contre 4,07 €) ; en revanche, mon efficacité alimentaire est meilleure (1,54 au lieu de 1,45). Le tableau me montre que si je diminue l’efficacité alimentaire au niveau de celle du groupe, j’enregistrerais une perte de 63 000 euros (voir tableau 1), commente-t-il. Ces données me confortent dans l’idée que je suis dans la bonne direction : il est nécessaire, avec l’intensification de mon élevage, d’avoir une efficacité alimentaire haute pour justifier les achats de fourrages. »
Décision de pilotage : réduire l’intervalle vêlage-vêlage
Stefan dispose également d’un tableau de bord pour la reproduction (voir tableau 2), un point clé du pilotage. Il poursuit son raisonnement. « Pour avoir une efficacité alimentaire haute , j’ai besoin d’avoir des vaches en début de lactation : les vaches à 300 jours de lactation ont une efficacité alimentaire de 1,1-1,3, alors que dans les 100 premiers jours, on se situe à 1,6 voir plus. J’ai donc cherché à raccourcir l’intervalle vêlage-vêlage », argumente-t-il. Il a travaillé la reproduction en se fixant des objectifs qui aujourd’hui sont largement atteints (voir tableau 2). « Des IVV plus courts permettent d’avoir plus de vaches au pic donc plus de lait vendu ; ils permettent aussi d’avoir des vaches en meilleure santé en évitant d’en avoir qui s’engraissent en faisant des lactations longues, ajoute-t-il. Et comme j’ai une ration unique pour toutes les vaches, j’ai aussi intérêt à avoir des IVV courts et homogènes. »
Un gain de 40 000 € en gagnant 15 jours d'IVV
Il y a quelques années, l’élevage était à 410-415 jours d’IVV. « Je trouvais normal qu’une vache à plus de 8 000 kg soit à plus de 400 jours d’IVV. Mais cela représente un budget énorme. » Sur son élevage, Stefan gagne 50 litres de moyenne d’étable par jour de lactation moyen gagné. Quinze jours de gagnés permettent de produire 750 kg de lait par vache en plus, soit 225 000 litres de lait qui permettent de dégager 40 000 euros de marge brute. « Les jours gagnés se sentent dans le portefeuille ! »
En pratique, la saisie des données de repro (chaleur, IA, vêlage) est quotidienne et prend un quart d'heure à 20 minutes par jour, le contrôle des gestations étant effectué toutes les quatre semaines. L’enregistrement des données alimentaires demande 20 à 30 minutes. Un système très visuel de jauges permet de voir rapidement si l’élevage est dans le vert ou dans le rouge sur différents critères et de réagir rapidement. Tous les salariés ont accès à une partie des fiches directement sur la plateforme, ainsi qu’aux différents protocoles mis en place par les vétérinaires.
Des échanges dans plusieurs groupes d’éleveurs
Les tableaux de bord ne font pas tout, Stefan s’est bien entouré. Il fait partie de plusieurs groupes : un groupe pour l’alimentation avec un vétérinaire spécialisé, un autre pour la repro avec un autre vétérinaire, et un groupe de comptabilité-gestion. Celui-ci réunit une dizaine d’élevages assez similaires (plus de 1 million de litres) situés dans un rayon de 150 km. Il se réunit tous les trimestres en mettant tous les chiffres des tableaux de bord sur la table. « Nous discutons du travail quotidien, des achats d’aliments, des assolements, de la gestion des salariés, de nos erreurs et réussites, dans le but de progresser dans la gestion journalière », explique Stefan Van Rumst, qui fait aussi partie du réseau EDF (European dairy farmer). Et de conclure, « bien entourés, avec de bons chiffres et des tableaux de bord pour se comparer, on avance. Les euros suivent facilement après ».
Des podomètres très rentables
° Pour atteindre l’objectif d’IVV qu’il s’était fixé, Stefan Van Rumst a notamment investi il y a trois ans 50 000 € dans des podomètres, et 20 000 € dans des portes de tri. Toutes les vaches, pas seulement celles susceptibles d’être en chaleur, ont été équipées de podomètres. « Ils permettent aussi une meilleure détection des boiteries, des vaches malades et des avortements », souligne-t-il.
° Le calcul du retour sur investissement est vite fait : « avec une amélioration de l’IVV de 30 jours, nous avons gagné presque 5 l/VL/j soit 490 kg/VL ». Au final un peu moins de 500 000 litres de lait sur trois ans « sans grand changement par ailleurs » qui se sont traduits par près de 100 000 € d'EBE supplémentaires. « Le gain d’EBE a permis d’embaucher un demi-salarié supplémentaire. L’impact n’est pas seulement économique, mais aussi sur la santé : moins de stress et du temps pour faire du vélo deux-trois fois par semaine ! »
À retenir
° un enregistrement quotidien des données de repro
° un suivi régulier du coût de la ration et de l’efficacité alimentaire
° un calcul des pertes économiques liées à la baisse de l’efficacité alimentaire
° un impact économique très important de la réduction de l’IVV